Algérie - Alger

Slimane Saadoun, écrivain, à L'Expression «C'est à l'école qu'on donne l'amour du livre»



Publié le 17.11.2024 dans le Quotidien l’Expression
Rencontré au Sila, Slimane Saadoun, auteur de six livres édités dont Le retour d'Ibn Toumert et Lalla n Ouerdja la révoltée, se confie à coeur ouvert.

L'Expression: Vous participez au Sila avec un nouveau titre. Pouvez-vous nous en parler?

Slimane Saadoun:En effet, mon dernier roman vient tout juste de paraître aux éditions Medias Index (Alger). Malheureusement je n'ai pas pu le présenter au Sila, mon éditrice ayant été empêchée, pour des impératifs personnels, de tenir un stand. L'idée de mon roman À bout de rêves est née durant le Hirak. J'ai constaté, avec beaucoup d'autres, que le phénomène de la harga s'est brusquement ralenti durant ce mouvement et cela m'a donné à réfléchir. J'ai eu l'occasion de discuter avec beaucoup de jeunes et j'ai compris plus ou moins les raisons de leur volonté désespérée de fuir le pays au risque de leur vie. L'histoire prétexte du roman met en scène un village, Aguemoun n'Lhif, un coin perdu dans les montagnes de Kabylie, où un groupe de jeunes, gagnés par le désespoir et la résignation après avoir échoué à donner un sens à leurs rêves et à leurs espérances, tentent de recourir à des stratagèmes souvent farfelus pour gagner l'autre rive de la Méditerranée. Ils portent encore en eux les traumatismes de la décennie noire et du printemps noir de 2001, et les blessures qu'ils ont en gardées, comme la perte d'une jeune fille, restent ouvertes. Certains d'entre eux, pour ne pas sombrer, s'accrochent à leur relation amoureuse avec des filles du village comme à des bouées de sauvetage. Dans cette atmosphère de résignation et de désespérance, deux jeunes filles apportent une note d'espoir: elles décident de défier les mentalités conservatrices en choisissant des métiers d'homme. C'est la tentative de suicide de l'un des jeunes qui fait prendre conscience aux autres que la solution réside en eux-mêmes et c'est sous l'impulsion de deux jeunes filles qu'ils arrivent à sortir de leur résignation et de leur passivité. L'histoire est prétexte à aborder des thèmes qu'on retrouve d'ailleurs dans tous mes ouvrages: la condition de la femme, l'identité, la liberté.

Le SILA a été une occasion pour vous de rencontrer d'autres écrivains. Pouvez-vous nous en parler?

Pour ma part, pour un écrivain, je crois que la principale raison d'être du salon, c'est l'occasion de rencontrer des écrivains qui deviennent au fil des rencontres et des échanges des amis, des éditeurs, des journalistes, et surtout des lecteurs. Ce sont ces échanges qui permettent de passer du virtuel au réel, de donner consistance aussi bien au livre, au lecteur qu'à l'auteur. Je suis venu au Sila à deux reprises, à titre de visiteur, cela m'a permis de rencontrer des amis et des amies, écrivains et lecteurs, des journalistes, des éditeurs et j'en suis réellement ravi.

D'après vous, quels sont les aspects positifs du Sila?

Comme tout salon, le Sila est avant tout un espace d'échange et de rencontre, il permet comme je l'ai déjà dit aux acteurs du livre de se rencontrer et d'échanger. Bien sûr, il y a l'aspect commercial, pour les éditeurs de faire connaître et écouler leurs productions, pour les auteurs à compte d'auteur de vendre leurs livres et pour le lecteur d'acheter les dernières parutions et de rencontrer ses auteurs préférés. Mais je pense que pour un écrivain, c'est surtout l'occasion de faire de nouvelles rencontres, de rencontrer ses lecteurs, ses collègues et la presse.

Des centaines de livres sont publiés à l'occasion du sila. à quoi peut-on attribuer ce besoin d'écrire chez tous ces auteurs en dépit du fait que la lecture a chuté considérablement ces derniers temps?

C'est un véritable paradoxe. D'une part, nous assistons dans les salons à la présence d'une pléthore d'écrivains, et de l'autre à la rareté des visiteurs et des lecteurs. Peut-être est-ce dû au fait qu'une fois la parole libérée, les gens qui en ont la capacité trouvent le besoin d'écrire et de s'exprimer? Par contre, la dégringolade incontestable du lectorat qui se réduit comme une peau de chagrin s'explique par une seule cause: l'école. C'est à l'école, très tôt, qu'on donne l'amour du livre et le gout de lire. Bien sûr, les parents jouent aussi un rôle important, mais au stade où nous en sommes aujourd'hui, c'est à l'école que tout doit se jouer.

Beaucoup d'auteurs vous confient leurs manuscrits pour lecture et correction. Est-ce que vous pouvez nous dire ce que vous en pensez? Y a-t-il de l'espoir en voyant ces nouvelles plumes?

Effectivement, je prends parfois en charge la relecture et la correction de manuscrits et je peux vous dire que les ouvrages qui me parviennent sont toujours d'une bonne qualité. Certains jeunes auteurs et autrices sont en effet de belles promesses, tant par la maitrise de la langue que par la qualité des thèmes et la manière dont ils sont abordés.

Vous avez publié de nombreux livres, peut-on savoir comment ils ont été accueillis par les lecteurs?

J'ai à ce jour publié six ouvrages. Mon tout premier est un recueil de nouvelles La femme de pierre, édité par l'Enal en 1989 et réédité par Numidie en 2017. Puis sont venus: Le puits des anges, un roman sur la décennie noire publié en 2003 chez L'Harmattan (Paris), puis un recueil de poésie Soleil d'Outre-tombe en 2013 chez Mon Petit Editeur (Paris). Ensuite deux romans, l'un chez l'Anep en 2017, Le retour d'Ibn Toumert, un roman d'anticipation en quelque sorte qui raconte la vie sous un régime intégriste dans les années 2030, puis Lalla n'Ouerdja» chez Medias Index en 2019 par lequel j'ai tenté de tirer de l'oubli un personnage extraordinaire de notre histoire Lalla Fatma n'Soumer. Je crois savoir que tous mes ouvrages ont eu du succès auprès du public, au vu des messages que je reçois de mes lecteurs.

Peut-on avoir une idée de votre prochain livre en cours d'écriture?

En ce moment, j'attends la parution de deux romans. Le premier est la réédition du Puits des anges qui n'a jamais été distribué en Algérie, le second est un roman inédit que j'ai écrit dans les années 1990 et que je n'ai repris qu'il y a quelque temps. Enfin, j'attends aussi la version arabe de Lalla n'Ouerdja qui paraitra normalement d'ici la fin de l'année.
Aomar MOHELLEBI



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