La nouvelle du décès de Slimane Azem le 28 janvier 1983 a bouleversé ses fans et le monde artistique. Slimane Azem était et demeure le maître incontesté de la chanson kabyle. Il est le maître de tous les grands chanteurs venus après lui et ce, quel que soit le style musical auquel ils s'adonnent. Slimane Azem est une référence unique dans l'univers de la chanson kabyle. Près de quatre décennies après son décès, Slimane Azem garde sa place intacte dans l'univers musical kabyle, mais aussi dans la sphère poétique.Slimane Azem a tracé un chemin exceptionnel dans la chanson kabyle que beaucoup après lui ont suivi. C'est le choix qui fait de la poésie la locomotive de l'acte de chanter. Avec Slimane Azem, le texte chanté est aussi important voire plus, que la musique et l'interprétation. Slimane Azem est certes, un grand compositeur et il a créé des dizaines de chefs- d'oeuvre musicales, mais il est aussi et surtout, voire d'abord et avant tout, un poète dont la dimension n'a pas d'égal.
La diversité thématique de ses textes, sa manière d'appréhender de mille façons différentes, le même thème, comme celui de l'exil, très récurrent chez lui, sont à l'origine de cette grandeur d'un poète, dont les citations continuent d'agrémenter les discussions, même près de quarante ans après sa mort, surtout chez les personnes qui ont eu la chance d'avoir vécu durant les périodes où Slimane Azem produisait ses albums.
Une poésie ancrée dans la réalité
L'originalité de la poésie de Slimane Azem réside, particulièrement, dans le fait qu'elle est profondément ancrée dans la réalité vécue. Il s'agit à la fois d'un regard poétique mais aussi sociologique, psychologique et critique sur la société de manière générale.
Les constats établis par le poète d'Agouni Gueghrane sont vite suivis d'un regard des plus critiques, notamment concernant les choix des hommes dont les conséquences sont souvent regrettables. C'est le cas, notamment s'agissant de l'infinité de chansons consacrées à l'exil.
Un exil amer, parfois choisi, souvent imposé, mais qui finit par empoisonner la vie, aussi bien de la personne partie que de sa famille élargie restée au pays. La chanson qui illustre le plus ce thème est Madame encore à boire, qui décrit les déboires d'un émigré recevant le même jour deux lettres. Celle de son père et celle de son beau-père.
Les complaintes de l'un et de l'autre mettent l'infortuné époux dans tous ses états. Il s'agit là d'une réalité décrite par Slimane Azem et qui était vécue par une infinité d'émigrés de l'époque. Slimane Azem a aussi mis au coeur de sa poésie des thèmes ayant trait aux problèmes de la vie quotidienne.
Des textes et des métaphores élaborées
Mais les textes en question sont enrobés dans des métaphores très élaborées et dans des images poétiques qui confèrent toute sa succulence à la poésie de Slimane Azem. Même quand il s'agit de banales scènes ménagères entre époux et épouse ou entre bru et belle-mère, Slimane Azem a toujours trouvé le moule poétique adéquat pour présenter la chose sans oublier le ton humoristique qui caractérise ce genre de poésie surtout à partir du moment où il a commencé à collaborer avec un autre géant: Cheikh Nordine.
D'autres chansons de Slimane Azem ont un soubassement philosophique voire existentiel à l'instar de Dunit aka ithelha, Moh yetabaâ Moh, Widh yemouthen, Chfigh tsough, Awin yellan dhlfahem... Contrairement aux chansons sociales ou sur l'exil, très faciles à saisir, cette catégorie de textes est extrêmement complexe et pour pouvoir cerner leur sens, il faut bien des efforts à l'auditeur, voire un débat s'impose entre deux ou plusieurs fans. Des discussions contradictoires et interminables étaient très en vogue à une certaine époque sur l'une des chansons de Slimane Azem.
Les locuteurs, fans invétérés du maître, tentaient alors à travers ce genre de débat, d'en démêler l'écheveau. Il s'agit aussi d'un travail fait avec plus de rigueur et de méthodologie par plusieurs universitaires-chercheurs, à travers des livres ou des articles consacrés à l'oeuvre de Slimane Azem. C'est le cas, notamment de Youssef Necib, auteur de Slimane Azem le poète et Mehenna Mahfoufi, auteur de Slimane Azem, l'impossible retour, entre autres.
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Posté Le : 29/01/2022
Posté par : presse-algerie
Ecrit par : Aomar MOHELLEBI
Source : www.lexpressiondz.com