Slim Othmani, PDG de NCA-Rouiba, décrypte
les causes de l'augmentation du prix du sucre sur le marché national et propose
des solutions en vue de réduire l'exposition de l'Algérie aux fluctuations des
cours internationaux de ce produit. Sur les causes des récents événements, M.
Othmani met l'accent sur la persistance des entraves à la création
d'entreprises en Algérie.
Il estime qu'un signal fort des pouvoirs
publics s'impose.
Quel a été l'impact de l'évolution du
prix du sucre sur la production de NCA-Rouiba et sur ses prix de vente
également ?
L'évolution du prix du sucre sur les
trois derniers mois n'a pas été forte. Cependant, entre le 31 décembre 2010 et
le 02 janvier 2011, le sucre a augmenté de l'ordre de 46%.
Pourquoi autant de hausse en si peu de
temps ?
Il y a deux principales causes. La
première, c'est que Cevital, qui a acheté du sucre au mois de juin 2010 quand
le prix était bon, a consacré une grande partie de sa production à l'export,
celle qu'elle a produit à un prix de sucre bas, et une autre partie elle l'a
réservée au marché de bouche, au consommateur direct. Pour les industriels, la
partie qui leur a été dédiée, c'est la partie qui a été produite avec du sucre
plus cher, quand les cours sont remontés à partir du mois de juillet. Il faut
comprendre qu'il y a un décalage de 6 mois entre le moment où ils achètent et
celui où ils nous mettent à disposition. Malheureusement pour nous, très
souvent on ne peut pas négocier des contrats à prix fermes à ces moments-là.
Parce que l'opérateur industriel, qui est Cevital, ne veut pas prendre de
risques financiers avec les industriels algériens.
Il n'y a qu'un seul opérateur sur le
marché du sucre ?
Il y a un seul opérateur industriel
professionnel sur le marché du sucre en Algérie. Il y a un autre qui produit un
sucre qui ne correspond pas aux standards nécessaires à l'industrie
agroalimentaire. Ça ne veut pas dire que son sucre est mauvais, mais qu'il ne
correspond pas aux normes de la filière. Pour les opérateurs de boissons, au
prix où est le sucre, il nous faut anticiper cette hausse. Maintenant, il
semblerait que l'Etat soit résolu à apporter une compensation sur le prix du
sucre. Et à mon avis, nous allons stabiliser, pour la partie sucre, les prix.
En dehors de la hausse des cours mondiaux,
pensez-vous qu'il y a également un lien avec la mise en place du Credoc dont on
dit qu'il a contribué à renchérir les importations ?
Il y a plusieurs sources d'inflation. Une
des premières sources d'inflation des matières premières qui touche l'Algérie
n'est pas exogène mais endogène à l'économie algérienne, puisqu'elle est le pur
produit de la mise en Å“uvre du crédit documentaire. Elle touche tous les
intrants de production. Il y a un surcoût non négligeable qui est voisin de 1%.
Il y a deux autres mesures qui sont à l'origine de ce qui se passe ces
jours-ci. Certains opérateurs se sont adressés au réseau de distribution, leur
disant en quelque sorte ceci : « je me substitue à l'autorité publique, et je
veux m'assurer que les documents que vous me remettez sont valides du point de
vue de l'administration algérienne». C'est qu'il se substitue dans la
vérification de la validité du registre du commerce, ce qui n'est pas le rôle
d'un opérateur économique. L'autre mesure, c'est l'obligation faite aux grossistes
de payer toutes les transactions par chèque ou par virement bancaire. Les
grossistes ont donc répercuté les charges fiscales et parafiscales sur les
prix. C'est une source d'inflation qui est à l'origine de la flambée des coûts
aujourd'hui. Il y a autre inflation qui arrive, c'est celle de à la hausse des
cours mondiaux qui va touche les produits algériens. S'il n'y a pas de
compensation sur les produits de large consommation, une hausse des prix est
prévisible d'ici 15 à 20 jours. Ayant pris connaissance de ces informations,
l'Etat va anticiper sur les prix des matières premières.
En tant qu'acteur économique, pour qui le
sucre est une des matières premières, comment réduire les effets des
fluctuations à la hausse surtout des prix à l'international ?
Pour un pays comme l'Algérie, le déclin
de l'habitude de consommation de sucre n'est pas encore amorcé. En parallèle à
une forte campagne de sensibilisation qui devra être menée par les pouvoirs
publics, il faudra tout de même accompagner cette consommation par une
subvention d'une caisse de compensation qui devra concerner le sucre destiné au
du consommateur. Je ne pense pas qu'il soit nécessaire de jouer sur les taux de
change, comme cela a été suggéré par certains, car cela crée des biais dans
l'économie qui sont difficiles à régler après.
Est-il impossible d'envisager une part de
production nationale de sucre brut ?
Nous sommes dans une région où il est
difficile de produire la canne à sucre. Les essais qui ont été faits sur la
betterave sucrière n'ont pas été concluants, cela reviendrait beaucoup plus
cher quel que soit le prix sur le marché mondial. Il y a des arbitrages qui
doivent être faits. Peut être qu'il faut une petite industrie sucrière. Je ne
suis pas suffisamment expert en la matière, mais je sais que les arbitrages
doivent avoir lieu, et l'idéal serait la mise en place d'un comité stratégie
sucre composé d'experts, industriels et pouvoirs publics, afin d'éclairer et
d'opter pour la stratégie la plus viable et la moins douloureuse pour le pouvoir
d'achat.
L'Algérie est rythmée depuis les quatre
derniers jours aux mouvements émeutiers. Avez-vous un commentaire à ce propos ?
Tout commentaire peut être lu, dans
l'état actuel des choses, à l'encontre de celui qui l'émet. Il y a tellement de
tiraillements politiques, il y a tellement de problèmes socio-économiques, que
chacun des acteurs en présence va essayer de retourner la situation à son
avantage. Et quel que soit le commentaire à faire, il sera perçu comme positif
par l'un, et négatif par l'autre. Il y a des troubles qui peuvent êtres
justifiés par une certaine mal vie, par les problèmes que vivent les jeunes.
Tout le monde le dit et le constate. Pour moi, ça se résume en une chose :
l'entreprenariat en Algérie n'a pas encore pris sa pleine dimension. Même si on
a mis en place des instruments comme l'ANSEJ, le Fonds de garantie et autres,
même si on a instauré plein de mécanismes pour accompagner le développement de
le PME, cela n'a pas donné les résultats qu'il fallait. En fait, pour accompagner
le développement de la petite et moyenne entreprise (PME) et la très petite
entreprise (TPE), il faut une véritable révolution culturelle au sein de
l'administration algérienne, pour qu'un jeune qui vient monter son affaire ne
se heurte pas à une montagne bureaucratique, tel que c'est le cas actuellement.
Même si en apparence les procédures sont simples, vous n'avez aucune idée de
toutes les complications qui sont faites à des jeunes qui veulent monter des
affaires. Il y a un univers d'activités qui peuvent êtres montées en Algérie,
il suffit simplement d'en faciliter la création. Il suffit simplement que les
plus hautes autorités du pays envoient un signal fort à l'administration, lui
disant qu'elle est au service du citoyen, et toute obstruction à la création
d'entreprises, et donc à la création d'emplois, doit être sévèrement punie.
Avez-vous été touché par ces événements ?
Nous avons été touchés dans l'une des
activités dans laquelle nous sommes encore actionnaires. L'usine Coca-Cola de
Khemis El Kechna a été complètement brûlée. Nous n'avons aucune explication à
cela. On a l'impression que c'est sélectif. Ils ont volé les ordinateurs, les
climatiseurs, et tout ce qu'il y avait dans les bureaux comme mobilier, ont
volé tout le stock, puis ils ont mis le feu aux lignes de production. Là on
n'est pas dans la revendication sociale, mais dans le désordre social.
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Posté Le : 11/01/2011
Posté par : sofiane
Ecrit par : Abdelkader Zahar
Source : www.lequotidien-oran.com