Ben M’hidi, la belle cité balnéaire située à l’est de Skikda, n’existe plus. Elle a été rayée, comme par magie, et, à sa place ,des mains malveillantes ont fini par implanter un grand et hideux village.
Il a suffi d’une vingtaine d’années pour que la gabegie des responsables, l’incivisme, la ruralité et la passivité des Skikdis joignent leurs efforts pour abattre tous les rosiers, brûler toutes les haies de troène et de romarin, et élever, à leur place, de vilaines murailles et des tonnes de détritus. Les lieux sont méconnaissables.
Tout comme tous ceux qui habitent aujourd’hui ces lieux qui, jadis, représentaient un véritable label du civisme et du modernisme skikdi.
Autres temps, autres mœurs! Au moment où, ailleurs, des bourgs se sont vus transformés en véritables joyaux architecturaux, comme à El Eulma, ici à Skikda, un éden s’est vu reconvertir en baraquement.
Un ignoble cauchemar. Nos guides, qui nous ont vaillamment invité à les accompagner le long d’un douloureux tour du propriétaire ne se font désormais plus d’illusions.
«Les promesses ne manquent pas…ce sont les actes qui tardent à venir», lance déjà un habitant, qui poursuit: «Il y a deux mois seulement, lors de la visite du wali, les responsables de l’APC nous ont assuré que le chantier du projet de la bibliothèque allait reprendre dans une dizaine de jours. Regardez, il n’ y a point de chantier et la carcasse de la bibliothèque sert désormais de lieu de débauche. En attendant, nos enfants ne disposent d’aucune infrastructure culturelle.»
Les terrains de sport à l’abandon
L’insécurité à Ben M’hidi n’est pas un vain mot. C’est une triste réalité attisée par l’absence "inexpliquée" d’un commissariat de police.
Pourtant, Ben M’hidi abrite plus de 18000 âmes et dispose de plusieurs assiettes pouvant accueillir une sûreté urbaine ; pourquoi alors s’obstiner à priver les lieux d’une présence policière, devenue plus qu’indispensable?
«La nuit surtout et vu la grande défaillance de l’éclairage public, il devient dangereux de se promener dans la cité», reconnaît l’un de nos accompagnateurs.
Un autre enchaîne: «Un grave phénomène de banditisme commence à s’incruster dans les mœurs, surtout les jeunes. A plusieurs reprises, des rixes entre des bandes rivales de lycéens ont eu lieu à coups de manchette et d’armes blanches. La contagion s’est propagée même aux collégiens. La présence de policiers est devenue plus que nécessaire.»
Le même manque concerne les infrastructures de santé publique. Une seule salle de soins tente de couvrir les besoins de la population mais elle ferme ses portes à 16h. Pourtant, lors de la saison estivale, elle assure des gardes. C’est comme si à Ben M’hidi on pense beaucoup plus aux estivants et autres passagers qu’aux habitants des lieux.
La visite se poursuit, et plus on s’engouffre dans cette cité aux multiples facettes, plus les catastrophes se font plus évidentes.
Tout près de l’école primaire Zatout, un chantier de construction sans délimitation est ouvert à moins de 10m du portail de l’établissement.
Non loin, les kiosques du Président offrent un piteux spectacle.
Plus grave encore, en toute impunité et sans même consulter les riverains, on est venu implanter un nouveau terrain «mateco» en empiétant sur un espace qui abritait deux terrains de hand-ball.
«On aurait dû préserver les deux anciens terrains qui faisaient partie du complexe sportif de Ben M’hidi et aller implanter le nouveau terrain ailleurs car les espaces existent; on leur a pourtant conseillé au départ d’autres sites», explique un des habitants.
D’autres infrastructures sportives sont laissées «en jachère» comme ces trois terrains de tennis en terre battue et d’autres terrains de football reconvertis en vulgaires terrains vagues. Ces espaces intéresseraient-ils quelques petits barons?
On se le demande.
Plus loin, près de la cité Kassis, qui domine une belle façade maritime, une véritable décharge sauvage s’est installée pour défigurer la vision. Tous les décombres de la région sont entassés ici et la direction de l’environnement semble s’inscrire dans le registre des absents.
Il y a aussi l’incivisme
Nos accompagnateurs insistent aussi sur l’épineux problème du transport: «On ne dispose que deux bus de l’Etus qui desservent notre cité, c’est insuffisant. En plus, l’APC a programmé, il y a trois ans déjà, d’ouvrir une route sur 3 km pour nous relier à la cité Laghouat. A ce jour, on ne voit pas encore le projet venir.»
S’il est vrai que l’APC de Skikda reste en grande partie responsable de cette situation, il n’en demeure pas moins que les propres habitants de Ben M’hidi sont tout aussi responsables de l’état actuel de leur cité.
Tout au long du périple qui nous a conduit à travers les différents camps formant la cité Ben M’hidi, des amas de sable, de gravier et même de débris, emplissent les lieux et donnent à l’ensemble une vision digne de sites ruraux.
Pourtant ces habitants disposent presque tous d’un espace interne qu’ils peuvent utiliser pour stocker leurs matériaux de construction, mais il semble qu’ils préfèrent plutôt les étaler dehors au risque de boucher les caniveaux par temps de pluie.
Devant l’impunité, d’autres habitants vont jusqu’à tailler leur petits jardins et jeter les troncs d’arbres sur les bordures des chaussées. Comme quoi, à Ben Mhidi, tout le monde rajoute du sien pour boucler l’immense boucle de l’absurde.
Khider Ouahab
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Posté Le : 24/01/2012
Posté par : akarENVIRONNEMENT
Ecrit par : Khider Ouahab
Source : El Watan.com du mardi 24 janvier 2012