Le 21 mars de chaque année, la commune de Toudja ouvre ses portes à des centaines de visiteurs qui viennent assister à la fête de l’eau.
Samedi dernier, le chef-lieu de la commune a rompu avec l’ambiance morose de tous les jours en accueillant cet évènement annuel rassembleur, organisé conjointement par l’association Groupe d’études sur l’histoire des mathématiques de l’ancien Bougie (GEHIMAB), le Musée de l’eau et l’APC de Toudja.
Des quatre coins de la wilaya, des gens ont afflué pour vivre avec la population locale des moments d’exception faits de joie, de convivialité et d’émerveillement face à la beauté enchanteresse de la région et de sa richesse historique. Cette année, l’évènement est célébré au même temps que la fête de la Victoire. Tôt le matin, grands et petits, femmes et hommes commencent à affluer au cimetière des martyrs, situé à l’entrée de la ville, où sont attendues les autorités et des convives pour démarrer les festivités. Vers dix heures, tout le monde est là.
Un recueillement doublé du chant de l’hymne national et une minute de silence en l’honneur des martyrs de la révolution sont observés, suivis d’allocutions. Peu après, appuyée par un déchaînement de youyous, la troupe d’Idebbalène qui patientait au contrebas du cimetière des martyrs joue un air annonçant l’entame des festivités. Direction le lieu de la fête, au centre du chef-lieu, qui grouille déjà de monde. Des artisans attendent les visiteurs pour leur vendre leurs produits étalés à même le sol à la place du marché.
Verdure
Cet endroit jadis point de chute de tous les villageois de la région retrouve sa vocation l’espace d’une journée festive. Un peu en aval se trouve le Musée de l’eau (axxam n’w aman). L’association Gehimab y a déployé sa collection de photographies légendées donnant à voir les paysages et les vestiges historiques de Toudja. Le public, fasciné, pouvait voir en image et en reconstitution ce qu’étaient l’aqueduc, le tunnel d’El Habel et le pont Tihnaïne, tous des vestiges témoignant de la présence romaine dans la région.
Les Romains étaient les premiers à exploiter les sources d’eau qui abondent dans la région en actionnant leur génie technique afin d’acheminer l’eau d’ici jusqu’à Béjaïa. La plus importante jaillit des entrailles du mont Tachraiaâth, un massif rocheux culminant à près de 1.500 mètres, qui surplombe le chef-lieu de Toudja et l’ensemble de ses villages.
Celle-ci coule à un débit relativement fort mais stable semant verdure et beauté sur son passage. Les visiteurs sont conviés à une promenade le long de son cours pour rallier un peu plus bas l’un des derniers moulins à eau kabyles. L’eau a fait des merveilles dans le coin. Sur les deux rives du cours, la végétation redouble de verdure et de luxuriance.
Gorgées d’eau les herbes atteignent des dimensions démesurées. Les oliviers, les vergers qui apparaissent bien entretenus sur les deux rives, les palmiers et la multitude d’arbres qui s’y trouvent affichent opulence et verdoyance. Sous leur ombre bienveillante des familles et des grappes de jeunes filles et de garçons prennent place sur l’herbe, fuyant les rayons perçants du soleil. On déjeune, discute et admire la nature.
L’envers du décor
Ceci sous le bruit combiné de l’eau qui coule et du chant des oiseaux. Dans ce décor paradisiaque, «Toudja a tout pour séduire les touristes» est le commentaire qui est sur toutes lèvres. L’APC, les responsables du Musée de l’eau et le mouvement associatif font tout pour que cette vocation s’impose, notamment à travers l’organisation annuelle de la fête de l’eau. Mais encore faut-il que les autorités fassent de même. Aussi paradoxal que cela puisse paraitre, il y a deux ans, pour alimenter en agrégats le projet de la pénétrante autoroutière, une carrière a vu le jour dans la région.
En effet, de l’autre côté du mont Tachraiaâth, la carte postale laisse place à la désolation. Les engins sont à l’œuvre et dévorent la terre. On les voit et on les entend depuis les villages environnants.
«On n’a pas trouvé mieux que Toudja pour extraire des agrégats?», s’interroge sur une pointe d’amertume Kamel, un habitant du village Amrij.
Cet étudiant de 26 ans s’inquiète de l’avenir du tourisme dans la région et de celui de l’environnement et des sources d’eau.
«Un géologue de l’université de Béjaïa a mis en garde contre une pollution des sources d’eau à cause de cette carrière ; il a même parlé d’un éventuel changement de trajectoire de la principale source d’eau de Toudja à cause des détonations de dynamite», se rappelle et fait rappeler Kamel.
Selon lui, la biodiversité a déjà pris un coup.
«Des arbres centenaires ont été arrachés et la faune de la région en souffre beaucoup, c’est l’envers du décor de la façade que viennent voir les visiteurs», se désole l’étudiant.
Par conséquent, ce sont les efforts de la population de la région pour développer le tourisme de montagne qui partent en fumée. Les désagréments d’une carrière n’étant pas l’idéal pour une région destinée à accueillir des touristes en quête d’évasion et de villégiature.
* Photo: Les visiteurs ont afflué des quatre coins de la wilaya pour vivre ce rendez-vous festif
M. H.Khodja
Posté Le : 26/03/2015
Posté par : akarENVIRONNEMENT
Photographié par : Photo: El Watan ; texte: M. H.Khodja
Source : elwatan.com du mardi 24 mars 2015