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Situation économique et financière de l’Algérie : cafouillage et opacité sur les chiffres



Situation économique et financière de l’Algérie : cafouillage et opacité sur les chiffres
Mohamed Loukal a quitté son poste de gouverneur de la Banque d’Algérie pour devenir ministre des Finances sans avoir donné son feu vert pour la publication du dernier rapport de conjoncture sur la situation économique et financière du pays à fin 2018.

Sous sa direction depuis juin 2016, l’institution n’a pas vraiment brillé par sa réactivité. La Banque d’Algérie s’est tenue pour l’essentiel à une règle de conduite qui a consisté à exploiter les seules convocations devant les députés et les sénateurs pour livrer des informations périodiques sur notre situation financière.
Désormais, la principale institution monétaire est sans gouverneur. Les trois vice-gouverneurs ont des pouvoirs très limités.

Contrôler les devises
Pourtant, dans le contexte actuel, la Banque d’Algérie est en première ligne sur un thème qui est devenu d’une actualité brûlante. L’érosion des réserves de change se poursuit. Elle est en passe de devenir le principal sujet de préoccupation économique non seulement du grand public mais aussi de beaucoup d’experts.

Il y a un peu plus d’une semaine, le groupe Nabni encourageait ainsi la société civile à « exiger expressément des comptes et de la transparence aux pouvoirs publics ». Nabni appelait en particulier à « la transparence immédiate et continue sur les réserves de change, et les opérations d’importation ».

Pour le collectif d’experts algériens, ce résultat pourrait être obtenu notamment à travers la « publication d’un état hebdomadaire des réserves de changes et des engagements de la Banque d’Algérie en matière d’importations », ainsi que « la publication d’un état hebdomadaire des opérations d’importation couvertes par la Banque d’Algérie avec les montants et les biens et services concernés ».

Les chiffres
En attendant de pouvoir étancher plus largement cette soif d’informations exprimée par beaucoup de secteurs de l’opinion nationale, le rapport pour l’année 2018 a été finalisé depuis plusieurs semaines.

Selon nos sources, il indique dans ses grandes lignes que le déficit de la balance des paiements a atteint l’année dernière un niveau proche de 16 milliards de dollars. En conséquence, à fin décembre 2018, les réserves de changes nationales étaient légèrement supérieures à 79 milliards de dollars.

En un an, la baisse des réserves de change aura été de plus de 17 milliards de dollars : au déficit de la balance des paiements est venu s’ajouter un effet de valorisation négatif des réserves dû à l’appréciation du dollar par rapport à l’euro.

Côté planche à billets, le rapport 2018 comporte également un bilan qu’on annonce « très détaillé » des montants et de la destination des ressources mises à la disposition du Trésor public par la Banque d’Algérie dans le cadre du dispositif adopté en octobre 2017.

A l’heure actuelle, on ne sait pas encore s’il faudra attendre la nomination et l’accord d’un nouveau gouverneur avant que le rapport 2018 soit enfin rendu public.

Cafouillage sur les exportations d’hydrocarbures
Mohamed Loukal n’en a pas fini avec les problèmes de communication. Son arrivée au ministère des Finances coïncide avec un cafouillage majeur en matière d’informations sur les résultats de notre commerce extérieur.

Y aurait-il une relation de cause à effet ? Les statistiques des services de douanes, au titre du mois de février qui ont été rendues publiques en début de semaine affichent subitement un redressement spectaculaire et quasi incompréhensible.

Le déficit record du mois de janvier a cédé la place comme par miracle à un excédent substantiel pour les deux premiers mois de l’année en cours.

A l’origine de ce retournement de situation, une dépêche de l’APS nous informe ainsi que, selon les douanes algériennes, les exportations d’hydrocarbures de janvier et février ont atteint le niveau très élevé de 7,15 milliards de dollars. Pour les douanes, les hydrocarbures ont représenté l’essentiel des ventes algériennes à l’étranger en janvier et février 2019 et sont en hausse de près de 12% en un an.

Malheureusement, ce n’est pas du tout ce que disait voici un peu plus d’une semaine les chiffres rendus publics par Sonatrach. Le 25 mars dernier, c’est une autre dépêche de l’APS qui nous informait que Sonatrach avait indiqué tout à fait officiellement, par la bouche de son directeur de la commercialisation, que sur les deux mois de janvier et février 2019 cumulés, l’Algérie a exporté pour 6,08 milliards de dollars contre 6,63 milliards durant la même période de 2018. Soit une baisse de près de 10% en un an.

On se perd en conjectures sur les raisons d’un tel décalage entre les informations fournies par les deux institutions. Les services des douanes, qui dépendent du ministère des Finances, auraient-ils cédé à la tentation d’« embellir » les résultats de notre commerce extérieur au cours d’une période présentée comme délicate pour le gouvernement en place depuis à peine quelques jours ?

Une chose apparaît en tous cas comme certaine, les errements actuels en matière de communication sur la situation économique de notre pays pourraient se révéler assez périlleux à la fois pour la crédibilité de nos institutions économiques et pour la sérénité du débat public.


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