Algérie

Sinistre beauté



Sans nul doute, une des plus belles demeures d'Alger. Une inspiration néo-mauresque heureuse. Un air de palais ottoman. Une végétation luxuriante en guise d'écrin. L'une des plus belles vues d'Alger puisqu'on peut y contempler, d'un seul regard, et la baie et la ville dans leur quasi-totalité. C'est pourtant dans ce lieu dédié à la beauté que se sont commises parmi les plus terribles atrocités de l'armée coloniale. En regardant ses petits dômes raffinés, ses façades ajourées de faïences, la belle ouvrage de ses boiseries, les volutes de lilas et de jasmins qui s'accrochent à ses murs, on a du mal à entendre le cri des suppliciés. Ceux de Djamel Amrani, Henri Alleg, El Badji, Louisette Ighilahriz, Mahieddine Khelili, et tant d'autres, ramenés ici aux frontières de la mort, souvent pour l'outrepasser. Mais peut-être était-ce aussi le but de ses occupants : mieux cacher leur ignominie derrière de la splendeur ' C'est bien connu, le camouflage est un talent de parachutiste.C'est là aussi qu'officia le sinistre J-M. Le Pen qui n'aura pas assez du purgatoire pour purger sa conscience. C'est là, en revanche, que quelques Français virent la leur révulsée. L'appelé Henri Pouillot eut ainsi la dignité et le courage d'un livre de dénonciation. C'est là, encore hélas, selon des témoignages, que d'autres atrocités furent commises, après l'indépendance (Azzedine Lateb, La Tribune, 24/01/08) !Villa Susini. El Madania. Alger. En fait, la Villa S"é"sini, du nom de la famille du même nom, originaire de Licco en Italie, et dont le patriarche, Pietro Gio, s'installa en Algérie pour voir son fils, Alexandre, s'enrichir dans la construction. Glissement significatif, comme un lapsus, la demeure a pris le nom de J-J. Susini, enragé de l'OAS et membre du Front National. Une simple voyelle peut dire l'histoire !Aujourd'hui, pas même une plaque pour signalerl'endroit et sa signification. Fermée depuis de longues années, après avoir abrité le Commissariat aux énergies nouvelles, étrange domiciliation d'ailleurs en ce lieu auparavant dédié à la gégène ! Renseignement pris, elle est devenue depuis Résidence d'Etat. Mais on n'imagine pas un instant le gouvernement algérien y accueillir ses hôtes de marque pour leur offrir des nuits hantés ! Ni insulter la mémoire par des réceptions où, en quelque sorte, on tremperait les petits fours dans des sorbets coagulés ! Cela dit, comment admettre qu'elle reste fermée quand elle pourrait devenir un Musée des droits de l'homme et des peuples ou un Mémorial des crimes de guerre ou toute chose qui respecterait son terrible destin ' Y compris une résidence d'écrivains et d'artistes inspirés par les drames de l'humanité. En tout cas, encore une fois, qu'aucun officiel ' de grâce ', ne vienne s'étonner hypocritement que les jeunes Algériens ignorent leur histoire.


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