Algérie

Sîn, la lune en miettes, De Abdelaziz OtmaniLe retour du sauveur



Sîn, la lune en miettes, De Abdelaziz OtmaniLe retour du sauveur
Publié le 02.01.2024 dans le Quotidien le soir d’Algérie
par MERIEM GUEMACHE

C’est le premier roman de Abdelaziz Otmani. Sîn, la lune en miettes (Casbah Éditions) a pour cadre l’ancienne Mésopotamie et s’inspire de L’Épopée de Gilgamesh. Et des récits de l’Antiquité nord-africaine. Un roman empreint d’aventures, de mysticisme, d’ésotérisme et de mythologie.
Au pays de Kilugal, c’est la fin du règne du roi Ziusudra. Le leader a sauvé les hommes du déluge. Depuis sa création, cette nation n’a connu que lui, le grand sage, l’Amnukal Ziusudra. Cela fait des millénaires que les descendants de ce patriarche attendent le «remplaçant». Selon les tablettes sacrées d’Almawayid, l’enfant prodige accomplira d’importantes missions. «Il naîtra du ventre d’une enfant de ZIusudra et régnera sur les hommes en grand seigneur Amnukal. Il offrira à mes créatures la paix, l’art et la connaissance. Il me rejoindra au ciel pour veiller sur les mortels. Sa mort fera trembler la terre de chagrin et signifiera la fin des temps.»
Quand Bahâa, l’héritière de sang de l’Immortel, l’homme choisi pour sauver ses semblables du déluge, tombe enceinte, l’espoir renaît. L’Elam aura enfin un héritier ! Mais les guérisseuses sont unanimes. La parturiente ne survivra pas à l’accouchement. Son époux doit se résigner à accepter son sort. «Sayem ne pouvait plus chasser de son esprit qu’il était maudit, qu’il avait mis en colère les dieux.»
Le jour ‘J’arrive. Les douleurs de l’enfantement commencent mais le pire est à venir. Bahâa donne naissance, non pas à un seul garçon mais à des jumeaux. Suprême sacrilège ! Dans cette contrée, les naissances gémellaires sont synonymes de grands malheurs. Qualifiés de double, les jumeaux sont maudits selon les tablettes d’Almawayid. Elibaal, frère de Bahâa, le rappelle à son beau-frère. «Ici nous les sacrifions par prudence, car nous ne pouvons distinguer de simples jumeaux de véritables doubles. Tu sais bien la réputation qu’ont les doubles, même chez les dieux les doubles finissent toujours par s’entre-tuer et détruire tout ordre établi. Dans notre cas, il serait imprudent d’aller à l’encontre de nos traditions, le peuple se sentira vite menacé par ces enfants.»
Les nouveau-nés doivent être éliminés. Un grand bûcher est allumé. Pour conjurer le mauvais sort, les jumeaux devront périr par le feu, en présence d’une foule nombreuse. Mais Elibaal, prêtre d’un temple de la cité d’Ur-Sag, parviendra à sauver Hervél, l’un de ses deux neveux de l’holocauste. Sorti in extremis du feu, le nouveau-né ne porte aucune trace de brûlure. Son oncle l’exfiltre loin de la ville. «Il regarda l’enfant, celui-ci s’était calmé et somnolait paisiblement sous la cape de son oncle, il sursautait de temps en temps, ouvrait les yeux, puis se rendormait aussitôt. L’enfant venait d’accomplir un miracle et Elibaal lui-même, ainsi que des centaines de gens en étaient témoins.»
Hervél grandit loin des siens dans un lointain village. Il est élevé par Gob, le chef de la tribu. Un étrange animal vit à ses côtés, depuis les premiers jours de sa naissance. Une même âme les anime. Une sorte de gazelle munie d’une corne au centre du crâne. Un ange gardien sur pattes. Cette créature s’appelle Sîn. Ce shadavar vivra dans l’ombre d’Hervél et le protégera de tous les dangers. «... il n’a qu’une seule corne et se nourrit de chair, même de celle des hommes quand il est à l’état sauvage». Sa corne est percée de trous, qui diffusent parfois de la musique. Cette créature fera l’objet de toutes les convoitises mais échappera, grâce à ses dons magiques, aux pièges tendus par les hommes. Le fils adoptif de Gob peut compter sur l’affection de Zimri, son demi-frère et Samuramat, une jeune adolescente, douée pour la chasse.
Devenu adolescent, Hervél veut regagner la cité qui l’a vu naître. Il sait qu’il est investi d’une mission de la plus haute importance. Le descendant de Ziusudura, l’héritier de l’Elam est un messie, un prophète. Le message divin se manifeste à travers lui. Mais un long périple l’attend. Dans cette aventure, il n’est pas seul. Il est accompagné de Zimri, Sauramat et de Sîn. Depuis le village de Ghabat, la bande va avaler des dizaines de kilomètres, traverser d’innombrables cités, affronter d’horribles Gidim et contourner mille et un dangers avant d’atteindre la terre natale d’Hervél.
Les retrouvailles avec son vieil oncle seront épiques. Elibaal n’avait pas revu son neveu depuis qu’il l’avait extrait du feu. «Aucune étreinte n’aurait pu exprimer le bonheur qu’ils ressentaient tous les deux, ils décidèrent alors de se contempler en silence.» C’est à Haras, capitale de Kilugal, où le destin d’Hervél va se jouer. En attendant, le jeune homme doit suivre une formation initiatique sous la férule d’Iblul.
Elibaal reverra-t-il sa ville natale ? Pourra-t-il reconstruire Kilugal et résoudre le conflit millénaire qui plane sur sa cité ?
Né en 1990 à Boufarik, Abdelaziz Otmani a suivi des études de littérature en France avant de revenir enseigner la littérature francophone en Algérie. Passionné d’archéologie et d’anthropologie, il entame son projet d’écriture pendant son séjour au Venezuela. De retour à Alger en 2018, il fonde un espace d’enseignement artistique : le Pupitre. Actuellement Abdelaziz Otmani vit et travaille en France.
Meriem Guemache
Sîn, la lune en miettes, Abdelaziz Otmani. Éditions Casbah. 2023. 491p. 1 800 DA.



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