«Raseur. Personne qui parle quand vous souhaitez qu'elle écoute.» Ambrose BierceLe cap fatidique qui donne vue sur l'austérité est dépassé, et, malgré les avis de vent fort, les standards électroniques ont été saturés par toutes sortes de voeux: les sincères, les protocolaires et les commerciaux. Cela fait chaud au coeur d'autant plus que les professionnels des voeux ne sont pas tous désintéressés. Il y a au hit-parade de la mauvaise foi, les comédiens patentés qui, à force de prouesses, acrobaties et de compromis d'acrobaties, sont arrivés à l'endroit d'où ils peuvent dominer les foules étourdies par les pétarades d'une autre fête qui s'annonce, et qui, avant d'aller sabler le champagne dans les îlots épargnés par la crise, avec leurs copains, leurs coquins et leurs alliés, sont tenus d'adresser un terne message auquel peu de gens croient encore, par la petite lucarne en affichant une mine de circonstance où la désolation et la fausse espérance se livrent un duel sans merci. Ils sont désolés pour la précoce crise multiforme que connaît la société qu'ils ont prise en main. Ils sont désolés pour toutes les difficultés que rencontre quotidiennement le citoyen et qu'ils font tout pour aplanir, à leur manière, bien sûr et ils reconnaissent avec la contrition d'usage, que les réformes qu'ils ont entamées n'ont pas encore porté leurs fruits mais que cela ne saurait tarder, vu que la situation est pareille, sinon pire dans les pays voisins... Ils ne comprennent vraiment pas pourquoi les prix agricoles montent en flèche alors que le paysan lui-même se plaint sans cesse de la baisse de son revenu. Ils promettent de régler leurs affaires aux intermédiaires, de prendre les mesures adéquates pour que le chômage en augmentation constante fasse une petite marche arrière. Ils promettent, espèrent, souhaitent, pourvu que ces galériens attachés à leur peine continuent à faire des efforts afin que la famille qui contrôle leur mangeoire puisse jouir à son aise des bienfaits de cette vie qui paraît si courte, de garder cet esprit de sacrifice qui a toujours animé les grands-parents et les parents, qui doit se perpétuer à travers les générations pour peu que les moutons restent des moutons et que les loups hurlent à la mort pour consoler les bergers réduits au silence. Les voeux du jour de l'an ressemblent à s'y méprendre à une campagne électorale: les promesses sont simplement travesties en voeux, des voeux pieux. C'est tout. Et pourtant, celui qui trime à longueur d'année pour joindre des bouts de mois qui font le grand écart, n'a que de simples souhaits à la taille de ceux qui veulent bien prendre les décisions idoines: que la patate suive la courbe du Snmg, que les hôpitaux submergés fassent leur boulot, que les camions roulent à droite sur les routes encombrées, que l'importation de véhicules ralentisse un peu son train, et que les conducteurs soient empreints d'un peu de civilité. Ce n'est pas trop demander. Il espère vivement que les Equipes nationales gagnent toutes leurs rencontres: ce sera toujours un peu de baume au coeur du contribuable pour lui faire oublier cinq décennies de déconvenues...pour faire oublier. Non, le simple citoyen n'émet pas le voeu de voir ceux qui lui fauchent la rente sous les pieds partir: ceux qui les remplaceront ne feront guère mieux. Pire, ils seront à l'origine d'autres désillusions encore plus amères...Le citoyen accepte bien qu'on le prenne pour un mouton, mais de grâce, il souhaite qu'on arrête de le prendre pour un canard sauvage.
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Posté Le : 05/01/2015
Posté par : presse-algerie
Ecrit par : Selim M'SILI
Source : www.lexpressiondz.com