Dans cette obscure bataille qui se déroule dans l'Olympe du pouvoir algérien, le plus remarquable n'est pas dans le ton de la presse. Mais bien davantage dans un message, implicite, que les Algériens se répètent inlassablement: «On ne va pas se laisser embarquer dans leurs histoires». C'est un réflexe de vie que les Algériens ont acquis après plus d'une décennie de malheurs et de violence. Ce n'est pas du désintéressement pour leur pays, mais ils savent que le système en place, dans tous ses compartiments, les a dépossédés des instruments d'une implication civique. Même la sphère Facebook, traditionnellement très enflammée, envoie ce type de message.Les Algériens ont appris la prudence, ils ont canalisé leur impétuosité et refusent de s'embarquer dans un jeu où la seule chose qu'on leur propose est de servir de base de manipulation ou de champ clos. Cette société refuse de participer à la confrontation en cours, comme elle a constamment refusé - malgré les chiffres gonflés et manipulés - de participer aux messes électorales à résultat prédéterminé. La presse algérienne parle beaucoup de ce qui se déroule - sans nécessairement être bien informée - dans les arcanes du système. C'est normal, pourrait-on dire, cela fait partie du métier. Mais elle manquerait aussi à son job en n'établissant pas le constat du fait qu'il n'existe aucune prédisposition dans la société à être partie prenante des luttes au sommet des appareils. C'est un constat important à établir et à faire connaître : la société algérienne rejette la violence, elle est prête aux compromis.L'un des effets, non désirés sans doute, de la caporalisation des partis et des associations par les tenants du système est que ces organisations, vides de substance, n'ont aucune qualité ni capacité à indiquer une orientation à l'opinion. De nombreux Algériens ont compris qu'ils sont dépossédés de la capacité d'influencer le cours des événements et ils ont décidé, au moins, de ne pas se faire manipuler. L'écart, abyssal, entre l'Algérie officielle et l'Algérie réelle tient à cette prise de distance hautaine. Oui, les Algériens ne veulent pas de sang, pas plus qu'ils ne veulent suivre ceux qui veulent les rabaisser aux discussions de caniveaux et à leur obscénité. Les Algériens observent calmement, sans nervosité aucune, les joutes au sein de l'Olympe.Il est juste et sain que cette distance critique perdure. La crise est dans le pouvoir, elle n'est pas dans la société. Et elle ne doit pas déborder sur une société qui a trop donné et trop cher payé. Les Algériens sont, dans cette confrontation où apparemment tous les coups sont permis, en état d'éloignement. Cela n'est ni désintéressement ni indifférence. Cette distanciation est un légitime réflexe de prudence et de défiance à l'égard du système avec ses soi-disant «stabilisateurs» et ses soi-disant « partisans du changement». La vox populi le confirme sans ambages : on ne suit personne. Si les gens du pouvoir sont dans une impasse, qu'ils trouvent une issue sans nous. S'ils veulent que les Algériens s'en mêlent, alors il faudra discuter de manière politique, pacifique et transparente des libertés, de l'Etat de droit, de l'organisation autonome de la société. Les implications de la société et ses tentatives de faire changer les choses ont été rendues très coûteuses par la rigidité du système. C'est son démantèlement ordonné qui pourrait lui faire quitter la posture légitime de l'abstention.
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Posté Le : 12/02/2014
Posté par : presse-algerie
Ecrit par : K Selim
Source : www.lequotidien-oran.com