Le secrétaire général de l'UGTA n'a rien perdu
de sa sérénité face à ceux qui l'accusent de «faire le jeu du pouvoir» et lui
reprochent de «n'être plus capable de mobiliser le monde du travail» au regard
de la déferlante contestation sociale qui s'est installée à travers le pays.
Comme à son habitude, décontracté, souriant, de bonne humeur, Abdelmadjid Sidi Saïd se refuse de faire dans l'affolement.
«Nous avons été suffisamment affolés, terrorisés durant plus d'une décennie
lorsque le sang coulait et le pays sombrait dans l'obscurantisme. Aujourd'hui, nous
nous devons de préserver cette paix et cette stabilité par respect, par
fidélité et par correction vis-à-vis de ce pays qui sort progressivement d'une
longue maladie. Il est en convalescence,» nous disait-il hier sur un ton calme.
«De quel droit en tant que syndicaliste, je me permettrais à travers des perturbations
sociales, créer encore le désordre ?» interroge-t-il. Les raisons sont
multiples, lui avions dit, en prime celles de la dégradation effrénée du
pouvoir d'achat des ménages et le chômage. «Je ne veux pas utiliser les maux
sociaux à des fins de destruction de mon pays, ma conscience me l'interdit, au-delà
de toutes les considérations qu'on pourrait évoquer,» affirme-t-il. Cela
explique-t-il, «ne veut pas dire que je suis resté les bras croisés devant les
difficultés économiques et sociales du monde du travail. Seulement, je ne me
mets pas sous les feux de la rampe.» Il ne manque pas de noter en premier que
«les problèmes socioéconomiques ne sont pas propres à l'Algérie, encore que
notre pays n'a pas été vraiment touché par les effets de la crise économique
qui a secoué le monde ces dernières années. Il a encore de l'argent et tente de
régler ses problèmes en l'injectant dans les salaires. Ce qui n'est pas pour
ainsi dire forcément la bonne solution.» Le SG de la centrale syndicale se
refuse de commenter les récentes hausses de salaires dont certaines ont atteint
des niveaux vertigineux défiant toute logique économique saine se devant de se
doter de capacités prévisionnelles et d'anticipation qu'imposent la gouvernance.
Il estime d'ailleurs, que les mouvements de contestation enclenchés ici et là
«n'ont rien d'un mouvement social qui lui, exigerait une reconfiguration de
l'ordre économique et social dans ses profondeurs.» Il trouve ainsi «dommage et
irrationnel que plusieurs catégories sociales revendiquent des augmentations de
salaires parce que tout le monde sait que le pays a engrangé de l'argent avec
la hausse du prix du pétrole.» Et il est encore «plus irrationnel» à ses yeux
de le décider avec «effet rétroactif à partir de janvier 2008.» Il considère
que «les conséquences pourraient être désastreuses si on ne maîtrise pas la
partie coût de la vie, si rien n'est prévu pour que le pays ne soit pas jeté en
entier dans cette spirale infernale.» Le patron de l'UGTA
tient ainsi à souligner que «certes, il y a un énorme rattrapage à faire entre
les grilles des salaires et le pouvoir d'achat des ménages.»
«Je n'ai pas d'animosité envers d'autres syndicats»
Sidi Saïd rappelle surtout que «l'UGTA en a
fait son cheval de bataille mais suivant un dispositif réglementaire qu'elle se
doit de respecter pour prévenir tout dérapage économique.» Sidi Saïd affirme
que «nous avons attiré l'attention des pouvoirs publics sur les prix élevés des
produits de consommation et autres difficultés économiques et sociales des
citoyens.» Il rassure en premier que «nous déployons de grands efforts pour que
le secteur économique soit stable et que son outil soit remis sur rail pour
qu'il puisse assurer la production et la productivité de richesses.»
Pour lui, «toute action devrait
être conduite en fonction de ce cadrage, sur la base d'une écoute mutuelle et
du dialogue.» Il pense que «le règlement de ces grandes questions du monde du
travail relève d'une responsabilité collective, des pouvoirs publics, des
syndicats, des patrons, des partis politiques… C'est un débat national, il doit
concerner l'ensemble des acteurs. Tout le monde doit s'impliquer.»
Interrogé sur le travail des
syndicats autonomes, le patron de la centrale syndicale répond «j'ai beaucoup
de respect pour eux et pour l'action syndicale, je ne joue ni la compétition ni
la concurrence parce que c'est contre-productif pour le travailleur. Et «pour
clore cette question définitivement, l'UGTA et moi-même
n'ont aucune animosité à l'endroit d'autres syndicats, bien au contraire, je le
redis, je leur accorde du respect. Je prêche en faveur de l'action collective, la
non-violence, verbale soit-elle, alors pourquoi je le ferai à leur égard ?»
Il fait savoir qu'il faut «au
contraire trouver un dénominateur commun parce que toutes les initiatives sont
bonnes pour peu qu'elles se fassent en faveur de la stabilité, la paix et par
le dialogue.»
A ceux qui relèvent une perte de vitesse de l'UGTA
dans le monde du travail, Sidi Saïd répond «je n'ai plus rien à démontrer à qui
que ce soit, je règle les problèmes dans le calme et la sérénité.» Il estime
que «l'UGTA a arraché des acquis pérennes pour les
travailleurs, je ne peux aller à contre-courant de ce que j'ai construit depuis
de longues années. Je ne cherche pas le sensationnel. Le travail de
syndicaliste est un travail de fourmi.»
«On se connaît bien…»
A la remarque que le président de la République n'a pas évoqué l'UGTA dans son message du 1er mai, il interroge «d'abord
pourquoi devrait-il le faire ?» L'on rappelle qu'il en a fait une tradition
depuis son arrivée à la tête de la présidence. Il corrige «il parle de l'UGTA le 24 février, jour de sa création mais pas forcément
le 1er mai bien qu'il m'a adressé sous pli personnellement son message avant
qu'il ne soit lu à Sétif.» Il précise aussi que «le 1er mai, le Président à
l'habitude de s'adresser à tous les travailleurs, il est le Président de tous
les Algériens.» Il estime que «le lien du Président avec l'UGTA
n'est pas dans la forme mais dans le fond quand on le sollicite pour régler les
problèmes du monde du travail.» Il va encore plus loin dans sa logique. «Quoi
que l'on dise, quoi que l'on pense, j'ai beaucoup de respect pour le 1er
magistrat du pays, Si Abdelaziz. Il ne faut pas nier ce qu'il a fait. Qu'il
doit faire mieux ? Bien sûr ! Qu'il lègue une Algérie démocratique et prospère,
c'est une revendication noble !» Pour lui «dire qu'il n'a rien fait, c'est de
l'ingratitude, il n'y a pas pire, quel que soit le rang, même familial ! Je ne
suis pas un ingrat.» Il souligne à cet effet, que «le Président ne m'a jamais
opposé une fin de non-recevoir pour toutes sollicitations au profit du monde du
travail, alors pourquoi j'agirais négativement ?» Dans la conjoncture actuelle,
continue-t-il de dire, «quelles que soient les divergences, il y a un acquis
collectif que personne ne peut nier, évacuer ou éloigner, nous avons une assise
de stabilité et de paix, partant de là et agissons pour la renforcer, sans
débordement, sans insultes, sans invective.» Il pense même que «les critiques
objectives servent à nous booster et nous corriger.» Son appel pressant «il
faut s'éloigner de la confrontation. Je parle avec mon cÅ“ur. Je m'insurge
contre ceux qui veulent faire revenir le sang et les pleurs. Mon angoisse et
mon objectif en même temps, c'est comment agir dans la sérénité ? Tous nos
actes et actions doivent converger vers ça.»Interrogé en dernier sur ce qu'il
pense du «mouvement du changement au sein de l'UGTA»
que viennent d'initier ses anciens «camarades», il nous répondra simplement, avec
un sourire quelque peu malicieux : «ce sont des anciens collègues de travail, je
les respecte à ce titre, on se connaît bien…»
-
Votre commentaire
Votre commentaire s'affichera sur cette page après validation par l'administrateur.
Ceci n'est en aucun cas un formulaire à l'adresse du sujet évoqué,
mais juste un espace d'opinion et d'échange d'idées dans le respect.
Posté Le : 09/05/2011
Posté par : sofiane
Ecrit par : Ghania Oukazi
Source : www.lequotidien-oran.com