C’est au commencement du XVe siècle de notre ère que le chef de la famille d’où sortirent les Oulad-Sidi-Ech-Chikh, Sidi Mâmmar-ben-Sliman-el-Aalya, vint se fixer en un point de la rive gauche de l’ouad El-Gouleïta, où il établit sa kheloua. Contrairement à ses saints collègues, qui appartenaient au Maghreb, Sidi Mâmmar venait de Tunis, sa ville natale, où l’on voit encore le tombeau de son vénéré frère. La querelle qui détermina sa fuite de son pays était des plus futiles : si l’on en croit la tradition, ce serait à propos d’une pastèque que lui disputait son frère, sultan de l’Ifrikya (Tunisie). Quoi qu’il en soit, il vint s’établir, nous le répétons, sur l’ouad El-Gouleïta, au pied du versant ouest du djebel Bou-Nouktha.
Sidi Mâmmar était de la race d’Abou-Bekr, surnommé Es-Saddik(1), le très véridique, — qui était le beau-frère du Prophète, et qui fut son successeur et le premier khalife, situation qui constitue à sa descendance une noblesse de second ordre(2).
Sidi Mâmmar était un saint marabout à qui Dieu avait accordé le don des miracles ; sa vie se passa en bonnes oeuvres, et ses destinées ne furent pas sans quelque analogie avec celles de Sidna Ibrahim (Abraham). Il eut deux fi ls, Saïd et Aïça, lesquels fondèrent, sur l’ouad El-Gouleïta, — pays des Bni-Amour, — un ksar, aujourd’hui ruiné, et qu’on appela Ksar-Ech-Charef, — le vieux ksar, — quand, plus tard, les deux familles, s’étant partagées, se furent construit deux ksour qui prirent les noms d’El-Arbâ-El-Foukani (l’Arbâ d’en haut) et d’El-Arbit-Et-Tahtani (l’Arbâ d’en bas), ou des Arbâouat.
Sidi Mâmmar quitta ce côté-ci de la vie vers l’an 1420 de notre ère. Ses restes mortels furent déposés sur la rive droite de l’ouad El-Gouleïta, et en amont du ksar actuel de l’Arbâ-Et-Tahtani. Il fut le premier personnage des Bou-Bekria auquel on éleva un tombeau en Algérie.
Bien que Sidi Mâmmar-ben-Sliman-El-Aalya soit depuis plus de quatre cents ans dans le séjour des bienheureux, il n’oublie cependant pas ses enfants, les Oulad-Aïça et les Oulad-Saïd; à différentes reprises, il en a donné des preuves tout à fait convaincantes. Ainsi, à la fi n du siècle dernier, lorsque le bey d’Oran, Mohammed-El-Kebir, après avoir saccagé Chellala, s’apprêtait à faire subir le même sort aux Arbâouat, la protection du saint couvrit visiblement, dans cette circonstance, ses descendants bien-aimés. Le Bey était campé tout près du ksar Et-Tahtani; il avait fixé au lendemain, la destruction de cette bourgade. Au moment
où il terminait ses dispositions d’attaque, un tourbillon noir et épais jaillit tout à coup de la koubbâ, et alla renverser la tente du bey Mohammed, en répandant en même temps dans tout le camp une odeur des plus infectes. C’était évidemment Sidi Mâmmar qui avait répondu ainsi à la demande de secours des assiégés. Ayant reconnu sans peine dans ce prodige l’intervention du saint, Mohammed-el-Kebir n’avait pas demandé son reste : il s’était hâté de décamper, jurant bien d’y regarder à deux fois avant de chercher à inquiéter
des gens si puissamment protégés.
D’autres miracles qu’il est inutile de rapporter vinrent démontrer, dans diverses occasions, que le concours du saint était toujours acquis à ceux de sa descendance qui l’invoqueraient, et que la dent du temps était sans effet sur l’affection qu’il leur avait vouée.
1. Le surnom de le très Véridique lui avait été donné par Mahomet pour avoir témoigné de la réalité du Miradj, ou voyage nocturne
pendant lequel le Prophôte fut transporté aux cieux.
2. La noblesse du premier ordre comprend les descendants de Mahomet par les femmes, c’est-à-dire par Fathima-Zohra, sa fille, et la femme d’Ali ; ces descendants sont dits Chorfa, nobles.
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Posté Le : 04/07/2007
Posté par : hichem
Ecrit par : LE COLONEL C. TRUMELET, Éditeur : ALGER, Librairie Adolphe Jourdan, 1892.
Source : www.algerie-ancienne.com