Algérie

Sidi El Houari renaîtra-t-il de ses débris'



Le vieux bâti d'El Hamri, la mémoire vivante des OranaisUn bon architecte peut tout simplement reprendre l'esquisse existante avant de recommander la consolidation des structures de ce vieil hôpital.
Il regorge toute l'histoire de la capitale des Deux Lions. La ville du patron de Sidi El Houari, qui a été abandonnée pendant de longues décennies, sera-t-elle sauvée de la disparition' Pour les Oranais, notamment les adeptes de leur histoire, sauver le vieil Oran, c'est sauver tout un pan de l'histoire, d'une ville qui a été bâtie et a, depuis la nuit des temps, été le carrefour de l'humanité où se sont brassées des civilisations entières pour donner la ville actuelle, une cité à culture cosmopolite. Le vieil Oran, ou encore le quartier choisi par Sidi El Houari pour s'abriter et élever ses disciples, n'est pas à démolir. C'est du moins ce qu'a donné la dernière rencontre ayant réuni la société civile et le mouvement associatif avec le jeune wali d'Oran, Mouloud Cherifi. Le consensus a été commun: prendre les dispositions nécessaires pour mettre la ville hors de la razzia des engins industriels et des bulldozers...rampants. Attablés autour d'un seul point de l'ordre du jour: discuter de l'avenir de Sidi El Houari.
Le consensus a été commun
Les membres de la société civile n'ont pas été avares en explications appuyant leurs dires par des arguments solides comme du béton, en retraçant toute l'histoire millénaire de cette cité qui n'est plus à présenter aux Algériens, aucun de ces derniers n'est censé ne pas connaître ni avoir entendu ce nom amazigh de Sidi El Houari. Sauver sa ville est, pour plus d'un sauver sa mémoire, ses belles bâtisses que l'on a voulu raser à coups de bulldozers. Une telle pléthore et tout cet excès de zèle, quant à faire passer le rouleau compresseur démolisseur sont, pour les ignorants de l'histoire, motivés par les dizaines de vieux immeubles qui se vident suite aux différentes opérations de relogements de leurs occupants menées, au rythme effréné, par les autorités locales. Or, l'on ignore toutefois que cet ancien centre-ville, surplombé par le Mont du Murdjadjou, nécessite tout simplement un lifting et la consolidation de ces bâtisses menaçant de s'écrouler. Peut-on mettre à plat cet hôtel dans lequel a séjourné Napoléon III lors de sa visite qu'il a rendue à Oran à la fin du XIXe siècle. Cet hôtel abrite actuellement les locaux de l'Office de promotion et de gestion immobilières' A-t-on le droit de marcher sur les cadavres en démolissant l'hôpital Boudins' Un bon architecte peut tout simplement reprendre l'esquisse existante, avant de recommander la consolidation des structures de ce vieil hôpital. Est-on en mesure actuellement d'établir ne serait-ce qu'un croquis de la mosquée du Pacha' Quel est cet architecte ou encore ce bureau d'études qui peut crayonner une petite maquette soit-elle d'une ville où ses habitants de différentes cultures, religions et traditions peuvent cohabiter dans une harmonie totale' Plus d'un architecte a démontré ses talents dans la gestion et le suivi des projets mis en place récemment par les pouvoirs publics dans le cadre des différents programmes de l'urbanisation. Dans leurs plans, ils ont été ingénieux dans leurs trouvailles en mettant en place des cités dortoirs livrées à la criminalité, la drogue et toutes les autres formes de turpitudes. Ce qui n'était pas le cas dans le passé lorsque les Oranais accueillaient leurs visiteurs avec honneur et bonheur. Il suffit d'écouter l'inoubliable chanson du célèbre chanteur judéo-arabe Lili El Abbasi intitulée Wahrane El Bahia pour tout comprendre. Cette chanson, reprise par tous les chanteurs du hawzi, évoque tout simplement les rues et les personnalités d'Oran alors que d'autres artistes sournois l'ont transformée autrement, croyant que cet hymne dédié à El Bahia aborde la prostitution, des bars, des boîtes de nuit et des cabarets ou encore de la dépravation. Il n'en est rien de cela, hormis le fait qu'Oran a tout simplement été une ville qui bouge, tout comme Paris, Madrid, Rome, Milan et les autres villes méditerranéennes. Cheikha Reinette ou encore le célèbre pianiste de renom mondial Maurice El Mediouni ont marqué à jamais l'histoire d'Oran.
La preuve...
Sinon, le président de l'association Bel Horizons n'a rien laissé au hasard en éditant tant d'ouvrages sur les sites historiques et l'histoire d'Oran' Cette association est allée jusqu'à rééditer le livre de René Lepses ayant abordé la cité en la détaillant avec tous ses soubassements. Idem pour le professeur et historien Benkada Sadek qui a, dans plusieurs de ses oeuvres et conférences, abordé le vieil Oran. Cet éminent professeur d'histoire et chercheur est allé jusqu'à compter les pierres tombales en se rendant dans les cimetières d'Oran pour le seul but de fournir une étude sur la prévalence des prénoms utilisés par les Oranais. L'anthropologue El Hadj Melinai continue en douceur son chemin de bonhomie dans ses recherches et approfondies sur le chant oranais, pendant que le paysagiste Samir Slama et le professeur Nourine Benmaamar usent de leurs forces tranquilles en ne cessant pas de revendiquer la nécessité quant à sauvegarder la ville des Deux Lions et non pas à la démolir. Quel sera le sort du Palais du bey et celui de la célèbre chambre de la favorite et ses balcons permettant une vue admirable sur le mont du Murdjadjou, les différentes rues de l'ancienne ville ainsi que sur le port d'Oran' Quel sera le devenir de l'ancienne préfecture d'Oran qui sert actuellement de locaux pour la police nationale' Qu'en est-il des bains turcs et du mur du Rozalcazar mis en place par les Espagnols ségrégationnistes pour se protéger contre les assauts des populations autochtones chassant les occupants' Faut-il démolir le fort de Santa Cruz, les tunnels, les tours et les donjons qui ont orné le vieil Oran pendant de longs siècles' Peut-on obstruer le boulevard Stalingrad' «Des hommes ont fait l'histoire, d'autres en font des histoires en s'acharnant sur l'histoire de leurs ancêtres en l'anéantissant». C'est ce que diront ces hommes et femmes qui croient en leur projet tout en mettant l'accent sur la nécessité de voir et revoir les choses telles qu'elles sont. D'Ihrane (Deux Lions en Langue amazighe) à Oran, El Bahia a connu une histoire fantastique. La bêtise humaine a fait de cet ex-havre de paix un centre livré à toutes les formes de l'abandon. Tout détruire est un art. Mais, il est beaucoup difficile de se disculper auprès de cette histoire que l'on a renvoyée aux calendes grecques pour oeuvrer et manoeuvrer sournoisement dans la mauvaise gestion et des malversations! La preuve est jusqu'à présent toute vivante, elle est irréfutablement incontestable: dans les années 1980, l'on a décidé de bâtir un grand hôtel sur un terrain ne lui appartenant pas. Il s'agit de cette masse de béton du Châteauneuf qui toise, sans aucune indiscrétion, le ciel d'Oran. Les travaux de ce chantier hideux sont à l'arrêt depuis 1986 à la faveur de la crise économique d'alors. Cet hôtel a amoché le Palais du bey dominant le jardin abandonné Ben Badis, ex-promenade de l'Etang. Alors que le vieil Oran a été livré à l'abandon, le pire est arrivé à la faveur du relogement des milliers de familles. Que fera-t-on de ces immeubles étripés' La démolition était inéluctable pour plus d'un responsable local obnubilé par la récupération du foncier et la mise en place de ce qu'ils appellent des «projets d'utilité publique». «Niet catégorique». Telle est la réponse de ces centaines d'Oranais et d'Oranaises qui, se soulevant ingénieusement, ont mis ces responsables devant le fait accompli en stoppant le béton et la bétonisation sauvage coulant dans leurs esprits. Sidi El Houari renaîtra-t-il donc de ses débris' «oui», diront les férus de l'histoire et de sa sauvegarde. «Il suffit d'une petite volonté et d'une mesure étatique pour que la masse citoyenne se mette de la partie», explique-t-on. Ce n'est pas une chimère.
Oran des illusions
De quoi vivent les villes espagnoles de Courdoue, Séville, Grenade etc.' Du point de vue touristique, ces villes subsistent essentiellement du legs architectural andalou et du chant de Ziryab visités annuellement par des millions de touristes venant des quatre coins du monde. A Oran, ce sont actuellement des hommes comme Abdelhak Abdelouahab ou encore Massinissa Ourabah, l'association Bel Horizon et Santé Sidi El Houari ainsi que leurs copains qui se débattent contre vents et marées en vendant la belle carte postale aux couleurs chatoyantes d'Oran.
Kheira Naâmane, présidente de l'association Algérie-Méditerranée, basée à Marseille, n'est pas en reste de ce mouvement citoyen, en défendant bec et ongles la ville d'Oran dans toutes les actions qu'elle entreprend dans l'Hexagone. D'autant que celle ville est attendue au grand virage en abritant en 2021 les Jeux méditerranéens. Que va-t-on exposer à ces milliers de touristes tant attendus' Est-ce une ville démolie' La question est posée tandis que la réponse est tributaire des responsables, aussi bien locaux que hiérarchiques, dont le ministère de la Culture et celui du Tourisme. Oran des illusions de ces gouvernants est à la croisée des chemins.


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