Les artistes locaux sont décidés cette
fois-ci à s'organiser en rejoignant leur fédération nationale nouvellement
créée, nous dit M. Hanitet Mokhtar qui a assumé la tâche de syndicaliste au
sein de l'UNAC.
Selon lui, une large action de structuration,
voire démarche préorganique a été entreprise ces derniers jours pour recenser
tous les artistes. Par ailleurs, cinq artistes de différentes disciplines ont
été retenus provisoirement pour ladite action; il s'agit de Draa Noreddine,
Marhoum Abbès, Ferdagh Djeloul, Douila Noreddine et bien sûr Hanitet Mokhtar,
pour aboutir à l'officialisation par les structures de l'UGTA. Néanmoins il y a
lieu de rappeler sommairement la large contribution des artistes locaux de
renom ou anonymes, accidentés, emportés par la maladie, torturés dans les
geôles coloniales... contraints à l'exil... Vous voilà de retour en cette halte
organique. Une fois de plus, nous n'avons pas l'intention de présenter l'ensemble
des éléments du riche patrimoine culturel, ceci n'est pas possible eu égard aux
considérations d'archives officielles. Néanmoins il est malheureux qu'un grand
festival à celui du barde de l'Oranais ou barde des Béni Ameur. Il n'y a pas
que cela, le festival national du melhoun n'existe plus, à cela s'ajoute un
récent dépit lors de l'ultime édition du festival professionnel du théâtre de
mars 2009. Des voix se sont élevées pour réclamer la baptisation du théâtre
local au nom d'un grand nom de la culture nationale, feu Saïm El-Hadj. Cette
montée au créneau n'a pas donné de suite. Il en a été souvent ainsi à Sidi
Bel-Abbès, une litanie de regrets et de commentaires, la nostalgie, orgueil et
fierté. Toutefois, la ville de Sidi Bel-Abbès s'enorgueillit de Frih Khodja,
Abdellaoui Cheikh, feu Zargui de son vrai nom Hammam, du grand Abdelmoula, du
patriote Saïm Lakhdar et de son frère El-Hadj, de sa diva Chikha Remiti et
autres Djenia, de feu Dziri Kadri et feu M'kalech de son vrai nom Bouchrit
Abdelkader, feu Hamidouche, de ses poètes prolifiques de Benharrat Mostefa,
père de la célèbre et mythique Aïn Ba Dahou, synonyme d'une atteinte aux
pulsions des autochtones des Béni Ameur. La liste est certainement longue, l'on
évoquera feu Cheikh Djilali Zineddine, des peintres Ben Ameur D., Silem Ali,
Hamdad S.A., Belhorissat, Draa Noreddine, Kadid Djilali et autres... des poètes
Fizzi, Ben Chaabane, Ladham, Oud Ezzine Ahmed, Cheikh Khodja, Gadi (authentique
bilingue), Cheikh Djilali Zineddine... les Feraoun, Benaïssa, Chadli M., Kader
Benchiha, Slim, Dida Larbi, et la lignée des chebs, Naam, Mimoun, Yacine,
Mohamed El-Abbassi... A ces derniers, s'ajoutent les Bensmicha, Bensaïd, Douma,
Brahim Tsaki, Chouat, Mellak D., Kazouz M., Benzerga M'hamed, Ourad Boumediène,
etc. Les célèbres troupes modernes, à commencer par Basil Session des années
60, les Drifters, une longue histoire méconnue avec, l'on signalera, le décès
des trois frères Attar (Kamel, Faïçal et Réda). The Figures, Red Star, Aigles
noirs, les Jaguars, les Kamels, de Africa... à Raïna Raï, Tessala Entreprise,
Essadimiya (genre Nass el-ghiouan-Djildjilala). Au sein de cette jeune troupe,
il y avait Benaoum A. Eddine A., Moulshoul, Mahmoudi, Bouanani, Bensenada, feu
Assou Nasser, Bachir Bouidjra A. La liste des artistes est longue, tout ne peut
se ranger facilement, des lacunes fort compréhensives subsisteraient, nous
l'avons dit plus haut. Les artistes des troupes modernes sus-citées avaient
pour noms feu Wassini, feu Bouhadji connu par «Lary», on signalera les frères Boughrara,
Aboura, Sekkal F., Batsi, Kebbach Kada qui interprétera magistralement «Ya zina
diri latay, zin ezzin saken Sidi Yacine», feu Naïb Noreddine, fils de Cayassone
(calle del sol), Rouis, Draa Nasser, Kerkoub Ali, le dynamique Hanitet Mokhtar,
qui ambitionne légitimement de créer un syndicat des artistes, a-t-on appris.
L'on citera également Bahous Moulay, les Djellouli et naturellement Bachi
Bensaad Bouzid, le pianiste Raïs établi à l'étranger, Bahi Zouaoui, Mamoun
Saïd, Ghomari A., Amara M. Taieb, Brahim Abdelkader, feu Feddal Kacem, Djilali,
Djelouli Hachemi, Chikhi Tarek, Bouchentouf, aux professeurs Illes Djeloul, feu
Nebbal Cheikh, feu Bedjaoui Abdelkader, Souna, Borsali, à la célèbre troupe
El-Afrah, au Cheikh Hattab, à la lignée des chebs Mimoun, Yacine, Naam,
Kembouze Mohamed qui s'active énormément. Le sculpteur Nouara Tayeb n'a pas été
oublié en cette occasion, on ré-évoquera cet ex-PPA militant nationaliste de la
première heure et sculpteur de renom, ex-hôte et aussi ambassadeur de l'Algérie
indépendante dans plusieurs capitales étrangères où ses belles oeuvres étaient
exposées au public. Le défunt artiste a été interné dans la célèbre prison de
Bossuet (aujourd'hui Daya), il est décédé, le dimanche 13 décembre 1998, dans
sa ville natale. En cette mi-décembre indélébile qui a vu les Madani, Boumlik
Abdelkader, l'un emporté par la maladie, l'autre guillotiné à Oran un certain 4
décembre 1956... Tous nous ont quittés. Feu Nouara Tayeb est né à Sidi
Bel-Abbès en 1925. Il fréquentera l'école indigène de la «Graba», rejoindra le
PPA et militera jusqu'à son arrestation. C'est en prison qu'il parachèvera ses
oeuvres. L'on ajoutera Saïm Lakhdar, artiste patriote qui a connu la prison de
Baudens (aujourd'hui Caïd Belarbi). Lakhdar a été aussi l'un des rares
auteurs-interprètes algériens à tutoyer les grands chanteurs arabes de
l'époque, Mohamed Abdelwahab, Farid el-Atrach, Abdelaziz Mahmoud, Mounir
Mourad, Abdelghani Sayed et beaucoup d'autres. Saïm Lakhdar, qui s'était très
tôt épris de la chanson orientale dont il s'inspirait dans ses compositions
musicales, réussira la composition d'intéressants morceaux de musique adaptés
au genre oranais et qui s'apparentaient à la musique orientale par
l'utilisation du quart de note, inconnu chez les Occidentaux. L'ancien scout
que fut l'artiste belabbésien était également connu comme auteur dramatique,
pour avoir écrit des pièces tout comme des chansons, à la gloire de la patrie.
Le regretté Lakhdar naquit le 12 septembre 1912. Il fera l'école coranique
avant de se faire inscrire dans un établissement primaire. La nécessité d'aider
à subvenir aux besoins de sa famille le contraint à quitter prématurément les
études. Et comme un malheur arrive rarement seul, Lakhdar se voit dans
l'obligation, indique une source, de prendre en charge sa famille dont il était
l'aîné. Il ne fera pas de grandes études mais il était doté d'une grande
culture, nous l'avons côtoyé dans la rue Mazagran en tant que voisin de votre
serviteur. Toutefois la vie au quotidien et le scoutisme lui enseigneront ce
qu'il n'aurait pas appris à l'école. Saïm Lakhdar, le chanteur à la belle voix
chaude et pleine, excellera dans les chants patriotiques. Il compose et chante
«Farhatna bil Ghaïb» (célébrons l'absent). C'est ce qui lui vaudra d'ailleurs,
l'arrestation par les éléments des forces d'occupation qui l'interneront au
camp de concentration de Baudens, 18 kilomètres du chef-lieu sur l'axe Saïda.
La prison ne découragera guère l'irréductible nationaliste, qui non seulement
reprendra ses hymnes à la gloire de la nation algérienne qu'il diffusera dans
les milieux de la jeunesse belabbésienne, mais récidivera quelque temps après
par le théâtre. Il réalise cette fois-ci «Houkoum essam», une pièce pour
laquelle il se fera embarquer une seconde fois, et très vite, par les policiers
français. C'est en prison qu'il a composé « Ya raïhin esalou ‘alih » et «El
Ghaïb tal erjou'». Des paroles qui n'étaient pas sans évoquer la situation dans
laquelle il se trouvait en compagnie de centaines d'autres Algériens, indique
toujours la même source. L'auteur dramaturge s'est vu confier la gestion du
théâtre local. Il militera dans une des cellules de la kasma FLN jusqu'à son
décès en début juillet 1988.
Force est de relever que cette grande saga
des artistes locaux, qui furent souvent les dignes ambassadeurs de la culture
nationale, reste à faire connaître, c'est ce que nous tentons d'entreprendre
avec toutes les réserves voulues ou inhérentes à ce type d'exercice où
plusieurs générations se sont succédé qu'ils soient musiciens, peintres,
poètes, etc. A cet effet, nous avons pu identifier quelques brèves
informations, à commencer par le virtuose Abdellaoui Cheikh.
Ce natif du 4 mai 1945, grand guitariste,
enseigna la musique dans plusieurs régions du pays, connut une période féconde
lors de son passage à la radio. Sa rencontre avec Rahal Zoubir a été décisive,
indique l'écrivain Achour Cherfi. Il composera pour Zoubir R. de belles
chansons «Galbi madjrouh», feu Sabah Esseghira bénéficiera de ses compositions,
Mustapha Zemirli, Djahida, Souad Bouali le firent également. De la radio, le
virtuose belabbésien passera au théâtre où il signe les musiques des grandes
pièces de feu Alloula Abdelkader ; Boualem Hadoun et feu Kaki ont été
destinataires de ses loyaux services, indique la même source. Outre Abdellaoui
Cheikh, feu Bachir Fekih, Zaïdi Yacine, le metteur en scène Ziani Cherif Ayad,
très connu par Hafila Tassir Doussas (ex-agent communal) l'andalou a eu et
possède à ce jour de dignes interprètes. Il y a eu aussi Djili Sadek, père de
«K». l'on citera feu Cheikh Abdelmoula, suivi d'autres chantres locaux. De son
vrai nom Sensaoui, Cheikh Abdelmoula fut un très grand interprète du bédouin
oranais. Les poésies des icônes locales M. Benharrat, Belkadi B., Belhadri
Khodja furent admirablement chantées. Son premier 78 tours a été enregistré en
1954. Feu Abdelmoula brillera dans d'autres registres du bédouin tels
el-mkhazni, el-guebli, el-amri, el-mazouni. Feu Gadi Tayeb, un ould bled,
dit-on, fournira de multiples textes au grand Cheikh Abdelmoula qui sera suivi
par d'autres figures artistiques où l'on indiquera feu l'artiste M'hamed
Benzerga, originaire de Belarbi ex-Baudens, 18 km du chef-lieu de wilaya, de la
tribu des Nedjaaja. Il est né en 1936 et décède tragiquement le 8 août 1959 à
la suite d'un accident de la circulation, il y a de cela 50 ans. Il va marquer
pour longtemps deux générations d'Oranais.
Ecrivain public à Oran comme son ami feu
Ahmed Saber, il taquine aussi bien la musique que le théâtre. Benzerga
enregistre en 1957 aux éditions Tam Tam à Marseille son premier disque, puis le
reste de sa production aux éditions Dounia. Sa trajectoire fulgurante, qu'un
accident de voiture arrêtera brutalement en 1959, lui conférera l'aura d'un
James Dean de la chanson que les Oranais continueront à entretenir à travers
son célèbre «Nebghik nebghik, omri ma n'selam fik» (Je t'aime, je t'aime, je ne
renoncerai jamais à toi). Parallèlement au développement de cette chanson
moderne, il y avait la guerre de libération nationale, on s'attaque à la morale
du peuple algérien, car les assauts de la colonisation sont dans ce cas
particulier portés contre la jeunesse.
Malgré cela, la radio et les débuts de la
télévision (1957) vont faire connaître beaucoup de ces jeunes chanteurs et
participer à leur promotion, l'on relèvera que les M'hamed Benzerga, Meriem
Abed, Hadjira Bali, qui mourra tragiquement quelques années plus tard, se
produisent avec les Remiti, Blaoui, Fadila Dziria et El-Anka tous de l'émission
Rythmes et Chansons enregistrée à la salle Ibn Khaldoun (ex-Pierre Bordes) à
Alger, de 1958 à 1962. Benzerga restera le chanteur qui raconte le quotidien et
le vécu du petit peuple à un moment fort de son histoire. L'on ajoutera Cheikh
Djilali Zineddine, feu Hamidouche, Cheikh M'kalech, feu Dziri Kadri. La liste
est longue et le combat de la corporation nécessite consolidation des rangs.
-
Votre commentaire
Votre commentaire s'affichera sur cette page après validation par l'administrateur.
Ceci n'est en aucun cas un formulaire à l'adresse du sujet évoqué,
mais juste un espace d'opinion et d'échange d'idées dans le respect.
Posté Le : 15/06/2009
Posté par : sofiane
Ecrit par : M Kadiri
Source : www.lequotidien-oran.com