« Sidi Bel Abbès ou l’échange du symbolique et du jeu de l’espace. Emblème du soufisme veillant sur une plaine balisée par les montagnes, elle est territoire de voyage, de vie et de mort. Ville garnison, à laquelle on essaya sans succès de donner le nom de Napoléon ville. La terre natale de Marcel Cerdan charrie la tectonique des jours et de l’espace vécu… » C’est en ces termes que H’mida Ayachi définit le plat pays des Beni Ameur, fief où aurait vécu au XVIIIe siècle, un célèbre marabout : Sidi Bel Abbès El Bouzidi. Décédé en 1771, on le considère toujours comme le véritable saint patron de la cité. Il est enterré dans un angle de l’ex-rue du Marabout, aux confins sud-ouest du quartier populeux de Bario Alto, sur la route de Boussen menant à Sidi Lahcen. Curieusement, la plupart des Belabésiens ignorent l’emplacement exact du mausolée, témoigne Ould N’bia, enseignant universitaire. « Ils le confondent avec l’oratoire construit à l’intérieur du cimetière », explique-t-il. De nombreux mausolées dont le rite est attaché aux croyances et traditions de la population locale, puisqu’on dit que leur baraka protège la ville, se dressent çà et là . Ould N’bia cite les deux Sidi Abdelkader, l’un sis à El Campo, à côté de Sidi Boudjamaâ El Salah. Le second à Gambetta. Mais également Sidi Yacine et Sidi Bouazza El Gharbi, au sud de la ville (la Bremer), Sidi Amar et Sidi Djillali. Les moins connus sont Sidi El Mokhtar au faubourg Thiers, Sidi El Bachot à Casa Del Sol, Sidi Bensekrane près du parc communal, Sidi Ali, dans l’actuel Haï El Badr (aujourd’hui détruit), Sidi Aïssa, une petite chapelle à la rue Mazagran et plus singulièrement Sidi Bicinti. Fait rare, il n’existe qu’un seul marabout gawry* (chrétien) dans le monde arabo-musulman, et c’est à Sidi Bel Abbès qu’il se trouve. Le mausolée de Sidi Bicinti, Vicente le Basque, se trouve à l’intérieur (à gauche) du cimetière chrétien. Il paraît, selon les dires d’une vieille dame de Filage Abou, que Sidi Bicinti parlait couramment l’arabe. Vicente le Basque, qui représente des signes littéraires romantiques, relève Ould N’bia, incarne à lui seul une « contre-idéologie du début d’un choc larvé entre l’Occident et l’Islam ». Il vécut, en authentique ascète, une vie désintéressée des choses matérielles. Pour d’aucuns, c’était un soufi qui a cristallisé la quête de Dieu par la méditation, « la compréhension des opprimés et des déshérités dans les quartiers arabes ». La ziara du mausolée du marabout gawry, apanage des femmes, s’effectuait tous les samedis. La mémoire collective, façonnée d’une génération à l’autre, retient de lui l’image d’un personnage qui s’est illustré par sa piété, sa charité et ses dons de guérisseur. D’après certaines croyances, Sidi Bicinti était réputé pour ses « miracles » de guérisseur de la stérilité. Avec l’arrivée des descendants des Berbères Maghraoua et Médiouna, issus des Zenata et des Sanhadja, les Noirs du Touat et du Gourara, les Berbères du Maroc, Kabyles, Mozabites, H’mianes, Tlémcéniens, Mascaréens, Nedromis M’cirdis… d’autres marabouts vont se fixer à Sidi Bel Abbès, chacun charriant sa culture, ses traditions et ses croyances. Une cohabitation qui conférera une diversité mystique et passionnelle à une ville qui n’en finit pas d’étonner certains historiens…
* Mot d’origine turque qui signifie chrétien
Posté Le : 24/07/2006
Posté par : hichem
Ecrit par : M. Abdelkrim
Source : www.elwatan.com