Algérie

Sidi Bel-Abbès : Le berceau de la poésie populaire



Sidi Bel-Abbès : Le berceau de la poésie populaire
La passion pour la force de l’expression a toujours guidé les comportements et les attitudes des populations ou des tribus, plus exactement dans la région de Sidi-Bel-Abbès pour rythmer leur vie et conditionner parfois leur existence. On ne conversait sans se référer aux paroles des poètes du coin pour valider et argumenter leurs jugements, leurs impressions ou leurs intuitions… Les Béni Amer, par exemple, éprouvaient une fierté inégalée en évoquant un temps les gueux ou en reprenant les poèmes de leur chantre, Mostefa Ben Brahim, pour s’étaler sur son parcours, ses déboires et ses aventures. Le poète Benharrath a pris ensuite le relais pour se distinguer avec sa fameuse quacida «Ain Ba dahou» où il évoque avec une certaine nostalgie l’évolution de la cité de la Mekkerra , rappelle les richesses et les valeurs d’une épopée et cite les vertus d’une génération accrochant ses adeptes et ravivant un glorieux passé. Cheikhs Ould Ezzine, Belhadri, Bekkaddour, Saim El Hadj, Fezazi et d’autres se sont succédé par la suite pour perpétuer la tradition, celle de la culture populaire et attribuer une vocation à cette vaste et riche plaine de Mlata où les sentiments d’orgueil, de fierté et d’authenticité animaient le commun des habitants.
Ce n’est guère fortuit si certains chanteurs, à l’image d’Ahmed Wahbi, Blaoui El Houari, Ben Fissa, dans le genre oranais, Nouri Kouffi pour le hawzi, Hamada, Madani, Abdelmoula, Djillali Ain Tedles dans le bedoui et Khaled, Houari Benchenet ou Mazouzi dans le rai, ont interprété admirablement les quacidate de Mostefa Ben Brahim dont l’œuvre a été d’ailleurs le thème d’une thèse soutenue par le Dr Azza Abdelkader. «Seredj ya fares ltam», «Matoual delil ki toual», «Yamina» et autres tubes de ce patrimoine populaire ont sûrement enthousiasmé les foules qui se trempaient dans une ambiance souvent indescriptible de par le poids des paroles, de surcroît rythmées et reflétant parfaitement l’authenticité de la vie de tous les jours. Faut-il rappeler encore que le regretté Saim El Hadj a composé de nombreuses chansons dont on citera «Montparnasse», mélancoliquement interprétée par le chanteur marocain Abdelwaheb Doukali pour traiter le thème du racisme en France.
C’est dire toute la richesse de ce patrimoine populaire qui est à explorer assurément pour se réconcilier avec des traditions et s’inspirer du talent de ces poètes dont la vie a été la première école. Par ces fameux poètes et interprètes, guwels et chanteurs qui se retrouvaient dans les halkate, Sidi-Bel-Abbès reste le berceau de cet art populaire et constitue une des références du melhoun pour constamment susciter l’intérêt des chercheurs et musicologues. Un intérêt malheureusement peu explicité ou exprimé pour éloigner une génération montante de ce trésor inestimable… L’éloignement, s’il est prolongé, comme disait Safa (substitut de Mostafa Ben Brahim) est de nature à sevrer les agneaux…


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