Algérie - Sidi Belabbès

SIDI BEL ABBES : LA VILLA CLAIRETTE EXISTAIT DÉJÀ AU TEMPS DES CARAVANES



SIDI BEL ABBES : LA VILLA CLAIRETTE EXISTAIT DÉJÀ AU TEMPS DES CARAVANES
Dans une ville coloniale, le choix des sites et de leur implantation dépendait d’une stratégie générale de l’armée coloniale. Donc, pour pouvoir écrire et analyser l’Histoire de cette villa, il est nécessaire de comprendre d’abord les conjonctures de l’époque, ou du moins de comprendre l’esprit dans lequel elle a été créée. C’est-à-dire la volonté d’extension d’une ville purement coloniale. Une grande partie du Patrimoine Historique reste jusqu’à présent dans la posture du déni. Cette villa Clairette en est la preuve. C’est une réalité. Son « sens » rassemble et divise à la fois. Puisque, les questions qu’elle soulève renvoient indéniablement aux concepts de sens et de reconnaissance du concept « patrimoine ».
Le cas de Sidi-Bel-Abbès, la villa clairette n’a surement pas été bâtie par hasard près de la porte de Mascara?! Son architecte, ce qu’il n’avait sûrement pas prévu, c’est qu’elle sera finalement un Débarras. Quel dommage ! Comme beaucoup de « Bel-Abbésiens » , je suis attiré, aimanté par ma ville natale. J’essaye tout simplement de saisir. Alors ! J’écris et je crie.

I-Topologie de la villa.
La topologie joue un rôle primordial dans l’orientation d’une ville. Le plan du Capitaine Prudon a lui aussi, un rapport avec les données de cette Villa. En effet, au niveau spatial, on peut tracer une ligne droite de la porte de Mascara vers le camp des Spahis (Campo). Le tracé de l’enceinte de la villa est ainsi conforme à un double objectif de rationalité : celui du contrôle stratégique (Observation, ravitaillement…etc) tout en occupant la route de Mascara et tout son plateau pour une visibilité totale depuis le hameau du Mamelon permettant ainsi la domination des routes commerciales notamment « le Marché Indigène », l’un des plus importants en Algérie et qui se situait au nord est de la ville. Il est évident à ce moment que la stratégie de guerre s’ajoute à celle de l’embargo pour coloniser la plaine de la Mekerra. Le deuxième objectif, étant bien entendu « intimider » l’indigène par une architecture assez impressionnante ou tout au moins un symbole architectural de l’Algérie pacifiée. Rappelons-nous, la formule d’un grand théoricien du colonialisme français. “C’est à côté ou au milieu de celles-là que nous nous établissons pour empêcher ou pour réprimer leurs révoltes ».( Tocqueville, Alexis De).
Il est évident de constater aussi, que les français ont énormément bénéficié de la présence turc en Algérie. Les « Turcos » musulmans (Un synonyme des Spahis) vaincus allaient servir ce plan pour constituer les troupes de Spahis et cela depuis le début, c’est-à-dire depuis 1844. N’est-ce pas mieux que de transporter ces Turcs vers la porte sublime de Souleymane le Magnifique à Constantinople ?! Ils ont donc conservé avec soin le plus grand nombre d’entre eux à Sidi-Bel-Abbès en recrutant localement aussi.
La colonisation du territoire de Sidi-Bel-Abbès étant engagée tant au niveau régional que local, il est donc inutile de se demander ce qui justifie l’implantation du campo des spahis ? La réponse est claire : L’existence d’une population « indigène belliqueuse » aux alentours. Notamment, les Ouled Brahim, les Ouled Slimane et les Hassasnas et bien entendu les Béni-Hachem cantonner un peu loin depuis les amonts de Ain-Fekan et Oued el-Hammam.


II- L’histoire se fait avec des documents.
J’ai bien écris noir sur blanc dans la première partie que : « Cette villa connue par Clairette est en attente d’écriture de son Histoire ». En effet ! Cela exige des documents, « pas de document, pas d’Histoire » ! En plus, d’une méthode. [Le choix. Il faut poser des questions. N’en déplaise à certains poser une question est plus difficile que d’y répondre. Rassembler l’heuristique (avec critique) comme les sources écrites, rap d’archéologues ou d’architectes, les images, les témoignages et les vestiges, objets, monuments notamment. ]
Bon ! Le témoignage n’est jamais suffisant ! Le copropriétaire héritier de la propriété a promis de nous offrir des documents écrits. Le Nationalisme a des aspects Politiques, Culturels, Sociaux et Sportifs (comme MCA, CSC, USMBA….). Mais aussi économiques comme acheter un foncier ! N’a-t-on pas fait une grosse erreur avec la spoliation des terres de beaucoup d’algériens en glorifiant une révolution agraire stupide !? Le nationalisme ALGÉRIEN est un concept très spécifique.

Le plus important ce n’est pas son propriétaire ! Mais plutôt la causalité de sa construction est de sa démolition . Il arrive quelquefois qu’un mot jeté au hasard démolit un brillant château bâti sur les nuages.Sans titre
Depuis la fondation de Sidi Bel Abbes, Petit Paris s’agrandit donc peu à peu, avec les lieux nécessaires à la vie publique (jardins, églises, mairie, écoles…). En 1873 déjà, le quartier « village arabe » est né (El-Graba). Vers la fin du 19° siècle en 1880, l’administration poursuit sa stratégie coloniale d’extension par la création d’autres quartiers en dehors des remparts, le quartier Mamelon (Eugène Etienne en 1921 devenu Sidi-Yacine) était prédisposé à l’avance à jouer ce rôle d’assujettissement dans la politique d’assimilation. Voilà, pourquoi l’étude du cas de la ville de Sidi Bel Abbes devient très intéressant.
Durant le centenaire en 1930, le style néo mauresque était pratiquement mort. Il était déjà, au début du XX°, en déclin partout. La villa Clairette fut abandonnée et jetée aux « indigènes ». Voilà en résumé le fil rouge de l’Histoire de cette villa et de toute la ville en général. Enfin! Bref, c’est le début de son Histoire, beaucoup reste à faire.
C’est parti ! Je viens d’allumer la mèche. Attendant pour voir la suite pour répondre aux trois questions de la première partie et pourquoi pas d’autres ? Tout en gardant la lanterne dans la main gauche ! A qui veut poursuivre !

III- La clé du mystère.
Le nom de la villa est la clé du mystère. Sans doute attribué suite au succès du titre amusant de la trop célèbre opérette lyrique « Les 28 jours de Clairette » écrite à Paris par Roger Victor en mai 1892.Un grand succès avec 236 représentations partout ; France, Belgique, Tunisie, Maroc ….et à Sidi-Bel-Abbès aussi qui était à l’époque très réputée par son « théâtre militaire ». L’ouvrage était qualifié de vaudeville-opérette par ses auteurs et en effet, le sujet est vaudevillesque à souhait, (genre “vaudeville à caleçons”, avec lits sur scène).
C’était de plus, un sujet militaire ; aussi, ce qu’on appelle (ra) le “comique troupier” y trouve largement son compte. D’ailleurs, l’opérette a été adaptée en film français en 1933.
La construction de la villa des Spahis (Régiment toujours commandé par un Colonel-agha) à cette époque précise et dans la ville même de Sidi –Bel-Abbes était une idée « masquée » de la part de l’administration coloniale. Son but assimilationniste était « l’appropriation » de l’âme d’un peuple vaincu ! N’oublions pas qu’elle avait déjà pris habilement le nom du saint patron Sidi Bel Abbes El-Bouzidi.

IV- La villa monument Historique.
Malgré tout se qu’on raconte au sujet de la richesse de la région Bel-Abbesienne en vestiges Historiques, le Camps de Bossuet –pénitencier- est pourtant le seul monument de la wilaya 22, à être classé officiellement monument national. La comparaison avec d’autres est à mes yeux flagrante.
La protection au titre des monuments historiques n’est pas un label mais un dispositif législatif d’utilité publique légiféré par l’État Algérien et basé sur des principes d’analyse scientifique (d’une commission). Ce n’est pas à moi de trancher sur le classement de cette villa : Est-elle un monument Historique, Oui ou Non ? Seulement ! Il se trouve que dans cette rubrique des lundis, j’entame un travail d’Histoire visant notamment à expliquer, analyser (à ma manière) et compléter, par typologie la liste du patrimoine local. Je prend mes responsabilités à travers des résumés d’articles, pour contribuer et aider les associations dans leur engagement de protection du patrimoine de la ville à faire mieux.clairette


Il faut préciser que beaucoup de types de biens dans notre ville sont susceptibles d’être inscrits pour être protégés : Les vestiges archéologiques, jardins, parcs, lac, prison, fontaine, objets mobiliers et immobiliers, une peinture, un arbre, une montagne …et tout objet qui atteste l’existence, la réalité de quelque chose et qui peut servir de témoignage du passé pour les générations futures. Dès lors que sa conservation ou sa préservation peut, en fonction de « certains critères : historiques, artistiques, scientifiques et techniques» être considérée comme d’intérêt général. Les barbares détestent la science et détruisent les monuments, les hommes libres les aiment et les conservent. Cependant, la situation est un peu ambiguë concernant le patrimoine datant de la période coloniale même si cette « ambiguïté » n’a pas empêché l’administration centrale à inscrire le camp de Bossuet à Dhaya.
Bref, selon ma propre conviction, la villa Clairette mérite d’être classée comme monument Historique de la wilaya (avec d’autres). C’est le ministère de la culture qui décide. Sa valeur est Architecturale et artistique. Notons, qu’un « monument historique » en plus d’un ensemble de critères, il faudrait toujours prendre en considération aussi la « notion de rareté », ce qui est le cas de cette villa néo-mauresque plus que centenaire. Dans la photo, en faisant un simple agrandissement .On peut voir cette villa en arrière plan.
A fortiori, il est très difficile pour une société, de se reconstruire. On me dit : «il n’a jamais été écrit que cette magnifique construction était un monument ». Comme si « tout » était écrit sur l’Histoire de Sidi-Bel-Abbes! Le but de cette chronique n’est pas de convaincre encore moins d’impressionner ! Mon but est de : « partager » l’Histoire de ma ville. Alors ! Relativisme oblige ! Il faut voir ailleurs ! Il n’y a pas qu’une seule «Histoire ». Toutefois, souvenons-nous ! Les peuples qui dorment n’ont pas d’Histoire.
Je lis encore : « De plus, pour l’avoir citée comme résidence mauresque unique, l’auteur devait certainement ignorer… pur style mauresque...».Il est ici question de style « néo-Mauresque »(et non Mauresque) qu’on situe entre 1880-1914 ! Après cette date, ce n’est plus du néo-mauresque. Il ne faut pas confondre ! Dans ce style on trouve les trois religions monothéistes. Voir le siège de la Dépêche algérienne (rue d’Izly), construite par Henri Petit en 1906, aujourd’hui récupérée par le parti RND et la grande poste d’Alger, œuvre de Jules Voinot et Marius Tondoire construite en 1910 (Un timbre lui a été dédié) . La gare ferroviaire d’Oran par l’architecte Albert Balluen en 1905. Son architecture reprend les symboles des trois religions du livre. Ainsi son aspect extérieur est celui d’une mosquée, où l’horloge a la forme d’un minaret ; les grilles des portes, fenêtres et plafond de la kouba (dôme) portent l’étoile de David les arcades aussi en nombre de six; alors que les peintures intérieures des plafonds portent des croix chrétiennes. La Villa Clairette est sans aucun doute construite bien avant ces trois monuments qui seront pourtant tôt ou tard, inscrits et classés comme patrimoine puisque les associations locales et l’administration font un travail extraordinaire. Alors ? Pourquoi pas Sidi-Bel-Abbès ?clairette2


Conclusion :

Si, l’on continue à ce rythme ! Il faudra faire le chemin inverse et « militer » pour l’instauration d’une liste des monuments détruits en Algérie avec un double objectif ! Le classement des monuments détruits totalement et ceux détruits en majeure partie !!! Et d’un autre coté, il faudra peut-être répertorier l’ensemble des monuments jamais reconstruits !

Un grand déséquilibre est noté en matière d’inscription et de classement des sites et monuments historiques récent des XIXe et XXe siècles est observé en Algérie, entre les grandes villes comme Alger (65 sites), Oran (33 sites) et une ville comme Sidi-Bel-Abbès (01 seul site) ! L’héritage colonial ici n’est pas seulement mal perçu, mais il est aussi en train de subir l’altération du temps et de la spéculation foncière. Tout cela se combine avec l’indifférence de la société civile. La valeur foncière a largement pris le dessus sur la valeur culturelle. C’est grave.
On peut donc, à juste titre affirmer qu’en Algérie, la notion de patrimoine architectural (Du XIXème et XXème siècles), reste complexe et ambiguë, est fortement problématique. Mon regretté père m’aurait sûrement dit : Il faut laisser le temps au temps.


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