Algérie

Sidi Bel-Abbès: D'un 19 mai à d'autres



Suite et fin



Il installe alors son matériel sous le balcon du Nadi (centre culturel), à cent mètres du commissariat de police, sur le trottoir de la principale avenue passante de la ville arabe. Tout en velours, le drapeau est moitié blanc, moitié vert.

Bekkoucha Abdelkrim, jeune scout et militant engagé, brode dessus en fil d'or le croissant et le jasmin à cinq branches. Ce dernier (Bekkoucha A.) fut d'ailleurs un grand sportif, souligne-t-on. La même source indique que «tous les passants citadins et campagnards s'arrêtent évidemment pour admirer et commenter. Beaucoup découvrent ainsi les couleurs nationales pour la première fois de leur vie. Des policiers attirés par l'attroupement s'interrogent, mais que peuvent-ils faire ? Le scénario se répète tous les jours et curieusement, tel l'ouvrage de Pénélope, ne veut pas finir et ce... jusqu'à la veille du départ pour le jamboree ! Les SMA ont trouvé par ce biais un moyen subtile de ‘rendre familier' ce drapeau qui a été à l'origine des massacres du Nord-Constantinois, avec toutes les séquelles et les répercussions sur l'incontournable révolution du 1er novembre 1954 dans la wilaya profonde», indique M. Nehari, le scoutisme rayonne et pénètre, des sections scoutes à Sfisef, Sidi Lahcène ou Sidi Ali Benyoub accompagnent ainsi le mouvement national dans l'arrière-pays. Dans la même optique, malgré son orientation patriotique et indépendantiste et bien que certains de ses chefs locaux soient structurés dans le PPA-MTLD, le groupe SMA de Sidi Bel-Abbès ne fera aucune distinction doctrinaire entre les différentes composantes du mouvement national. Aussi, les scouts seront-ils de la fête lors de l'inauguration de la médersa Tarbia oua Taalim de la rue Palestro, parrainée par les oulémas, ou lors de l'ouverture de la médersa En-Nasr, initiée ensuite par le MTLD au quartier populeux et déshérité de «village Errih» partout, et à chaque fois, ils ont présenté des chants patriotiques et des sketchs ? Se faisant, de cette manière, les meilleurs propagandistes de l'unité nationale. Avec l'innocence et l'exubérance de la jeunesse en plus. Ils ne changeront pas d'attitude lorsqu'en 1948, survient la scission en leur sein. Les BSMA (Boy-scouts) n'arriveront pas à s'implanter ici. Mieux, le commissaire et le morchid Saïm Lakhdar, entre autres, entreprennent d'expliquer «le rôle éducatif et la position juste et légale» des SMA qui, à Sidi Bel-Abbès, continuent leurs activités jusqu'au déclenchement de la lutte de libération. Celle-ci les interpelle en premier lieu, certains comme Amir Benaïssa, Chiali Noredine, Fethi Baraka, les frères Aïned Tabet, les frères Châa Mohamed dit Miloud et Abdelkader, Baghdali Zine-El-Abidine, Sekkal, Feraoun... rejoignent l'ALN. D'autres comme Bekkoucha Abdelkrim, Tabet Mohamed, Sekkel Chaïb, Haffaf Noreddine, Abbès Lalout, les frères Amarouche activent dans le fida, d'autres encore comme Mohamed Seguini, Miloud Djellab, Daouadji Mohamed, Allal Mustapha, Amir Zine-El-Abidine, les Betsi, les Abdeddaïm... militent dans l'OCFLN ; tous s'engagent. Nombreux qui ont été arrêtés, emprisonnés et atrocement torturés comme Seguini Mohamed, Ben Daoudi, Lakhmès, Sabri Mohamed, Sekkal Ben Ali, son frère et leur père en même temps jusqu'à ce que mort s'ensuive, comme Abbès Lalout, indique la même source. Aussi le groupe SMA de Sidi Bel-Abbès comptera-t-il de nombreux chouhada tombés au champ d'honneur comme Baraka Fethi, Baghdadi Zine-El-Abidine, France Lalout, Sekkek Chaïb, Aïned Tabet Mourad, Feraoun Miloud, Tahar Ben Djilali, Liabess Mohamed et Abderrahmane, Haffaf Noreddine, les frères Amarouche, Khaled Sahli, Senouci Salah-Eddine, Châa Abdelkader... ajoute la même source. Pratiquement tous les membres du groupe scout El-Amal de Sidi Bel-Abbès ont participé à la lutte de libération. Ils ont été fidèles jusqu'au bout à la loi scoute, aux articles 2 et 3 notamment. Ils ont sacrifié leur vie pour leur patrie, un Etat algérien uni et une société moderne. A l'indépendance le flambeau est repris par toute une génération dont une grande partie prendra part aux activités de l'UNJA (Union nationale de la jeunesse algérienne) qui a été créée le 19 mai 1975 à Alger (c'est pour cela qu'on a parlé d'un 19 mai à d'autres). C'est par le biais de l'historique conférence nationale de la jeunesse (CNJ) sous la présidence de feu Houari Boumediène et de l'ex-parti unique que sont unifiés tous les mouvements de jeunes. Mais depuis les événements d'Octobre 88, le pluralisme gagna lui aussi les sphères de la jeunesse avec la floraison d'une multitude d'organisations estudiantines.



Les lycéens du chef-lieu, une page d'histoire locale



Avec un diplôme en plus, nous ne ferons pas de meilleurs cadavres, c'est le slogan brandi lors de cette grève-là (19 mai 56). Le mouvement revendicatif a été préparé dès le début des années 1950, indique notre source qui signale que l'encadrement de la grève historique des étudiants du 19 mai 1956 a été assuré par le mouvement de libération national bien avant le déclenchement de la guerre de libération. Cette anticipation s'est vérifiée «qui s'est distinguée lors des assemblées générales constitutives de l'association l'Essor estudiantin» dans plusieurs villes d'Algérie quand les surveillants des lycées ont chapeauté l'opération. Des réunions de sensibilisation des étudiants et des lycéens ont eu lieu pour une prise de conscience. En novembre 1954, date du déclenchement de la guerre, le climat était déjà préparé, d'ailleurs, dit-on, beaucoup d'étudiants et de lycéens ont rejoint le maquis avant même l'annonce de la grève. Et certains sont tombés au champ d'honneur. Puis vint le 20 août 1955 qui a énormément secoué les consciences, marquant un tournant décisif dans l'histoire de la guerre de libération. Des jeunes, chacun selon ses compétences et ses capacités, ont mené une lutte acharnée pour la libération du pays. L'on suivait de près ce qui se passait dans le monde, ce qui a participé à élever le niveau de conscience. Abasourdis par le nombre des lycéens qui prenaient le maquis, les colonisateurs français ont été contraints de diriger une propagande auprès des familles les incitant à interdire à leurs enfants de monter au maquis «parce qu'ils seront tués par les fellaghas». Il est à mettre en exergue le nationalisme qui habitait l'ensemble du peuple algérien, face à une France coloniale qui pratiquait à l'encontre des Algériens une politique faite d'expropriation des biens, de colonisation des terres et de maintien du peuple algérien dans l'ignorance. Le 19 mai 1956, soit dix mois après la création de l'UGEMA, les dirigeants de cette organisation lançaient un appel à la grève générale adressée à leurs camarades inscrits à l'université d'Alger et dans d'autres universités en France et dans les pays arabes, mais aussi aux lycéens et collégiens algériens. Et c'est par centaines que les universitaires algériens répondaient à l'appel du devoir, rejoints par des lycéens dans les maquis aux côtés des djounouds de l'ALN, pour lutter contre l'ordre colonial, et Sidi Bel-Abbès l'anticolonialiste, la rebelle fut au rendez-vous avec pour objectif l'indépendance nationale. «Avec un diplôme en plus, nous ne ferons pas de meilleurs cadavres. A quoi donc serviraient ces diplômes qu'on continue à nous offrir pendant que nos mères, nos épouses, nos soeurs sont violées, pendant que nos enfants, nos vieillards tombent sous les mitrailles, les bombes au napalm ?» Et nous «les cadres de demain» on nous offre d'encadrer quoi ? D'encadrer qui ? Hormis dans quelques rares institutions étatiques scolaires notamment où l'on a tenu à manifester des devoirs de reconnaissance vis-à-vis des martyrs étudiants qui ont rejoint l'ALN dès le mois de mai 56... L'opacité, entourant plusieurs figures du combat libérateur y subsiste à ce jour», souligne Hadj Nehari AlI, SG de la section locale du 8 Mai 45, qui a tenu à faire connaître la trajectoire de ces «bataillons» qui ont offert leur jeunesse en se sacrifiant pour une Algérie indépendante, et ce par l'intermédiaire de ces informations fort précieuses au profit des jeunes générations que notre source dit «étonnés» que leur ville ait enfanté des dizaines d'intellectuels de renom, tous formés dans les deux lycées de la ville.



Les deux lycées mémoire (l'ex-Laperrine et Leclerc)



L'ex-lycée Laperrine (aujourd'hui Azza Abdelkader) ou au lycée Leclerc (baptisé El-Haouès), pour ne citer que ces deux établissements connus. Notre source cite près de deux cents élèves du secondaire qui rejoignirent les maquis de la wilaya 5 historique... dont ceux morts pour la patrie tels les Alfred, les Amarouche, Baghdadi, Mekki, Safer, Saïdi, Zoui, Zenaïdi, Benmenni, Bendimered A., Bouazza, Boukhalda, Djebbar M. Elias, Mezouari, Remmas, Sakkal A., Youb, Ghourara... le futur avocat du FLN, arrêté et torturé à mort par les paras à Alger, Boumendjel Ali. Et ce, outre les Mestari Abdelkader et Mohamed, Bestaoui, Zouaoui Kaddour, frère Ghani... Hanifi, Ben Ahmed, D. Abdelghani, Moulshoul B., Chaouch Noreddine dont la rue du lycée Azza Aek porte le nom, Adda Boudjellal H., Châa dont un CEM porte le nom, Senouci S., Feraoun M., Lalout B., Madhloum dont une école à «Village Errih» et une rue à Montplaisir portent le nom. Et c'est au lendemain de la 2e Guerre mondiale que sont signalées les premières vagues plus significatives en nombre et en engagement politique... Elles proviennent de l'ex-ville arabe Graba, des écoles Avicenne, Molière, Turgot et même Victor Hugo à Cayasson (Calle del sole). Une bonne partie a rejoint le maquis pour mourir en héros. D'autres ont pu résister... Ils y goûtèrent à la joie de l'Algérie indépendante et en post indépendance, ils se montrèrent entreprenants dans les rouages de l'Etat, de la sûreté nationale, au parti du FLN, au sein de délégations spéciales jusqu'aux APC de février 1967, etc. L'on citera à titre indicatif, les feu Hassani Abdelkader, Azza Aek, les docteurs en médecine Djellil Houcine, Ben Barek, feu Amar Benaïssa, ex-ministre du Travail et F. professionnelle et notamment président de l'AEM-NAF (Association des étudiants nord-africains en France). L'actuelle maison de la presse de Sidi Bel-Abbès porte le nom de l'auteur de l'histoire de la santé en Algérie, et autres ouvrages à connaître, cite notre source. A noter également les frères Abdelhalim, feu Zouaoui Mohamed dit «Moussica», un CEM construit à Sidi Djilali porte non nom. En 2007. Il n'est jamais trop tard pour rendre hommage, dit-on. Il y a aussi feu Djamil Bendimered, décédé il y a une décennie, les cousins Taleb Mourad et Abderrahmane. Allal Mustapha (pharmacien et ex-président de l'APW), Ouhibi Djelloul, les frères Bendimered notamment les footballeurs de renom, feu Ouhibi Abdelaziz (ex-wali et P/APW de 79 à 86), Chiali Noredine, Sekkal Benali, Latrèche Hamma, A. Bennaoum, Tadj Abdelkader Benali, Badsi M., les Seguini Abdedaïm, Benaouda, Ghoul B., les frères Saïm, Baraka, Mokkadem B., Amir G., Bedjaoui D., Fardeheb B., la liste est loin d'être exhaustive. Et ce lendemain d'indépendance, qui n'est pas arrivé aussi vite et facile, n'a pas été celui que des hommes, la femme belabbésienne s'illustra énormément, précise notre source qui citera les Challali G., Achour Z., Soraya Bendimered, Draa F., Kheir Nebia, Tayeb Brahim F., Hamadi M., Adim Fatiha, Bechiren Z., Benyekhlef B. D'autres lycéennes et lettrées ont continué à militer... telles feu Louahla Kheïra, Tayeb Brahim Fatiha au sein des assemblées élues et mouvements associatifs. Dan et autres Dani Kébir, Bensekrane O., internée en France, feu Yemloul Ghalamoun, Mahmoud, Ghali K., Merine, Meddah H., Abdeddaïm Z., Benhiba, El-Fekaïr, Djebbour D., feu Adjel K., Tama K., Merrah A., Belacel A., soeur du commandant Mahi, Nedjadi K., Amir Yamina, les soeurs Azza... Là encore, la liste, insiste notre source, n'est pas exhaustive. En somme, le cycle de communication a été fort instructif. Il a levé le voile sur un combat méconnu. Le mérite revient à tous ceux qui tentent de faire des devoirs de mémoire indispensables.




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