Il avait le don d'intuition et de lecture des âmes. Il connaissait la physiognomonie, le sens profond et les correspondances des formes, des attitudes et des gestes avec l'état présent et futur de l'âme, au point de pouvoir annoncer en voyant un de ses élèves remuer comment il tournerait vingt ans plus tard.
ÂÂ
Andalou, ayant voyagé en Orient, mort au Moghreb, Sidi Abou Madiân est le principal initiateur du çoufisme en Occident. De lui dérive, par Ibn Machîch et par Châdzili, le vaste mouvement chadzilite dont les Derqaoua, les Kittaniyn, les Kerzaziyn, les Cheikhiyn, les Naciriyn, les Zianiyn, les Aïssaoua. etc... sont des rameaux. Il est écrivain, savant, poète. Il est le Ghoûts, le Grand Secours, qui est, au sommet de la hiérarchie des saints, comme l'aspect mystique du Qouthb, du Pôle. Il est patron de Tlemcen. Son mausolée et la mosquée voisine sont parmi les chefs-d'œuvre de l'architecture méridine. Des milliers de pèlerins viennent chaque année les visiter.
Aboû Madiân Chou'aïb ben al Hossein al Ançârî naquit dans la région de Séville vers 520/1126, d'une famille d'origine arabe plutôt modeste. Son père mort, il fut élevé par des frères aînés, gardant leurs troupeaux avant d'apprendre le métier de tisserand. Quand il voyait quelqu'un lire, il s'approchait de lui et ressentait une angoisse de ne pouvoir en faire autant ; lorsqu'il passait devant une mosquée ou une école son coeur palpitait. Il s'échappait pour aller au cours des professeurs. Ses frères étaient opposés à cette vocation. L'un d'eux le menaça un jour de son épée ; Chou'aïb para le coup avec son bâton, et le fer se brisa. Interdit, le frère le laissa aller. Le jeune homme rencontra, au bord de la mer, ou du Guadalquivir, un vieillard, vêtu seulement d'un cache-sexe, qui pêchait à la ligne (un clou tordu au bout d'une ficelle), qui écouta son histoire et lui conseilla d'aller à la ville commencer sa quête de Dieu par l'étude de la science. Chou'aïb traversa le détroit, vécut à Tanger et à Ceuta avec le pêcheurs, se rendit à Marrakech, où il fut accueilli par ses compatriotes andalous qui voulurent ]'inscrire sur les rôles de la milice.
C'est à Fès qu'il se fixa un certain temps et finit par trouver ce qu'il cherchait après s'être assis dans maint et maint cercle d'étudiants. C'est o d'Aboùl-Hassan Ibn Harzihim (mort à Fès en 559/1165) qu'il reçut pour la première fois un enseignement vivant, car ce maître parlait "pour Dieu" et non pas du bout des lèvres, touchait l'esprit et le coeur, non seulement les oreilles. Par lui, Chou'aïb prit contact avec les écrits des maîtres çoufis, spécialement Mouhâsibi, et sans doute aussi Chazâlî, que le cheikh admirait vivement.
Posté Le : 15/05/1952
Posté par : hichem
Ecrit par : Documents algériens, service d'information du Cabinet du Gouverneur Général de l'Algérie [n°63]
Source : www.alger-roi.net