Algérie

Sid-Ali Melouah



Récit d?une dernière rencontre en Ardèche Du c?ur, il est sûr qu?il en avait à revendre. Et, comble du destin, c?est le c?ur qui l?a emporté, dimanche dernier. J?avais revu Sid-Ali Melouah, pour la première fois depuis longtemps, et pour la dernière, il y a un peu plus d?un an, en février 2006. Il était l?invité à Aubenas, de la municipalité de ce chef-lieu de l?Ardèche, pour donner une conférence en compagnie de son ami Claude Moliterni, spécialiste de la bande dessinée. On ne s?était pas revu depuis plusieurs années, depuis le temps lointain de La Cité interdite, de La Secte des assassins (tellement prémonitoire), puis d?El Manchar. Puis les années noires ont séparé les gens, bouleversé les amitiés. Jusqu?au début des années 1990, Melouah avait tellement l?habitude de monter l?escalier d?El Moudjahid, d?Algérie Actualité ou plus tard d?Horizons. On croisait avec plaisir son grand sourire et la conversation était toujours riche. Régulièrement, il passait ainsi dans les rédactions pour dire un dynamique bonjour aux amis journalistes et, à l?époque de la barbarie, dire sa confiance, même si comme pour beaucoup on le sentait désabusé. A Aubenas, dès qu?il me vit entrer, en retard, dans la salle, il ouvrit ses grands yeux rieurs et me fit un vibrant signe d?amitié de la main, se faisant retourner le public sur moi. Je n?en demandais pas tant, alors que nous, nous ne nous étions pas vus depuis au moins quinze ans. Au détour d?une interrogation d?un participant, il me prit même à témoin, tout en donnant une réponse précise, comme toujours. On avait été de toutes les ébauches, hélas non suivies d?effet, depuis le Festival de la bande dessinée à Bordj El Kiffan, jusqu?au Festival méditerranéen au Palais du peuple. Oui, vous avez bien lu, le Palais du peuple, pendant les quelques années où il avait été ouvert en plein au? peuple. On le sentait tendu. Je l?étais aussi. Cet exposé sur une histoire de la bande dessinée déclinée au passé, cela avait quelque chose de malgré tout angoissant, surtout dans ce pays d?exil forcé. Sid-Ali, en France depuis 1997, sortait assez peu. L?Algérie, qu?il s?était résolu à fuir, était pour lui proche et lointaine. Il y retournait pour des raisons familiales, mais on ne ressentait pas la même envie qu?autrefois d?y faire des choses, de s?y engager. Plus que blasé, il était surtout très fatigué et soucieux de se ménager. Même au restaurant où nous dînions après la conférence, il faisait attention aux mets, aux aromates et épices et aux boissons. Pour lui, c?était un plat particulier. Pas pour se différencier, non, mais pour préserver sa santé, et son c?ur, dont il avait eu à souffrir il y a peu. En tout cas, il avait une mémoire phénoménale, se rappelant de tous les moments de l?épopée de la BD, ayant un mot d?émotion pour tous les copains, Aïder, Maz, ou encore Guerroui, lâchement assassiné. Après le repas, on s?est quittés dans la rue froide. Il partait avec les organisateurs applaudir un concert de Houria Aïchi. Je me suis retourné pour le voir s?évanouir dans la nuit. Je ne savais pas que ce serait la dernière fois que je le rencontrerai.




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