Algérie

Si Ouali Ait Ahmed, ancien officier de l’ALN Au cœur d’une bataille à Fliki



Si Ouali Ait Ahmed, ancien officier de l’ALN Au cœur d’une bataille à Fliki
Publié le 24.09.2023 dans le Quotidien l’Expression

Le 14 août 1961, nous prîmes, un groupe de moudjahidine, dont l'aspirant M'hand Amer, dit Si M'hand Yakourène, et moi-même, le chemin pour la région de Fort-National, où je devais rencontrer ma famille. Le danger et les embuscades faisaient partie de notre vie quotidienne. La mort rôdait au maquis, beaucoup plus qu'ailleurs. Elle pouvait être au rendez-vous du maquisard, à chaque pas qu'il faisait, à chaque instant.
¨Par Si Ouali Ait Ahmed*
Nous campâmes, au sud-est du village évacué de Chebel, pour un repos, avant de traverser des zones parsemées de postes militaires ennemis. J'étais aux anges d'y avoir rencontré Lamara Ouardi, dit Si Lamara «Irouvah», que j'avais connu, à mon adolescence, à Timeglelt. Il allait, lui aussi, en permission, armé d'un P.A.

Nous nous réveillâmes, en sursaut, vers 17h, à l'annonce, par notre sentinelle, de l'ennemi en formation de combat. Il était à peine, à 50 mètres de nous. Dans la précipitation, un échange de coups de feu eut lieu, Si Lamara «Irouvah» m'ayant indiqué le côté d'où venait le danger. Après une rafale que je tirai de ma MAT 49, la fenêtre, d'injection de douilles, se referma seule, pour se coincer momentanément. Nous profitâmes de la surprise, créée au sein de l'ennemi, qui s'abattit à plat ventre, pour décrocher et prendre la direction du P.C. de la Région 334, où nous avons trouvé, outre le secrétaire régional, Si Saâda Messous, le commandant Si Mouh Ouali Slimani, dit «Chéri Bibi», le lieutenant Si Mouloud Ibelkissen et le sous-lieutenant Si Ouakli N'Zekri, récemment promu, en remplacement du lieutenant Si Larbi Boudiba, tombé au champ d'honneur l'avant-veille, à Makouda. Nous nous y reposâmes, durant deux jours, avant de reprendre le chemin, le 18 août 1961.

La Zone 33
Nous contournions le village de Cheurfa N'Bahloul, occupé par l'ennemi, pour aboutir au village Fliki. C'est là, que j'appris, de la bouche du lieutenant Si El-Hanafi, dit «El-Habachi», la tombée au champ d'honneur du lieutenant Si Larbi Boudiba, le 16 août 1961, près de Makouda. Je l'avais vu, pour la dernière fois, au P.C. de Wilaya, lors de sa récente promotion et de sa mutation en Zone 34. Ancien chef de la Région 331 (Fort-National), il était intelligent, instruit, affable et aimé de tous, moudjahidine et population. Avant son départ, pour ses nouvelles fonctions, en Zone 34, il m'avait fait part de son ressentiment et de sa tristesse, sans oublier de me faire part d'un certain pressentiment de quitter la Zone 33. Nous ne nous quittions pas d'une semelle, du temps où il était aspirant et moi secrétaire général du P.C. de la Région 331
Nous arrivâmes au P.C. de la Région 331, implanté à Djemaâ-Saharidj, le 20 août. Géré par Si Ali Libdiri, dit «Si Ali Icheriden», ancien camarade de classe, du Collège moderne et classique de Tizi Ouzou.
La permanence était assurée par l'aspirant Si Idir Sahnoun, qui se relayait avec l'aspirant Si Omar Izri, dit Si Omar «Atteliw». Ils le voulaient face à un poste militaire ennemi, dans la villa, de Maître Kouadi, abandonnée, déjà depuis un certain temps. Là, je me rendais compte de l'intelligence efficace, mise au service de la patrie, par quatre jeunes femmes moudjahidate, dont Dehbia et Taous Chettah, soeur et veuve de Si M'hamed N'Bouyaala, tombé au champ d'honneur, fin novembre 1959, lors de l'opération Jumelles, avec son frère Si Abdelkader, le lieutenant Si Smaïl Ameyoud de Tizi Ouzou et le sous-lieutenant Si Lounes Hadouchi, respectivement secrétaire général et secrétaire général adjoint, au P.C. de Wilaya, à la mort de Si Tahar Amirouchene et avant l'arrivée de «Dda» Lamara Hamel, et de nous tous, au même P.C.

Sous l'oeil vigilant des moudjahidine
Mon épouse, ma mère et mes frères Hocine et Merzouk arrivèrent, le 23 août, au P.C. de région, par une liaison spéciale. Ma mère et mes frères, étant repartis le jour même, nous passâmes huit jours avec mon épouse, sans inquiétude, sous l'oeil vigilant des moudjahidine et moudjahidate, rattachés au P.C. de région, d'autant plus qu'ils avaient aménagé une percée murale (lebra), d'où ils pouvaient surveiller les allées et venues de l'ennemi, dont le cantonnement était à une coudée de la villa de Maître Kouadi, supposée abandonnée. Si Mohand Arezki «Akhliliw», qui en détenait les clés, et faisant office d'agent de liaison, savait ajouter de son sel, pour détendre une ambiance difficilement équilibrée entre le travail de fourmis du secrétariat, la vigilance et l'anxiété, face au danger.
La tendresse et les chuchotements à l'oreille, en période trouble, ne durèrent qu'autant que dure la vie d'une rose. Déjà, neuf jours étaient écoulés furtivement. Il fallait quitter mon épouse et rejoindre le P.C. de Wilaya. Le 1er septembre, mon père, mon frère Hocine et mon beau-frère Boussad Kehar, arrivèrent pour conduire ma compagne en lieu sûr. Quant à moi, je fis le nécessaire, pour contacter les deux agents de liaison, qui devaient m'accompagner, à savoir Si Mohand Khimeche, avec son fusil Mauzer allemand et le petit «Amirouche» Arkam, d'Azazga, escorte de Si El-Habachi, avec son MAS. Entre-temps, nous rendîmes visite à «Yemma» Dahbia, «Thabouyezgerth», moudjahida débordante d'activités, dans le refuge qu'elle gérait, avec sa vieille machine à coudre, prête, toujours, à rapiécer ou à coudre les tenues de maquisards et de moussebline.
Nous quittâmes les lieux, le 3 septembre, à la tombée de la nuit, pour faire une petite halte, chez Nna Yamina Ath Ali et sa belle-fille Aldjia, admirables d'abnégation, de courage et de sang-froid. Là, elles nous refilaient tout le détail, sur l'activité de la journée des soldats français, le village de Bida (Djemaâ-Saharidj), ayant été quadrillé de postes militaires et entouré de rouleaux de fils barbelés, d'au moins 2,5 m de hauteur et de largeur. Nous ne tardions pas à sortir du refuge du quartier de Hlawa, accompagnés des deux vaillantes moudjahidate, munies d'une large et fine planche de bois, assez courte et d'une couverture, pour escalader et franchir, sans risque de nous y accrocher, le dangereux et détestable obstacle. Elles étaient calmes et adroites dans leurs gestes à poser la planche et la couverture sur le rouleau de fils barbelés, ainsi qu'à leur récupération, une fois l'action terminée. Ouf! Un ouf profond sortait de nos poitrines, comme d'ailleurs nous l'avions fait, à l'arrivée au village, il y avait une dizaine de jours.

À Acif Boubhir avant l'aube
Nous projetions de faire une longue étape, jusqu'à Chaoufa, chez «Dda» Hand Ath M'hand (Alileche), après un petit crochet, au village M'ghira, où nous trouvions, entre autres moudjahidine, le frère Aberkane Lakhdar, secrétaire général du P.C. du Secteur 3 313, pour recueillir des renseignements, sur d'éventuels mouvements ennemis. Nous arrivâmes, finalement, à notre première destination, le 6 septembre, après minuit et y trouvâmes un groupe important de membres de l'A.L.N., dont l'infirmière Zahra Boudjida. Après le souper, la route nous attendait, pour pouvoir arriver, au moins, à Acif Boubhir, avant l'aube. Nous y arrivâmes, et préférâmes choisir, au lieudit «Warqiq», un buisson de ronces (inijel), en bordure de la rive gauche d'Acif Boubhir, pour dissimuler notre présence, des jumelles ennemies, qui balayaient toute une zone dénudée, et quadrillée, en toile d'araignée.
La chaleur était insupportable, au lever du soleil. Les mouches, aussi nombreuses que collantes, ne cessaient de nous taquiner, à travers les sillons tracés, par les épines des ronces, sur nos mains et nos visages. La gorge sèche et le ventre creux, nous ne prîmes, à trois, qu'une boîte de sardines à l'huile et une pomme rouge, que m'avait remise Zahra Boudjida, l'infirmière moudjahida, à notre sortie du refuge des Alileche. Nous ne pouvions même pas étancher la soif, malgré la proximité du ruisselet d'eau, qui coulait à deux pas de nous, au milieu du lit de la rivière, de peur d'être repérés par des postes ennemis, tous proches.
Au coucher du soleil, nous quittâmes notre gîte, pour nous débarbouiller, quelque peu, et poursuivre notre chemin, en passant, par le village Fliki, où nous attendait un groupe de moudjahidine, dont Si El-Habachi, afin de nous accompagner, pour le reste du trajet. Retiré, un petit peu, à l'écart, pour des besoins naturels, par pressentiment, je ne lâchai pas ma mitraillette MAT 49, dans ma position. Tout à coup, je vis un, deux, trois hommes en tenues militaires qui défilaient, le corps courbé. Vite, j'allais en informer mes compagnons et prîmes le cours d'eau, dans le sens contraire de son écoulement. C'était, alors, des crépitements, des sifflements de balles et mitraillage, à partir d'une petite colline surplombant notre refuge de fortune. Nous ne pouvions aller plus loin et nous nous rabattions, sur des buissons plus épais, en bordure de la rive gauche de Boubhir. La nuit tombait, le petit Amirouche, blessé à la jambe, ne pouvait supporter la douleur.
La seule fusée éclairante, dont disposait l'ennemi, nous a permis de voir toute une section de soldats occuper, en une rangée linéaire, le milieu du lit de la rivière. Avec la blessure, le petit Amirouche ne cessait pas de bouger dans le buisson touffu.
L'ennemi déversait un déluge de feu, sur nous, en ayant capté le bruissement inévitable, que faisait le blessé. Quant à nous deux, qui étions à 1,5 m l'un de l'autre, encadrant le petit Amirouche, nous ne ripostions guère, pour ne pas signaler, par les flammes de tir de nos armes, la position exacte, que nous occupions.

* Ancien officier de l'ALN et secrétaire du PC de la Wilaya III historique
24-09-2023



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