Si le général Giap savait

L'Afghanistan, en cette fin de mois d'août, nous rappelle au bon souvenir du tombeur de l'armée française à Diên Biên Phû, en 1954 puis des Américains qui finiront par rendre les armes en 1975 ? résultat de l'offensive décisive de l'armée vietnamienne. Du haut de son 1m 52, Vo Nguen Giap a laissé une phrase historique à propos des tendances hégémonistes des puissances européennes : « L'impérialisme est un mauvais élève.» Ce génial général que j'ai eu l'insigne honneur de rencontrer, à Alger, dans les années 80, peut se réjouir des événements en cours en Afghanistan : dans sa fuite, l'armée de la première puissance mondiale a tout abandonné sur place, tous les équipements militaires dont des hélicoptères d'attaque. Comme jadis au Viêtnam. Vingt ans de présence armée tournent à la catastrophe, devant les yeux effrayés des alliés inconditionnels de Washington.Mécontentement aussi dans le camp du Président Joe Biden, tant l'onde de choc de cette guerre perdue est forte. En apparence, rien ne prédisposait à un tel scénario car les Etats-Unis ont investi des milliards de dollars susceptibles de leur assurer une présence pour bien plus longtemps. Mais c'est comme verser de l'huile dans le sable, en vain. D'autant plus qu'il s'est avéré que le sous-sol afghan, à défaut de pétrole, regorge de minerais stratégiques découverts grâce aux moyens de prospection ultrasophistiqués dont l'or, le cuivre, les terres rares tels que le lanthane, cérium, néodyme... De toute évidence, les réserves se comptent en millions de tonnes. C'est donc un legs, une force de frappe qu'exploiteront les nouveaux maîtres de Kaboul. L'on comprend, dès lors, pourquoi Moscou et Pékin sont tout miel avec eux. Au demeurant, des observateurs donnent de la voix pour dénoncer cette propension à vouloir imposer la culture occidentale à d'autres et, partant, la sacro-sainte démocratie qui va s'avérer un fiasco à chaque nouvelle tentative.
Hier, c'était par la croix et le glaive que les empires coloniaux ont connu une expansion fulgurante... avec son lot de millions de morts. Mais il n'empêche, l'or du Pérou attirait les flibustiers de la lointaine Europe. C'est ce que cache la diabolisation des islamistes préfabriqués ou réels dans diverses contrées (où le pétrole coule à flots). Il n'y a pas meilleur guide qu'une carte révélatrice des réserves du sous-sol. Néanmoins, il reste que les retombées de la dimension humaniste en termes de liberté de penser, de libre arbitre, de progrès, de l'effort au travail sont le butin de guerre gagné sur les dominations étrangères. Il serait d'un enrichissement certain pour la culture et l'identité autochtones s'il était débarrassé des prédispositions hégémonistes. Toutefois, il y a la lettre et l'esprit, l'envers et l'endroit.
En effet, ce legs risque de ne pas être utilisé à bon escient, mais sous le prétexte fallacieux à un hypothétique retour à l'authenticité. Autrement dit, faire table rase de l'apport des autres civilisations, meilleur moyen de réduire au silence toute voix discordante, toute opposition.
Brahim Taouchichet