Algérie

«Si la récession venait à se confirmer, l'Algérie sera touchée» Francis Perrin. Expert pétrolier



- Les dernières prévisions de la demande mondiale de pétrole de l'OPEP et de l'AIE sont quelque peu pessimistes et interviennent une semaine après le rapport du FMI, qui n'écarte pas un risque de récession pour 2012. Quelle est votre lecture de ces prévisions '
Il faut souligner, en premier lieu, que l'OPEP et l'AIE ne sont pas des organismes de prévisions macroéconomiques. L'Organisation des pays exportateurs de pétrole et l'Agence internationale de l'énergie s'appuient généralement sur les chiffres et les prévisions de l'OCDE. Ces deux organisations continuent à évacuer, pour l'année 2011 et 2012, l'hypothèse d'une importante baisse de la demande. Leurs prévisions sur la demande sont toujours ajustées suivant l'évolution des choses, notamment sur le plan économique. D'après le dernier rapport de l'AIE, cette organisation a mis en avant la situation de ralentissement économique qui prévaut dans certains pays de l'OCDE. C'est ainsi que cette organisation a prévu que la demande devrait s'établir à 89,2 millions de barils par jour (mb/j) en 2011 (+1,1% par rapport à 2010) puis augmenter de 1,4% en 2012, à 90,5 mb/j. Mais il ne faut pas perdre de vue que les prévisions risquent d'être révisées si la récession venait à s'installer en 2012, tel que c'est dit dans le dernier rapport prévisionnel du FMI. Je crois que la croissance mondiale n'est pas aussi mauvaise qu'on le croyait. D'ailleurs l'AIE prévoit, en 2012, une croissance mondiale qui devrait progresser de 100 000 barils par jour à 89,01 millions de barils. L'AIE prévoit aussi une progression du PIB mondial en 2012, tandis que l'OPEP prévoit une demande de 87,81 mb/j pour 2011 contre 87,99 mb/j estimés le mois précédent. Par rapport à 2010, cela représente encore une hausse de 0,88 mb/j. Pour 2012, l'OPEP table sur une demande de 89,01 mb/j, contre 89,26 mb/j annoncés en septembre. Cela dit, même si les hypothèses de croissance économique sont un peu pessimistes par rapport à celles de l'AIE, mais leurs thèses se rapprochent.
- Outre la récession évoquée par le FMI, certains experts rappellent le risque d'une baisse des prix avec le retour, dans les mois à venir, de la Libye sur le marché'
C'est une possibilité. Si, par ailleurs, l'offre augmente, il y a un risque d'une baisse des prix. Le brent est reparti, mardi, à la hausse sur le marché londonien, mais j'atteste que le risque pourrait être vrai, comme vous venez de le dire. La production a repris en Libye et le volume oscille, d'après certaines estimations, entre 350 000 barils/jour et 400 000 barils/jour, début octobre. Même si cette production est destinée à satisfaire la demande interne, la Libye s'est orientée à nouveau, avec un tout petit volume, vers l'exportation.
C'est dire qu'on ne peut pas affirmer que l'impact sur le marché est nul. En outre, le fait que la Libye cesse d'importer, cela aura inévitablement un impact dans une économie mondialisée. Il est vrai tout de même que le retour de la Libye sur le marché va entraîner une petite baisse des prix et l'Arabie Saoudite, ainsi que d'autre pays, vont devoir réduire leur production afin de laisser place à la Libye. C'est du moins ce qui a été dit par le président de l'OPEP. Il va sans dire que l'Arabie Saoudite se retrouvera ensuite dans une situation qui l'obligera à conserver la stabilité des prix. Je dirai globalement aussi que si la crise, dans la zone euro, aux USA et au Japon, venait à se compliquer avec l'apparition de signaux de récession, l'impact sur les prix sera important. Il est clair qu'il existe une corrélation entre la croissance économique, la demande de pétrole et les prix, mais si les prévisions de récession du FMI venaient à se confirmer, les prévisions de demande de pétrole seront significativement révisées par l'OPEP et l'AIE. Ce qui est clair aussi est que les perspectives à court terme dans les pays de l'OCDE ne sont point bonnes, mais elles sont tout de même favorables dans les pays émergents.
- Si les prévisions de récession mondiale en 2012 venaient à se confirmer, l'Algérie risque-t-elle de se retrouver face à un remake du scénario de 2008 '
Il est évident qu'un pays comme l'Algérie, dont les recettes proviennent à 97% des exportations en hydrocarbures, sera inévitablement touché, tout comme les pays très dépendants des revenus pétroliers. Pour l'instant, l'année 2011 s'annonce globalement bonne pour l'Algérie, car le brent est à environ 110 dollars le baril sur le marché londonien, si nous prenons en compte les prix de mardi. Cependant, si les hypothèses de récession venaient à se concrétiser, l'Algérie devra réviser ses prévisions de recettes. Globalement, contrairement à d'autres pays dépendants des recettes pétrolières, j'estime que la situation ne s'annonce pas si compliquée pour l'Algérie, car elle exporte différents produits pétroliers, alors que d'autres pays n'exportent que du pétrole brut. En outre, la situation financière de l'Algérie est assez confortable, ce qui lui permettrait de préserver, du moins à court terme, ses équilibres budgétaires. A moyen et à long termes, l'Algérie est appelée impérativement à trouver des moyens de substitution aux recettes pétrolières et à diversifier son économie.


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