Algérie

Si la peinture algérienne m'était contée ...



Il suffirait de presque rien ! que chantait le défunt Serge Reggiani (1922-2004) ou peut-être qu'il a fallu une feuille de chou choisie au hasard d'un lot de pages froissées de vieux journaux par le vieux épicier Daoud de Hadjout pour guider l'enfant El-Hadj Tahar Ali vers l'art pictural. Est-ce une coïncidence ou avait-il réellement conscience l'épicier du village de Marengo lorsqu'il avait emballé les ?ufs du môme dans un feuillet illustré des toiles de Vincent Willem van Gogh (1853-1890) ' Apparemment oui ! Et depuis, l'amour envers l'art a fait tilt dans l'esprit de l'enfant de Merad (Tipasa) qui a rangé avec soin dans ses livres imagés d'écolier ce pétale de gazette qu'il a défroissé, a-t-on su de l'artiste plasticien qui doit tant à l'épicier de son enfance lors de sa causerie autour de ses ouvrages La peinture algérienne, abstraction et avant-garde (2016) à la médiathèque Bachir-Mentouri de l'établissement Arts et Culture mercredi dernier.Et lors de ses pérégrinations d'enfant, il s'extasiait devant le calendrier du menuisier du quartier où chaque feuille de l'almanach était illustrée d'une toile du regretté M'hamed Issiakhem (1928-1985), dont La veuve (1963), Les martyrs (1965) et Les visages de la douleur qui logent désormais dans la mémoire de l'auteur d'Encyclopédie de la poésie algérienne de langue française (1930-2008) Tomes I et II (éd. Dalimen). Et c'est ainsi que l'orateur a rejoint en 1973 Alger-réalité qui était l'organe d'informations de proximité de la grande mairie d'Alger où il a collaboré dans la critique d'art. En ce temps que les moins de trente ans n'ont pas vécu, le hall de l'ancienne grande mairie d'Alger sis à l'avenue Asselah-Hocine était surexposé de toiles et illuminait en nocturne le balcon de l'avenue Zighoud-Youcef qui s'ouvre sur la mer.
C'est dire que "l'Algérie n'a rien à envier à l'Occident en matière d'art pictural, eu égard à notre histoire millénaire berbéro-romaine qui a été hissée à la peinture dite de chevalet née au XXe siècle", a déclaré l'auteur du recueil de Poèmes bleus (éd. Enal 1984). Autre argument, "l'Algérie recèle également de l'inégalable richesse de notre musée rupestre à ciel ouvert qu'est le Tassili n'Ajjer, où les gravures d'animaux mais aussi des êtres illustrent des scènes de vie", a déclaré l'auteur de Hachemi Ameur, monographie sur le miniaturiste et enlumineur algérien (éd. La Peyronie 2001).
Néanmoins, l'ancien journaliste à l'hebdomadaire Algérie-Actualité déplore le fait qu'il n'y a plus de travaux de fouilles archéologiques depuis la mort de Mouloud Mammeri (1917-1989) : "Slimane Hachi, le préhistorien qui dirige le centre régional d'Alger pour la sauvegarde du patrimoine culturel immatériel en Afrique, a découvert à Béjaïa des figurines datant de trente mille ans." Du reste, nos youyous et "l'aouchem" (le signe) de nos aïeules sont restés intacts en dépit des invasions qu'a subies l'Algérie, a déclaré l'orateur.
À ce propos, l'apport de la femme à l'art du terroir n'a pas été en reste, puisqu'il est évoqué à travers Baya née Fatma Haddad (épouse Mahieddine) (1931-1998) et Souhila Belbahar. "On ne peut séparer la peinture ancienne de ce qui se fait de nos jours", a déclaré le tribun qui a encensé le calligraphe miniaturiste Mohammed Racim (1896-1975) et l'enlumineur calligraphe Omar Racim ainsi que l'autre miniaturiste et musicien de la "Çan'âa" Mohamed Kechkouk.
Du reste, l'ouvrage d'El-Hadj Tahar Ali revivifie l'école de l'orientalisme (XIXe siècle) et ses adeptes à qui l'on doit un pan de notre histoire, dont Femmes d'Alger dans leur appartement d'Eugène Delacroix, Etienne Dinet dit Nasreddine qui était proche de Mohammed Racim et d'Eugène Samuel Auguste Fromentin.
Autre révélation, Mohamed Temmam a réalisé les premières ?uvres du cubisme. Au demeurant, le triptyque Choukri Mesli Mohammed Khadda et Issiakhem a contribué à "Ennahda", l'éveil du mouvement nationaliste, a conclu le conférencier qui déplore toutefois que nos musées n'achètent pas de toiles.


Louhal Nourreddine


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