Avec ses vieilles bâtisses décrépies et ses ruelles défoncées, El-Hamri fait grise mine et ses habitants tout aussi. Le Mouloudia, le club mythique, reflétant la marque déposée et exclusive du quartier risque, pour la première fois de son histoire, de rétrocéder en division inférieure. En l'espace de quelques années, ce quartier est devenu sinistré. Au mieux, les 170 tentes qui ont été plantées à travers pratiquement toutes les ruelles du quartier, il y a quelque temps de cela, pour abriter les familles menacées par des toits risquant l'effondrement, renseignent au mieux de cette décrépitude que d'aucuns ne présageaient pour sitôt. Début du siècle dernier, Oran à l'instar d'autres villes du pays, connaîtra un exode massif de populations venues des localités environnantes et lointaines. Les premières habitations voient le jour dans ce faubourg, situé à la lisière de la ville et à proximité de quelques manufactures encore naissantes. Le quartier est alors partagé de part et d'autre. Lyautey, côté droit et Lamur, côte gauche. La population vit comme elle peut. Des «haouchs» qui ont gardé de leur aspect la ruralité, préservaient encore intacte la vie de l'intérieur où des familles qui n'ont pas pu quitter le quartier à destination d'autres quartiers cohabitent, habituées et forcées dans une même habitation. Le marché ambulant est grouillant, au vu des multiples véhicules qui y stationnent aux alentours et de l'afflux, laisse dire qu'il est le meilleur de toute la ville. Il fait vivre nombreux jeunes qui exposent dans de vieux étalages les produits les plus frais et à toutes les bourses. Au café Hadj Tayeb, Khelifa Chaht, on ne parle que du Mouloudia et aucun ne veut croire que le club cher à tous va rétrograder. Chacun y va de son calcul et de ses prévisions et c'est l'occasion pour les uns de se rappeler les vieux temps glorieux du club avec ses titres, ses joies et la tristesse restée à travers la gorge d'une finale de coupe d'Afrique perdue d'un cheveu. De cette glorieuse équipe qui a vu le jour en 1946 ne subsistent que trois joueurs que sont Kouider Touha, Djabeur Mohamed et Khelifa Chaht Houari, dira dans un long soupir Hadj Tayeb, le propriétaire du café, qui suggère que la moindre des politesses serait d'organiser les honneurs qu'ils méritent à cette mémoire encore vivante du club. Il ira raconter avec nostalgie comment Hadj Omar Abouna, un riche mozabite, Hadj Ali Bentoumi, Bessol Mohamed, Boutaleb Rezig et Ali Hamadane, en premier secrétaire, créeront le Mouloudia d'Oran et comment cheikh Saïd Zemouchi de sa baraka bénira à partir de la medersa de la place Soualmia (ex-place Thiers) le club qui offrira en sacrifice pour le pays, le meilleur de ses joueurs: Freha Benyoucef, Fouatih H'mida, Chaâ Mohamed, Soualmia Abdelkader, Benahmed, Boudjelal Ahmed, Kouider Boukhatem et Sbaâ Houari, le premier entraîneur de cette fougueuse équipe qui, en premier match, est allée narguer un club formé d'Espagnols au stade Turin, du côté de la préfecture. Parmi ses enfants, il citera pêle-mêle ceux qui ont marqué le quartier: le commandant Moussa, Abed, le mythique directeur de l'école Avicenne, son fils, maître Abed, assassiné par l'OAS, Benahmed Houari, le chahid au grand coup d'éclat, qui porte le nom d'une ruelle au centre-ville, Benguesmia Chadli, le chef du réseau fida d'Oran, Les frères Soualmia et les frères Aroumia, Zeddour, Tsouria et bien d'autres et un peu plus tard des noms d'artistes Ahmed Saber, Rahal Zoubir, Serour et également de grands sportifs, les Bendjahene, Freha, Beddiar, Hadj Nair, etc. De ces souvenirs, il ne reste plus rien. Un quartier sinistré qui ne reçoit de visite qu'à la veille des élections, comme le disent, sans gène, nombreux parmi ses habitants. On caresse dans le sens du poil et puis plus rien sauf les au-revoir sans lendemains. Aucun conducteur de taxi n'ose pénétrer à l'intérieur du quartier tant les ruelles sont défoncées et la nuit l'éclairage public faisant grand défaut. Bien sûr, il y a le problème de l'héritage dans l'indivision qui empêche les uns et les autres de retaper leurs bâtisses, mais il y a aussi ce délaissement qui ne dit pas son nom. Aucun espace vert, aucun lieu de loisirs. Le quartier semble livré à lui-même. Le quartier nécessite un vrai plan «Marshal», estime un vieux natif du quartier.
Posté Le : 06/05/2008
Posté par : sofiane
Ecrit par : T Lakhal
Source : www.lequotidien-oran.com