On n'évoque pas un revenant, mais il s'agit de la pièce intitulée Le retour de Shakespeare, de Meriem Allak, en compétition au 3e Festival national du théâtre féminin de Annaba. Une pièce qui veut maladroitement redresser «les torts» du théâtre algérien en lui donnant des leçons de morale. Peu convaincant.Shakspeare traverse le temps et atterrit en Algérie. Et il se met vite à critiquer le théâtre algérien de ces dernières années, fait des remarques, donne des leçons, tranche et dresse la potence aux «médiocres». Le dramaturge anglais des temps anciens tente même de se suicider par dépit. C'est là l'idée simpliste et curieuse de la pièce Le retour de Shakespeare, de Meriem Allak, en compétition au 3e Festival national du théâtre féminin de Annaba. Cette pièce, produite par la coopérative Er Rabie de Batna, est un véritable réquisitoire contre ce qui se passe dans les théâtres régionaux actuellement. Les sacs portant les numéros d'années sont supposés «illustrer» la corruption qui serait partout.Shakespeare (Azzedine Benamar) demande à Jalil (Issam Khenouche) et El Hamel (Hocime Mosteri), des comédiens d'un théâtre situé quelque part, de jouer la tragédie, la comédie, le mélodrame... Et, bien sûr, juge le spectacle : «Mauvais.» Pire, tout est mauvais pour lui. Le compagnon de Shakespeare, Christopher (Rafik Chima), va plus loin, verse dans les leçons de morale, déverse sa haine, s'attaque aux scénographies, aux metteurs en scène, aux dramaturges, aux administrations des théâtres. Ils sont, pour lui, tous incompétents. Un procès symbolique est même monté sur scène pour juger, trancher et renvoyer tout le monde aux premières classes.LibertésDe l'autocritique ' Peut-être. Mais cette pièce est tellement grotesque qu'elle perd toute sa valeur artistique. La teneur dramatique est vidée par un discours direct d'un mauvais goût collant. Le retour de Shakespeare est une petite pièce prétentieuse qui, au lieu de poser les balises d'un débat critique sur l'évolution du théâtre algérien, verse dans la propagande revancharde stérile et puise dans les eaux polluées du paternalisme. S'exprimant en partie en arabe classique, Shakespeare et Christopher se sont permis d'incroyables libertés avec la langue d'El Moutanabi.«Faute de temps, nous n'avons pas pu faire les corrections nécessaires. Et puis je ne voulais pas saturer le comédien en lui demandant de respecter la langue !», s'est curieusement justifié Meriem Allak, a priori allergique à toute critique à son travail, lors du débat qui a suivi la représentation. Elle est même convaincue de faire... du théâtre. Pourquoi convoquer Shakespeare pour juger le théâtre algérien dans son ensemble et mettre tout le monde dans le même sac ' «C'est mon choix. Que d'autres choisissent Kateb Yacine ou Alloula», a-t-elle répondu avec une certaine assurance. «Nous ne cachons pas le soleil avec le tamis. Ce qui a été présenté lors des festivités du cinquantenaire sont des pièces théâtrales de mauvaise qualité par rapport au budget qui leur a été accordé. Je voulais délivrer un message. Et il n'y a pas mieux que de faire la critique franche pour rectifier les erreurs», a affirmé Meriem Allak.Redressement de torts ' Moralisation ' «Nous ne devons pas avoir honte. Notre théâtre régresse. Il ne faut pas faire dans la complaisance. Que ceux qui n'ont rien appris aillent chercher le savoir», a-t-elle conseillé. Le chercheur et critique, Mohamed Boukeras, a qualifié Le retour de Shakespeare de médiocre. «Ce que a été montré sur scène n'apporte rien de nouveau. Exposer un problème ne signifie pas lui faire un traitement. Et puis, le théâtre est une esthétique. On peut y aborder tous les problèmes, mais d'une manière artistique. Il y a dans le théâtre algérien des gens honnêtes qui font du bon travail», a-t-il affirmé lors du même débat.
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Posté Le : 07/03/2014
Posté par : presse-algerie
Ecrit par : Fayçal Métaoui
Source : www.elwatan.com