Algérie

Shahrour, Belahmar, le jour, la nuit et la mort



Il y a des coïncidences contre lesquelles on ne peut rien. Mohamed Shahrour, le célèbre penseur syrien, est décédé il y a trois jours à l'âge de 81 ans. Il n'est malheureusement pas très connu du grand public algérien mais tout ce que compte le pays comme intelligence, lucidité, ouverture d'esprit et spiritualité apaisée sait qui il est. Ces hommes l'ont lu, suivi et recommandé, hélas pas toujours avec réussite. Le mode de consommation culturelle et les critères de succès étant ce qu'ils sont dans notre pays, les grandes «tendances» qui font la consécration ne pouvaient logiquement être favorables à quelqu'un qui a fait preuve d'autant d'audace, de remises en cause et d'appels à la rationalité (lire la superbe chronique-hommage d'Ahmed Halli dans l'édition d'hier). En l'occurrence, Shahrour n'est pas le seul penseur à en souffrir, et avec lui, ce qu'il peut susciter comme éveil dans un monde musulman décadent, où la pensée est outrageusement dominée par les archaïsmes et la misère intellectuelle dans le meilleur des cas. Dans le pire, ce sont les ténèbres et la terreur. C'est donc un secret de Polichinelle, les «fans» de Shahrour en Algérie, il ne doit pas y en avoir des masses et ce n'est ni manquer de respect aux Algériens, ni insulter leur intelligence, que de le suggérer. Il n'a pas de succès parce que tout concourt à ce qu'on lui préfère d'illustres? charlatans coincés dans une autre ère géologique ou, plus grave, révisionnistes par le pire. Shahrour a eu une formation d'ingénieur en génie civil, il en a tiré la rationalité scientifique qu'il a mise au service d'un engagement dont l'idéal est de mettre la foi, sa foi, à l'abri de la manipulation politique et de ses sombres desseins. Et des grands, comme de petits intérêts, à l'instar de ceux du bonimenteur Belahmar qui vient - on ne peut décidément pas grand-chose contre les coïncidences - de mourir en même temps que lui. Belahmar n'est pas devenu «célèbre» tout seul. Il a dû certes faire son marketing comme tous les vendeurs d'illusions qui savent «travailler». Mais ce sont les disponibilités à la réception dans la société et le laisser-faire intéressé dans les rouages de l'Etat qui lui ont fabriqué une notoriété, un savoir-faire? médical et des relais médiatiques à faire pâlir de jalousie une star du show-biz. En un mot, ils lui ont fabriqué une vie et un destin, ils ne vont donc pas se gêner pour lui fabriquer une? mort retentissante, surtout que pour comprendre quelque chose, il faut toujours trouver où est l'intérêt. Question audimat, «y a pas photo», comme disent les branchés, entre Shahrour et Belahmar. Ce n'est pas tout ce qui sépare les deux hommes, même si un capricieux hasard a voulu qu'ils meurent le même jour.S. L.


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