Algérie

« Seuls les serments d'enfant sont éternels »



Une narration pudique de faits atroces, d'enfances brisées, de femmes opprimées dans l'Algérie des années 1940...
Un roman où se livrent, en toute simplicité, au-delà du fait colonial, des drames familiaux, dont les femmes sont les victimes toutes désignées. Victimes, mais aussi bourreaux, faisant et défaisant les destins de leurs congénères, conformément à un schéma séculaire, auquel elles se soumettent. Zouina, une mère rongée par le souci maladif, paroxystique, des convenances sociales, de surcroît bigote, n'hésite pas à martyriser sa fille Mouni. Cette dernière subit les tortures morales et physiques les plus abjectes. On lui inculque, avec une cruauté consommée, l'art de tenir une maison à la perfection, l'obéissance à l'époux, le renoncement de soi' Des rituels purement constantinois apparaissent en filigrane, teintés de nostalgie, les matins fébriles où les matrones sont convoquées pour rouler à l'infini des grains de couscous, qu'on entrepose ensuite en prévision des hivers glacés; la distillation des eaux florales, le malouf, les longs cérémonials des bains maures hantés par les marieuses, qui tâtaient et soupesaient, comme un tas de marchandise au rabais, de belles et timides jeunes filles, à peine sorties de l'enfance...
Mouni est devenue une petite femme «accomplie», qui troque l'acrimonie de sa mère contre celle de sa belle-mère. Elle met au monde deux enfants, un garçon, pour lequel on se prive volontiers, et une fille, Fella, un autre souffre-douleur, qui devra prêter le flanc pour conjurer tous les anathèmes. L'enfer continue pour Mouni, avec un époux que les circonstances ont rendu violent. Devenu alcoolique après son retour du front, il la menace avec son arme à feu. Terrorisée, elle s'enfuit loin de lui. Sa mère (à elle), non seulement la rend responsable de cet échec, mais la rejette. Voici les arguments qu'elle avance à son époux (le père de Mouni): «En un instant, elle réduit à néant tous nos efforts. Et elle croit être reçue par nous les bras ouverts. Une femme avec deux orphelins à nourrir dont une fille en plus ! Non je ne l'hébergerai pas une seule nuit sous ce toit.» Et c'est la tante maternelle, la tendre Baya, dont le mari est quasiment le seul protagoniste masculin à manifester quelque bienveillance, qui l'héberge avec ses enfants. Mais Mouni perd toute humanité.
Elle se désintéresse de sa fille, à laquelle elle reproche, en leitmotiv, d'être née; seul son fils compte pour elle. Elle rejoint, tout naturellement, la cohorte des mal aimées, qui, pleines de haine de soi, ne savent qu'infliger à leurs filles. Fella, petite fille silencieuse et triste, toujours cachée sous la m'leya de sa mère, subit, plus qu'elle ne vit librement, les sensations fugaces de son Rocher natal, qu'elle n'oubliera jamais, pas plus qu'une brève et intense amitié avec une fille de colons, Hélène, et un précoce amour pour son petit camarade, Lotfi. «Seuls les serments d'enfants sont éternels», pense-t-elle.
L'adieu au Rocher de Zahra Farah, 194 pages, paru en 2011 aux Editions Média-Plus.




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