Il est mort il y a quelques jours. Il commençait à devenir malade il y a cinq ans. Une maladie, plus un oubli ne fait en fait qu'empirer un état éternellement stationnaire.
Il est relativement toujours jeune. Toujours beau et élégant. Mais l'on ne pourra plus, du moins pour le moment, apprécier sa verve, ni son verbe. Farid est malade. Il a perdu la parole et avec, un peu de sa mobilité physique. Ce physique que contient un corps esthète, digne positivement d'une race arienne. Blanc, aux cheveux lisses le plus souvent taillés à la Mireille, Farid faisait l'enfant terrible dans ces années là, où même à Sétif l'on dansait le rock-and-roll, le twist et après le jerk. Il était, aimait-il se qualifier, scribouillard de seconde zone, ou un correspondant de province. Mais en fait, ceci ne collait point à l'image de l'homme. Il le disait eu égard à la grande modestie qui le caractérise. La candeur, la haute sincérité et, la forte simplicité font de Benabid l'intègre héritier de toute une lignée ancestrale bien ancrée dans les tréfonds de l'histoire familiale.
Il a fait les colonnes et servi les pages parfois de leur une, comme journaliste à El Acil, au Quotidien d'Oran pour se voir arriver et aussitôt partir à Liberté, comme directeur régional du bureau à Sétif. Il a pour ainsi dire remplacé à ce titre fonctionnel, un autre tourbillon plus tonitruant et rebelle que le courage et l'intrépidité avaient forcé amèrement son exil : Djamel Benchenouf. Farid Benabid n'a pas pu résister à l'intensité d'un choc suite à un humour, peut être cette fois-ci mal placé. Poursuivi pour une probable menace par voie de sms, et nonobstant la mansuétude de l'éventuel plaignant, le journaliste de Liberté qui excellait dans la description des soucis quotidiens du citoyen, gît à son âge comme grabataire, handicapé et surtout lâché et omis par les siens et les autres.
Aïn Abessa, agglomération rurale située à quelques encablures au nord de Sétif lui tient lieu de résidence. Un petit logement sous forme de F zéro, glacé et taciturne, si ce n'est la chaleur que lui prodiguent une épouse persévérante, deux belles filles et une fillette angélique, incarne encore dans son silence les f'tus des articles pensés la nuit, rédigés le jour et édités le lendemain. Farid, spécialiste de langue de Molière (licencié en lettres françaises) ne sait plus maintenant débiter un mot en quelque langue que ce soit. Il est devenu aphone. Il ne s'exprime que par de la gesticulation que seule sa tendre épouse sait traduire. Avec cette impotence, une paralysie partielle, à le voir et le rappeler, l'on se résigne tous à dire que personne n'est à l'abri d'une impotence. Il souffre mais ne le dit pas. Il soupire et ça s'entend. Cela dure depuis plus de neuf mois !
L'on apprend que la wali de Sétif lui a rendu visite (en 2007). Tout est à l'honneur de ce wali. Farid mérite une bienveillante attention. Pourquoi pas une clémence et une mansuétude par le biais d'une visite ou d'un coup de fil. De grâce, ne laissons pas se tarir une plume et aidons une famille en proie à une déprime. Il n'y a pas plus de terrifiant pour un homme malade que l'oubli et le défaut d'attention. Souvenons-nous de Farid Benabid. De son sourire. De sa gracilité et enfin de sa fine gentillesse.
C'était il y a cinq ans. Ces phrases résonnaient dans un Sétif-info acquis tout à la cause défendue. Des mansuétudes, des témoignages, des déclarations de secours venaient de partout. L'angoisse à l'information emplissait alors tous les commentaires. De bonnes volontés se sont manifestées et de vieilles amitiés se sont revigorées l'instant d'un clic. Durant toutes ces années certainement aussi longues pour Farid, que pour sa famille, le souffle du site s'est progressivement tu, sans que notre ami ne soit rétabli. La cité était aussi responsable de ce mutisme. Votre serviteur également. Il se morfond de n'avoir pas pu trop assurer des visites de remonte d'un moral qui semblait ne plus faire surface. Il regrette à mourir de ne pas avoir pris assez de temps, pour consacrer de longs moments avec ce trésor de la langue, cette source qui à vue d''il tarissait lentement au rythme que se vidait la vie dans les alentours. Un hommage particulier demeure à afficher envers cette personne qui ne baisse guère les bras devant la fatalité. Elle luttait par ce sourire légué en héritage contre l'aléa et le fatidique. Madame Benabid est un Farid plus aguerri, plus revigoré. Le destin la fortifiait et l'amour qu'elle gardait pour ce gardien paisible et tranquille l'apaisait dans ses douleurs et inquiétudes.
LA NOSTALGIE DE SE VOIR AVEC UN FARID JAMAIS EMOUSTILLANT, MAIS JOVIAL ET ACCUEILLANT, ACCENTUE DAVANTAGE LE REMORD, FACE A QUELQU'UN DE MALADE, QUE L'ON NE PEUT VOIR ET REVOIR A VOLONTE. FUT-IL UN MESSAOUD, FRERE CHERI QUI SE LAISSE ALLER AU DESIDERATUM D'UN FILS VANTARD, ET SCIENTIFIQUEMENT ETOURDI. PARFOIS LA VIE SE RENVERSE, ET DONNE DE LA TETE A CELUI QUI N'ETAIT QUE PIEDS. LE JOURNALISTE NOUS A QUITTE DEPUIS CINQ ANNEES, NOTRE AMI NOUS A QUITTE VOILA DEUX OU TROIS JOURS, EN CE 13 AOUT. SON ESPRIT CHEVALERESQUE RESTERA TOUTEFOIS DANS LES BRIBES EPARSES DE NOS SOUVENANCES ETRIQUEES. AU REVOIR AMI.
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Posté Le : 18/08/2012
Posté par : presse-algerie
Ecrit par : El Yazid Dib
Source : www.lequotidien-oran.com