Algérie

Sétif: Misère, déperdition scolaire et le reste



En dépit du fait que la scolarisation soit obligatoire et gratuite pour tous les enfants en âge d'être scolarisés, ils sont nombreux à avoir quitté les bancs de l'école avant d'avoir achevé le cycle du primaire et au mieux celui du moyen, particulièrement chez les populations des zones rurales dans le côté nord de la wilaya de Sétif. Ce phénomène ne semble pourtant pas se limiter aux localités déshéritées puisque de, plus en plus d'enfants en bas âge s'affairent dans les marchés de proximité pour vendre des sacs en plastique, des cigarettes et d'autres objets d'usage courant après avoir perdu ce statut d'élève. De 12 à 16 ans, cette génération de damnés du siècle paye lourdement le tribut d'une conjoncture sociale et économique des plus complexes. Cependant, une enquête fait ressortir que les enfants de la région nord de la wilaya sont les plus exposés à cette forme de déchéance puisque 16 enfants sur 59 n'ont pas atteint le niveau de la 3è année moyenne, alors que 2% de la masse juvénile éprouve des difficultés à lire et à écrire. Pour des sociologues interrogés, ce nouveau phénomène a pour cause des considérations exogènes et endogènes. Pour la deuxième catégorie de causes il s'agit, entre autres, de la culture et de la tendance sociale qui caractérisent les habitants de la région du nord et de ces contrées où l'activité de base demeure l'élevage et le travail de la terre. Les parents préfèrent voir leurs enfants se consacrer aux travaux du sol où à l'élevage plutôt que de les voir occuper les bancs de l'école sans être à la fois sûrs de gagner un passeport pour l'accès futur au monde du travail. La gent féminine reste, cependant, la plus exposée à cette fatalité. Dans la région du nord, l'interruption du cursus scolaire de la fille est fixée, le plus souvent, à l'âge de 15 ans. Cela s'explique, nous dit-on, par la pratique des usages socio-traditionnels qui veulent que la jeune fille soit encline à être cloîtrée dans la maison, à l'abri des regards des hommes au moins jusqu'à l'âge de son mariage. «C'est une question d'honneur qui tient à coeur aux hommes berbères», nous expliquera le vieux Belkacem, 50 ans, père de 3 garçons et de 2 filles et dont un seul garçon fréquente encore l'école. Notre vis-à-vis soutient qu'il préfère inculquer à ses enfants l'amour du travail de la terre au lieu de les pousser à l'instruction. Les causes exogènes ont, pour leur part, trait au phénomène d'exode massif des familles vers d'autres lieux durant la décennie noire, les ayant acculées à interrompre le cursus de leur progéniture. Mais une autre réalité n'est pas, cependant, à écarter, il s'agit des conditions pénales qu'endurent les centaines d'écoliers au quotidien pour regagner leurs classes. Faute de transport, des milliers d'élèves sont contraints de parcourir à pied plusieurs kilomètres pour rejoindre leurs écoles. Mais si dans les zones rurales ce seraient des conditions, à la fois culturelle et sociale, qui stimulent l'abandon scolaire, dans les grandes agglomérations le facteur économique est en tête de liste des causes de ce phénomène. Souvent, les jeunes mômes que l'on croise dans les marchés et les souks de la ville, ont dû quitter les bancs de l'école pour aider leurs parents à surmonter les difficultés de la vie de tous les jours. A ce propos le jeune Rédha, vendeur ambulant de sacs en plastique nous dira «mon père est actuellement en chômage, suite à la fermeture de l'usine où il travaillait comme salarié; il ne perçoit que la somme de 7.000 DA que lui verse la CNAC, chaque mois. Je suis donc obligé de me débrouiller pour l'aider à subvenir aux besoins, de plus en plus croissants, de notre famille». D'autres jeunes qu'on a eu à interroger, préfèrent situer les raisons de l'abandon scolaire à des considérations d'ordre pratique. Pour ceux là, il suffit de constater le sort de ces centaines d'ingénieurs, de médecins et de licenciés, pour ne pas attendre de l'école grand-chose. Pour eux mieux vaut gagner de quoi pouvoir s'entretenir plutôt que de subir les affres du besoin sur les chaises de l'école. Pratiquement aucune statistique ne nous permet d'évaluer l'ampleur de ce phénomène mais il suffit de sillonner les rues pour voir qu'un plan social d'urgence est plus que jamais utile pour conférer, à la relève, des atouts pour mieux réussir l'avenir, au lieu de les voir livrer à eux-mêmes, sans la moindre idée des enjeux du futur.
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