Sujet pourtant très occulté par l'opinion publique qui série le phénomène dans le registre des tabous, les maladies et atteintes mentales sont devenues, aux yeux des spécialistes et praticiens professionnels, en regard de sa fulgurante augmentation, un véritable problème de santé publique et une sérieuse menace pour l'équilibre de la société. Selon les données statistiques, le nombre de personnes victimes de ce type de maladies a augmenté suivant une série géométrique. De 2005 à 2006, selon les données du registre des statistiques de la DAS, les cas d'atteintes mentales sont passées de 9.826 à plus de 12.000, autrement dit près de 2.174 nouveaux cas ont été comptabilisés en l'espace de 10 mois. Il reste à savoir que la majeure partie des personnes atteintes ou souffrant de troubles mentaux ne se font pas systématiquement portées sur ce fameux registre de la DAS et préfèrent suivre une thérapie chez des psychologues et psychiatres exerçant le plus souvent en dehors de leur ville de résidence et d'autres se confinent dans l'isolement loin des regards des autres. A ce sujet, Dr Mabrouk Laoudj, psychologue clinicien diplômé de l'université de Grenoble II, précise que les atteintes mentales se scindent, en règle générale, en deux classes: les maladies dites légères qui se manifestent par l'acceptativité» du sujet touché de la thérapie et les maladies dites lourdes, cas où le sujet atteint refuse catégoriquement la thérapie. Cette dernière classe, étape où le malade atteint le stade de la psychose, le sujet atteint refuse même de reconnaître sa maladie dans le milieu hospitalier, les malades ne se reconnaissent pas malades, ils préfèrent systématiquement être considérés comme personnes enlevées, victimes de sorcellerie, victimes d'un complot et le plus souvent comme victimes à une manipulation émanant d'une force occulte», dira le docteur M. Laoudj et d'ajouter «à défaut de prise en charge et/ou de suivi rigoureux, les atteints par les maladies mentales dites légères finissent toujours par choir dans la psychose». L'analyse des données du registre des statistiques de la DAS démontre que plus de 2/3 des personnes répertoriées sont celles de la 1ère classe. Et que ce lot, 65% sont des personnes dont l'âge varie entre 20 et 43 ans. Par ailleurs, 36% des sujets sont de la gent féminine dont plus de 50% sont des femmes mariées. Selon une enquête qu'on a menée auprès de 4 psychiatres installés dans le chef-lieu, une moyenne de 105 nouveaux cas sont enregistrés, chaque semaine. Les cas de dépression occupent systématiquement le premier rang. Concernant le cas de ceux qui préfèrent taire leur maladie ou à s'isoler, le docteur Laoudj argumentera «nombreux sont ceux qui définissent socialement la maladie mentale en terme de folie bien que le fou c'est celui qui a tout perdu sauf la raison». Cette appellation, comporte au sens social, un caractère de dénigrement et de dévalorisation pour la personne atteinte et très souvent pour les membres de sa famille qui pourrait expliquer la tentation des nombreux sujets à ne pas divulguer leur atteinte. Mais qu'es-ce qui explique cette montée vertigineuse des cas d'atteintes et quels sont les moyens à mettre en oeuvre pour en venir à bout? Pour le docteur Laoudj, pour saisir le phénomène il est utile de définir la maladie mentale et sa genèse, en effet, dira-t-il «il y a, en fait, trois grands courants qui postulent à une interprétation rigoureuse de la maladie mentale. D'une part on trouve la théorie dite «mécano-organiciste» qui renvoie l'interprétation de la maladie mentale aux désordres biochimiques et lésionnels survenus sur l'organe noble de la pensée à savoir le système nerveux central. La théorie psychologique qui conçoit que la genèse des pathologies mentales est due aux difficultés existentielles et aux rapports relationnels dysfonctionnels au sein des groupes sociaux qui génèrent par conséquent des maux sociaux telles que la précarité, les addictions, la délinquance... etc. Et enfin, théorie psychanalistique de l'inconscient pathogène avance que toute pathologie mentale est formellement le fruit d'un désordre dans l'appareil psychique de l'être en tant que sujet parlant». Les maux sociaux, les échecs, le manque de perspectives qui entraînent la peur de l'avenir sont, d'après notre interlocuteur, certes, des causes qui poussent à la dépression chez de nombreux patients. Cependant, explique-t-il il suffirait de remonter dans l'histoire de la société pour appréhender que les conditions de la voie, oscillant entre la précarité et l'analphabétisme, ne justifient point la maladie. Les gens, dans leur majorité, étaient durant l'ère post-coloniale, assez pauvres et n'avaient, de surcroît, aucune idée du devenir qui les attendait mais la cohésion sociale, la sainteté qui caractérisait le système relationnel entre les personnes, la simplicité et autres facteurs avaient joué le rôle d'immunitaire contre les maladies mentales. C'est comprendre des déclarations du Dr Laoudj, que l'effritement de la société, la concurrence effrénée en matière de réussite matérielle, la déstructuration sociale, facteur de dépaysement naît de l'exode et d'un aménagement incohérent, et enfin l'éloignement par rapport aux repaires sociaux sont les autres causes qui favorisent la prolifération de cas de dépression. Selon les mêmes précisions fournies par notre interlocuteur dans les cas de dépression, lesquels se manifestent sous les signes symptomatiques comme la tachycardie, les maux céphalées, le tremblement des extrémités... etc, les sujets atteints s'orientent à 80% vers le médecin généraliste. A Sétif, les structures pour la prise en charge des malades mentaux se comptent sur le bout des doigts et le personnel médical et paramédical fait gravement défaut, l'hôpital psychiatrique d'Aïn Abessa, l'unique dans sa vocation est devenu, aujourd'hui, incapable de couvrir 30% des besoins réels. D'où l'urgence de construire de nouveaux hôpitaux.
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Posté Le : 27/11/2007
Posté par : sofiane
Ecrit par : Z S Loutari
Source : www.lequotidien-oran.com