Mascarade - Des hommages sont rendus depuis quelques années par le ministère de la Culture, en collaboration avec l'Office national des droits d'auteur, en l'honneur des artistes.
Cette initiative est certes louable, car il s'agit d'une marque de reconnaissance envers tous ces artistes, ces chanteurs et chanteuses de l'ancienne génération qui, par leur riche répertoire, ont marqué et assuré, tout au long de leur carrière, la scène musicale algérienne.
Ces femmes et ces hommes ont, en effet, par leur talent inégalé, apposé à jamais leur nom dans l'anthologie de la musique algérienne, contribuant ainsi à enrichir et diversifier la culture algérienne, des noms devenant désormais un legs, un patrimoine, une mémoire culturelle collective à entretenir. Mais ces hommages illustrent-ils vraiment une reconnaissance envers ces artistes ' Si le ministère de la Culture se soucie d'honorer les artistes, ne serait-il pas préférable de le faire comme il se doit, en reconnaissant une fois pour toutes, leur statut d'artiste ' Un statut leur assurant, à coup sûr, un respect moral et une protection matérielle.
Nombreux sont ceux qui se sont retirés humblement du paysage musical et nous ont quittés dans l'anonymat et dans l'indifférence totale, parfois dans la souffrance, parfois dans le dénuement, laissant derrière eux comme seul legs leurs enregistrements.
Même chose pour les artistes qui sont encore vivants : ils sont oubliés, ignorés, n'ayant aucune garantie leur assurant une vie descente, égale à leur talent, digne de leur carrière. Ils ont donné, ils se sont dévoués, sacrifiés. Et en retour : rien hormis l'indifférence et le mépris. Ils ne bénéficient même pas d'un statut d'artiste leur assurant une sécurité matérielle et une protection morale. La plupart vivent dans l'oubli et la pauvreté.
Souvenons-nous de Begar Hadda, cette sublime chanteuse et interprète du chant bedoui qui, durant toute sa regrettable vie, avait tant donné à la culture algérienne. Elle s'est imposée en poursuivant le chemin tracé par le grand Aïssa Djermouni. Considérée comme une citadelle de la musique chaouie, elle a vécu ses derniers jours, après une carrière de plus de 50 ans, dans l'adversité totale, la misère et la maladie, carrément oubliée ou simplement ignorée par tous. Elle a fini mendiante et à moitié folle. Souvenons-nous aussi d'Ahmed Wahbi, auteur, compositeur et interprète, ayant un parcours fabuleux dans le monde de la chanson durant 40 ans. Il n'a été décoré de la médaille «Achir» que lorsqu'il était sur son lit d'hôpital. Sur le petit écran, les téléspectateurs ont découvert un homme affaibli, amaigri, méconnaissable...Il s'éteindra quelques mois après, le 29 octobre 1993, à l'âge de 71 ans. Et ce ne sont là que quelques exemples. D'autres artistes et ils sont nombreux, ont vécu et continuent de vivre les affres de la misère.
- Ces hommages consistent à se rappeler, le temps d'une soirée, l'artiste en question, en revenant, via une projection vidéo, sur sa vie et sa carrière ; d'autres artistes, entre autres ceux de la nouvelle génération, lui rendent hommage en reprenant quelques chansons de son répertoire, d'autres rapportent des témoignages, des anecdotes le concernant, et à la fin on lui remet un trophée et des fleurs s'il est vivant, sinon ce sera à un proche de la famille. Sans oublier, bien entendu, un petit bonus : un chèque d'un montant susceptible de le consoler. Ces hommages s'apparentent ainsi à une mascarade, de la poudre aux yeux, parce qu'après la soirée qui aura été consacrée à l'artiste et durant laquelle toute l'attention lui aura été portée, le rideau tombera, les projecteurs s'éteindront, le public qui l'applaudissait s'en ira ; l'artiste retourne, à son grand regret, à sa triste réalité, à son quotidien, souvent dure et navrant, jalonné de toutes sortes de soucis, dont les difficultés financières. Dans bien des cas, son 'uvre fait, sans scrupule ni la moindre conscience, l'objet de piratages. Et aucune des autorités concernées n'agit pour mettre fin à cette situation déplorable, pathétique. L'artiste continue de souffrir seul et dans l'oubli de tous.
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Posté Le : 18/02/2013
Posté par : presse-algerie
Ecrit par : Yacine Idjer
Source : www.infosoir.com