Algérie

Séparer le spirituel du temporel


Implorer Dieu est un exercice quotidien dans les sociétés musulmanes. Il est vrai que tous les hommes, sans distinction de race ou de religion, s'adressent dans les moments difficiles au Maître de l'univers pour requérir réparation et soulagement. Mais dans les pays arabes, cet ultime recours au Seigneur se fait plus insistant et plus entêté que partout ailleurs. Croyant pertinemment à la puissance divine, la communauté de l'Islam se tourne opiniâtrement vers le Créateur. Faute d'une justice efficiente et de services publics performants, les musulmans ont souvent tendance à prendre leur frustration en patience en se remettant à Allah. Cette foi apparemment inébranlable, inspirée souvent par des contingences bien concrètes, est aussi l'apanage des Etats et des organismes publics. Dans la lutte contre les fléaux sociaux, les imams sont souvent instruits pour aborder tel ou tel sujet d'intérêt général afin d'inciter les croyants à s'en prémunir. En Algérie, on a eu droit à des prêches passionnants contre le terrorisme, le suicide, la prostitution, la drogue, la corruption, la pollution et un tas d'autres maux qui rongent le pays. C'est incontestablement une bonne chose que la maison de Dieu se soit mobilisée pour aider les hommes à s'en sortir ici-bas avant le salut dans l'au-delà. C'est dire la place qu'occupe le prédicateur dans le c'ur des Algériens. Dans les villages comme en ville, le serviteur du Tout Puissant est vénéré. Tout le monde, grand et petit, respecte le Cheikh et voit en lui un modèle en matière de rectitude morale. Pour tout dire, c'est lui le moraliste ! Quand on n'arrive pas à saisir la portée d'une action projetée, on requiert son exégèse. Pour un mariage, sa «bénédiction» est requise même dans la loi. Pour un enterrement, sa prière est indispensable. Certains vont même plus loin en sollicitant son concours pour remédier aux troubles du sommeil, apaiser un enfant capricieux ou bénir une acquisition. La mosquée est, pour ainsi dire, une haute institution dans le subconscient collectif. On la couvre d'offrandes et de dons. Dans tous les hameaux d'Algérie, les gens se précipitent pour offrir un terrain d'assiette à sa construction et tout le monde, riche et pauvre, contribue financièrement à sa concrétisation. La mosquée est une maison commune. Un lieu sacré.
Cette pureté, qui procure tant de réconfort, commence cependant à perdre de son éclat. Les scabreuses affaires impliquant des imams entachent cette institution spirituelle. Dans un passé récent, la presse a révélé des cas de pédophilie, d'adultère et sorcellerie mettant en cause des prédicateurs. Récemment encore, dans une commune de la vallée de la Soummam, à Béjaïa, deux imams ont détourné à leur profit personnel un don de 1 000 euros chacun, 'uvre de charité d'un émigré de la région. Le premier, faisant acte de repentance, a reconnu les faits. Il fut radié. Le second a nié en bloc et fut simplement muté. Des histoires comme celle-là, il en y a certainement d'autres. Aux dernières nouvelles, c'est le directeur des affaires religieuses de la wilaya d'Alger qui se serait laissé prendre en flagrant délit de corruption en acceptant une enveloppe «suspecte» de 800 euros. Vendre sa foi pour si peu ! C'est un geste, qui non seulement heurte les bonnes consciences, mais ébranle aussi la foi de beaucoup d'Algériens qui portent les imams en haute estime. Dieu a toujours choisi ses élus parmi les plus pauvres pour justement les mettre à l'épreuve de la tentation.
A l'ère du roi marché, cet attrait se fait encore plus fascinant. C'est pourquoi, il serait impératif d'en préserver la religion en l'éloignant de la gestion des affaires temporelles. Pour cela, l'imam ne doit pas inspecter un chantier ou recueillir des dons. Il y a plus compétent que lui pour ce boulot.
K. A.
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