Algérie

Sénégal: A Touba, des milliers de cartes d'électeurs en déshérence avant le vote


« Les gens tardent à venir», constate à Touba (centre du Sénégal) Pape Saliou Loum en regardant sur une table devant lui près de 1.400 cartes d'électeurs non retirées, juste avant la présidentielle sénégalaise, une situation courante dans cette ville religieuse. Pape Salioum Loum et son assistant El Hadj Guèye avaient reçu début janvier 2.275 cartes d'électeurs à remettre à leurs propriétaires, expliquent à l'AFP les deux hommes, debout sous un arbre à Touba Darou Khoudoss, où est installé le plus grand centre de retrait de cartes de la ville, à l'occasion de la visite, jeudi, du chef des observateurs électoraux de l'Union européenne (UE), Thijs Berman. «Les gens tardent à venir. Jusqu'à maintenant, on a donné au total 894 cartes», affirme Loum, convaincu qu'il y aura une forte affluence jusqu'à samedi, veille du vote et dernier jour pour le retrait des cartes. «Les Sénégalais ont l'habitude d'attendre jusqu'au dernier moment pour réagir», déclare Aliou Touré dit Baye Fall Touré, coordinateur des 19 commissions de distributions installées en plein air et dans l'enceinte de bâtiments officiels, qui espère atteindre samedi «entre 40 et 45%» de cartes retirées.

Pour l'ensemble de Touba - environ un million d'habitants dont 223.881 électeurs inscrits -, le taux de cartes d'électeurs effectivement retirées tournait autour de 49% selon les données disponibles jeudi, d'après Mamadou Mbacké Fall, sous-préfet de Ndame qui coiffe la ville. Cette situation «n'est pas à l'image du pays entier» car à Touba «il y a eu beaucoup de nouvelles cartes d'électeurs à distribuer», souligne le député européen Thijs Berman. Le ministre sénégalais chargé des Elections, Cheikh Guèye, a affirmé jeudi à Dakar qu'il restait à distribuer «469.122 cartes», représentant près de 9% des quelque 5,3 millions d'électeurs inscrits dans le pays et à l'étranger. Touba, fief de l'influente confrérie des mourides - une des principales communautés musulmanes du pays -, a fait l'objet récemment d'un découpage territorial, ayant pour conséquence le changement de circonscription électorale pour des dizaines de milliers d'électeurs. Il a fallu confectionner de nouvelles cartes, pour remplacer celles utilisées pour les présidentielle et législatives de 2007 et les municipales de 2009.    

«ACHAT» DE CARTES

Dans deux communiqués récents, la mission d'observation électorale de l'UE (MOE UE) au Sénégal avait regretté la non-publication «des états de distribution, suffisamment détaillés pour distinguer, par collectivité locale, le nombre de cartes d'électeurs effectivement distribuées, produites avant 2010, en 2010 et en 2011". Pourtant, l'Etat n'a pas ménagé ses efforts pour sensibiliser les électeurs, assure Mamadou Ibrahima Lô, gouverneur de la région de Diourbel, où est située Touba. En plus des campagnes médiatiques, «60 commissions (de retrait de cartes) ont été installées à Touba, ce qui est exceptionnel. Même la région de Dakar n'a pas autant de commissions», précise-t-il.

Mame Amy Dème, 42 ans, est venue récupérer sa carte jeudi à Touba Darou Khoudoss. «Ce n'est pas compliqué, je n'en avais juste pas eu le temps», dit cette grande femme en boubou et châle colorés. Outre les cartes non retirées, des acteurs politiques nationaux se sont inquiétés de possibles pratiques frauduleuses, pour empêcher des électeurs de voter ou détourner leurs voix. Des jeunes soutenant un candidat opposant ont accouru jeudi au domicile du calife général des mourides où se trouvait Thijs Berman pour lui montrer des «preuves»: dans un petit sachet noir, des dizaines de cartes d'électeurs «achetées», selon eux, à leurs détenteurs par des partisans d'un candidat adverse. D'après un des jeunes, Abdou Lahad Seck Sadaga, des «acheteurs» découverts le 21 février dans le quartier Guédé de Touba les ont laissé tomber dans leur fuite, «elles ont été payées entre 2.000 et 3.000 FCFA (entre 3 et 4,6 euros)».


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