Algérie

Seide Errojala du théâtre El Belliri : Don Quichotte « dyalna »



Seide Errojala du théâtre El Belliri : Don Quichotte « dyalna »
Et, à bien scruter les plans, leur traitement défilant un à un sur scène, une heure trente durant, dans la pleine pénombre d'un décor sommaire et son petit peu de clarté, parfois celui de la chandelle même, l'époustouflant Wahid Achour, en qui le premier rôle a trouvé brillant preneur, Seïde Errojala de la mancha - l'on ne sait d'ailleurs de quelle grotte secrète Khaled Cervantès nous a sorti ce fieffé-là ' - ouvre un synopsis sur lequel il ne faudrait pas vite tomber le rideau. Tenez-vous bien, la trame retient l'haleine pour sûr, l'intrigue tient d'un bon soupçon pince-sans-rire, de la musique, du chant et de la danse, la chorégraphie est d'une gestique joyeuse et toute brouillonne, parfois burlesque, gauche, ou sinon sereine, mais qui emplit bien toute la scène. Pour ceux qui pensent le théâtre d'aujourd'hui, même timide sur certains plans, ce petit scénario, tout frêle, tout léger, arrive d'une théâtralité qui ne prétend pas au pouvoir du magnétisme, à la force de récurrence et à tout le transport que procure justement le théâtre. Optant pour une immersion singulière dans ce fatras qu'est notre imaginaire collectif, scénarisé au cliché du présent, de la réalité d'aujourd'hui, sa théâtralité naît de la vie au théâtre, de la vie du théâtre, du jeu, le je, inséparable du reste de la vie, tout le reste, oui. De l'avis et des vivats nourris de ceux qui étaient présents en avant-première de la représentation donnée jeudi passé au TR Constantine, la pièce vaut son pesant d'intérêt. Et pour être des nôtres, Don Quichotte dyalna, brinqueballant son compère Trano, le sancho Pança local, rôle campé par Hamoudi Hamza, s'en va en guerre, emmitouflé dans sa rotonde vert militaire, il bat la mesure, un gourdin de pèlerin à la main pour guider son chemin - dire que les temps se font durs. Ne voilà-t-il pas que déjà parmi nous il veuille tout de suite repartir, mettre les voiles. Don Quichotte dyalna serait-il déjà un harrag, comme les nôtres, ici devenus les siens ' En bon justicier, redresseur de torts, il s'en va, sa dulcinée plus que jamais au c'ur, guerroyer contre la bêtise humaine, la racaille. K. Belhadj fait investir à son héros, Constantine, ses rues mal famées, ses quartiers chauds et ses douars alentours. La poétique du texte marque une verve-délire, sustentée à l'accent fort prononcé du personnage (dialecte de la région d'El Milia-Hrika-), résonance d'une réduction qui, dans le vrai à ce jour, opère tout. Ceux qui lui sont assimilés sont taxés d'un arrivisme obsessionnel. « Dis-moi Trano, que peuvent bien penser de mes exploits et de mon aura les braves gens de notre bled ' » « Pardonnez-moi maître, sans vouloir vous fâcher, ils rient de vous, vous prennent pour un fou ('). » Entre le mensonge tiède de notre vécu et la vérité brûlante de nos méninges, l'adaptation de Khaled Belhadj, loin d'être un caprice, n'en est pas pour autant une folie, un pari à voir donc, pour croire qu'il est juste réussi. Très attendue, la pièce sera bientôt au TNA pour la générale.


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