L'expert international en gestion des risques, Seddik Larkeche, affirme que l'Algérie a la possibilité de rapatrier «les sommes d'argent assez importantes qui lui ont été dérobées».Invité par la radio Chaîne 3, l'expert international a conditionné cette opportunité de retour des fonds détournés par la ferme détermination de les recouvrer en réclamant l'application des conventions internationales dont elle est signataire. «Il s'agira d'un enjeu majeur pour le futur de l'Algérie.
La récupération des avoirs illégalement détenus par les prédateurs sera possible si l'Algérie le souhaite. La question est de savoir si l'Algérie le souhaite vraiment ' Tout le monde sait qu'il y a un certain nombre d'acteurs, y compris au sein du pouvoir qui ont des accointances avec ces prédateurs», indique Seddik Larkeche qui estime l'argent détourné à 100 milliards de dollars. «Le volume des commissions sur le marché international se situe entre 4 et 10%.
Lorsque l'on analyse les flux des transactions durant les 20 dernières années, on peut aisément estimer l'enveloppe globale à pas moins de 100 milliards de dollars», note l'invité de la radio.
Les pays où se trouvent ces fonds détournés sont, selon le même expert, la France, la Suisse, l'Espagne, les Emirats arabes unis. «Le poison de la corruption a des ramifications en interne mais également à l'international où des acteurs en présence ont été capables de se replier sur des bases arrière, en particulier en France et où un certain nombre d'acteurs et d'intermédiaires ont pu trouver refuge et engranger, gérer et digérer ces sommes colossales spoliées à l'Algérie», précise encore l'analyste en notant qu'entre ces pays et l'Algérie des conventions fiscales existent et il suffit que l'Algérie émette le souhait de récupérer son argent.
«Est-ce que l'Algérie est capable d'engager un processus de récupération de ces sommes colossales ' Je dirais de manière sereine et dépassionnée bien sûr que oui, mais elle doit montrer une volonté politique ferme pour le faire.» Seddik Larkeche évalue les sommes à récupérer du sol français à pas moins de 10 milliards de dollars.
L'expert considère qu'une bourgeoisie industrielle et commerciale s'est constituée des fortunes durant les 20 dernières années et même durant les années 90? «en ayant une captation sur la rente, les importations et les monopoles d'importations».
Le phénomène de la corruption qui a pris des niveaux exponentiels durant les 20 ans écoulées n'est pas nouveau, dit-il.
«Depuis que l'Algérie est indépendante, le pays est entré dans une démarche d'importations massives. Sous l'ère Boumediène, on a vu l'apparition dans les années 70? des premiers intermédiaires qui s'ingéraient dans les transactions internationales et captaient des surfacturations et des commissions internationales sur le dos de l'Algérie. Malgré la loi promulguée en 1978 sur le monopole de l'Etat sur le commerce extérieur, les commissions et surfacturations n'ont pas cessé et ont même été grandissantes, notamment sous l'ère Chadli, durant la décennie noire, et sous la gouvernance Bouteflika de manière totalement exponentielle. Parce que chaque fois que l'Algérie disposait de capitaux importants pour ses importations, cela générait l'apparition d'acteurs s'ingérant dans les transactions et captaient des parts non négligeables de ces opérations avec des niveaux allant de 3 à 7% de commissions sur chaque opération ou transaction.
Ce qui a valu à l'Algérie d'avoir la réputation au niveau international d'être un des plus grands pourvoyeurs d'intermédiaires locaux, mais aussi internationaux.» Seddik Larkeche se félicite du processus enclenché par la justice pour lutter contre la corruption et estime qu'il faut gérer ce poison de manière sereine et transversale, même si ça peut prendre du temps. «L'enjeu principal est de passer d'un ancien régime à un nouveau régime.
Lorsque la justice a les coudées franches, ça donne de l'espoir, le processus est enclenché, ça ne doit pas être facile, car il faut imaginer les pressions internes et même celles venant de l'extérieur. Il ne faut pas aller vers une chasse aux sorcières, mais un véritable processus dont la ligne directrice est le droit mené par une justice indépendante», soutient l'invité de la radio en se disant favorable à une transition qui aura pour maître-mot la primauté du peuple. «La question de la transition est une question de fond ; soit on va vers une forme d'autoritarisme avec une transition imposée, ou bien vers une transition négociée avec les acteurs les plus à même de construire un projet pour l'Algérie.
C'est cette deuxième option qui est la plus sage», estime M. Larkeche en notant qu'il faut aller vers des élections libres pour élire d'abord des représentants du peuple, qui à leur tour vont organiser une élection présidentielle et un débat autour du projet de société de la Nouvelle Algérie. L'armée aura pour devoir d'accompagner le processus sans s'immiscer dans le choix du peuple.
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Posté Le : 29/05/2019
Posté par : presse-algerie
Ecrit par : Nadjia Bouaricha
Source : www.elwatan.com