Algérie

Sécurité gazière: les mises en garde de Ould Kaddour



En replaçant les choses dans leur nouveau contexte, on découvre une Algérie libérée de l'emprise européenne en matière d'exportation du gaz«Sonatrach n'est pas restée les bras croisés et a anticipé la mise en place d'une stratégie commerciale pour diversifier ses débouchés.»
Deux faits importants sont à retenir du forum algéro-américain sur l'énergie qui s'est tenu avant-hier et hier à Houston. Il y a d'abord la proposition très officielle américaine, émanant d'une responsable du département d'Etat américain, Sandra Oudkirk. Il s'agit de monter un partenariat avec l'Algérie pour assurer la sécurité des approvisionnements en gaz de l'Europe. Il y a ensuite l'étonnante sortie du P-DG de Sonatrach qui a remis les pays d'Europe à leur place en ce qui concerne l'approvisionnement du Vieux Continent en gaz algérien.
A la veille de la renégociation de contrats de vente entre l'Algérie et ses clients européens, Abdelmoumen Ould Kaddour a sorti la «grosse artillerie», histoire de dire que les pays européens qui ont totalement libéralisé le marché du gaz ne sont pas en position de force, comme ils croient l'être. L'Algérie a aussi ses cartes à jouer et ce stratégique partenariat proposé par l'hyperpuissance américaine n'est pas des moindres.
En replaçant les choses dans leur nouveau contexte, on découvre une Algérie libérée de l'emprise européenne en matière d'exportation du gaz grâce notamment à l'acquisition de méthaniers et l'élargissement de sa «carte clientèle» vers l'Asie. Cette ouverture tout aussi stratégique de l'Algérie dans le sens de la diversification de ses partenaires, tant dans l'amont et l'aval que sur le marché gazier, justifie amplement le ton sévère du P-DG de Sonatrach à l'endroit de ses clients du Vieux Continent. «Les Européens ne sont pas très clairs, un jour ils sont pour des relations à long terme pour pouvoir assurer la sécurité de l'approvisionnement et un autre jour ils demandent à libérer le marché», a déclaré Ould Kaddour, mettant en exergue l'inconséquence d'une Europe qui veut faire de l'Algérie une «réserve» en cas de coup dur, mais sans rien payer en retour.
Cette exigence de sécurité s'est faite plus insistante depuis le conflit gazier russo-ukrainien. Cela replace l'Algérie au centre de l'enjeu stratégique, mais pour l'Algérie, les Européens continuent d'émettre «des conditions inacceptables, il faut qu'ils sachent ce qu'ils veulent exactement», explique Ould Kaddour, comme pour dire que la donne a changé et les contrats doivent suivre. «Ils ne veulent plus de contrats à long terme, ils veulent un marché libre: acheter du gaz quand ils sont en situation de difficulté par rapport à l'approvisionnement de la Russie. Mais quand la situation est plus favorable ils ne veulent plus de notre gaz», a-t-il relevé, insinuant clairement que cela ne se fera pas comme ils le voudraient. Et pour cause, «Sonatrach n'est pas restée les bras croisés et a anticipé la mise en place d'une stratégie commerciale pour diversifier ses débouchés», a-t-il expliqué.
«L'investissement dans les méthaniers coûte cher, mais permettra au groupe de placer son gaz ailleurs qu'en Europe», a prévenu le P-DG du groupe pétrolier national, soulignant: «On n'est pas resté sur le même schéma. On a d'autres possibilités qui nous permettent de voir ailleurs». Aux Européens de prendre leurs responsabilités.
Il reste que cette mise en garde ne vaut pas pour quelques clients du Vieux Continent qui ont émis le voeu de renouveler certains contrats à long terme et qui sont toujours en vigueur. Mieux encore, «nous avons la possibilité de continuer avec certains clients européens sur le long terme», a rassuré Ould Kaddour. Quant à ceux qui tiennent à «leurs achats à la carte», le premier responsable de Sonatrach a évoqué de nouveaux débouchés pour le groupe en Asie comme la Corée du Sud, qui constituent les premiers résultats du groupe dans sa quête vers des marchés valorisants.
Il faut savoir enfin que Sonatrach est le deuxième plus grand fournisseur de l'Europe en gaz après Gazprom. La compagnie nationale alimente le continent via trois gazoducs transcontinentaux avec deux (Pedro Duran Farell et Medgaz) reliant l'Algérie à l'Espagne et un troisième (Enrico Mattei) reliant l'Algérie à l'Italie via la Tunisie.


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