Algérie

Sécurité alimentaire : le défi ou la résignation



Publié le 06.07.2023 dans le Quotidien d’Oran

par Amar Tou



Nul discours politique n'est exempt de l'engagement de garantir, à des échéances plus ou moins précises, l'autosuffisance ou sécurité alimentaire d'un pays là où elle ne l'est pas. En Algérie, cette préoccupation est majeure.

De nombreux programmes lui ont été consacrés sans atteindre un niveau critique de succès et ce, en dépit de résultats raisonnablement appréciables, mais non sécurisants, en matière de production agricole qui est passée, de l'équivalent dollar, de 5,78 milliards de dollars en l'an 2003 à 25,6 milliards de dollars en 2021 (1) et à 35 milliards de dollars en actuellement, niveau qu'a annoncé le Président de la république lors de sa rencontre avec des organes de la presse nationale de mai 2023.

L'engagement solennel pris par le président de la République devant les assises agricoles tenues à Alger en février 2023, pour réaliser pleinement cet objectif (de sécurité alimentaire), s'en distingue par sa fermeté en prenant le risque courageux de fixer son échéance à l'horizon 2025. Gage fort ambitieux mais, également, fort mobilisateur, même s'il déclasse l'ambition modérée du ministre de l'agriculture dans sa déclaration à la télévision en janvier 2023 qui situe à 50 % des besoins de blé tendre de l'Algérie à importer actuellement; les besoins en blé dur étant couverts à 90/95 % par la production nationale, assura-t-il.(2)

Le semblant de bémol modérateur, à peine perceptible, que le président de la République parait avoir élégamment introduit au sujet de l'objectif du blé tendre lors de sa rencontre avec les organes de la presse nationale ci-dessus rappelée, n'enlève rien à la stratégique ambition en matière de sécurité alimentaire qu'il a fixée à l'horizon 2025.

La rencontre organisée à Alger durant la semaine commençant le 28 mai 2023 avec la participation d'une douzaine de pays arabes et de spécialistes du dossier s'y rapportant, tous soucieux de la sécurité alimentaire dans le monde arabe, vise, entre autre, à proposer les voies et moyens théoriques et pratiques pour la concrétisation de ce vital objectif. Nous tenterons, ici, d'en vérifier les facteurs de réussite mais aussi les forces du mal qui ne manqueraient pas de s'y opposer.

Dans le discours politique officiel en Algérie, l'autosuffisance alimentaire concerne le blé dur, le blé tendre et leurs dérivés (semoules, pâtes alimentaires, couscous, farine panifiable), la pomme de terre, les viandes (viande rouge, viande blanche et œufs), les laits, l'huile de table (végétale et alimentaire) et le sucre.

Durant les années 1970/1980 et dès le début des années 2000, des tentatives, plus ou moins rigoureusement organisées, portant sur des produits classés stratégiques et faisant partie du concept de l'autosuffisance alimentaire recherchée, n'ont pu atteindre cette préoccupation troublante, pourtant constamment érigée en objectif stratégique.

A cet effet, nous rappellerons deux initiatives majeures : (a) l'initiative de réduire de la consommation du blé tendre parce que ne faisant pas partie des habitudes ancestrales de consommation de l'Algérien mais d'une habitude ramenée et ‘'imposée'' de fait, par le colonisateur et ; (b) la conception et la mise en œuvre d'un Plan National de Développement Agricole (PNDA) pour couvrir par la production nationale les produits stratégique que rangeaient les pouvoirs publics dans le concept d'autosuffisance alimentaire.

1- L'initiative de réduire la consommation du blé tendre

Une tentative avortée de réduire la consommation exagérée du blé tendre, impact d'habitude fortement aiguisée par les du colonisateur où le blé tendre est largement prédominant à la production et à la consommation. En Algérie indépendante, le blé tendre est, à majorité, largement importé. La farine qui en est extraite est totalement destiné à la panification (fabrication du pain ‘'boulanger'' dit pain français) ; la farine dite supérieure destinée à la préparation de gâteaux étant relativement très marginale. Cette tentative (de réduction de la consommation du blé tendre) fut initiée à la fin des années 1970 et au début des années 1980, conjointement par l'industrie et par l'agriculture, à travers leurs entreprises (sociétés nationales industrielles et Office Interprofessionnel) directement concernées mais à conviction disparate. (3)

Durant la deuxième moitié de la décennie 1970, l'Algérie découvrit sa grande dépendance de l'agriculture française en matière de blé tendre, tout particulièrement. Les habitudes de consommation des habitants des villes algériennes se découvrirent fortement marquées par la consommation du «pain français» ou « baguette de pain ‘'boulanger ‘' » à la française ; l'Algérie étant majoritairement et définitivement urbanisée depuis l'exode rural des années de plomb de 1990 comme conséquence de l'exode massif des populations des campagnes vers les villes sous la menace terroriste de la décennie noire.

Même les habitants de la campagne suivirent démesurément cette habitude. Celle-ci conduisit, progressivement ces habitants à changer d'habitude au profit de ‘'la baguette à la française'' en remplacement du pain très diversifié à base de semoule dérivée du blé dur plus répandu historiquement en Algérie ; car plus compatible avec le climat du pays et de rendements meilleurs, même si le taux d'extraction y est inférieur de plus de 22% à celui de la farine panifiable extraite, elle, du blé tendre.(4) Les importations des deux variétés de blés ainsi que celles de leurs dérivés, en farine et en semoule, atteignirent durant les années 1975-1985 des niveaux records ; le déficit national en capacités de trituration (de mouture) aidant, en dépit de l'effort exceptionnel consenti en la matière durant la décennie 1970-1980 où quelques 4500 tonnes/jour de capacités de trituration supplémentaires furent mises en production par effort colossal d'investissement.

Le plan d'investissement engagé par l'Entreprise Nationale monopolistique, alors, des dérivés des céréales ou industrie meunière (SN SEMPAC), à compter de la deuxième moitié des années 1970 dans le cadre de la forte industrialisation du pays, réduisit considérablement la dépendance du pays en matière de capacités de trituration des blés. Les investissements privés nationaux dans le domaine, après le démentiellement du monopole de l'Etat sur l'activité, consolideront ces capacités de trituration avec, néanmoins, beaucoup d'excès pénalisants des investisseurs et des finances publiques, en dégageant des pertes sèches sous forme de surcapacités industrielles de trituration des blés. C'est un effort d'investissement (des années 1970) qui vit toutes les régions du pays en recevoir des parts indéniables en matière de capacités de trituration en coopération avec les plus prestigieux équipementiers allemands, suisses et italiens avec, comme mesure d'accompagnement, la réalisation et l'ouverture de la référentielle Ecole Meunière de Blida. Malheureusement, l'usine naissante de la fabrication de la partie essentielle de ces équipements de Soumâa-Blida qui en est le fruit, fut détruite par des actes terroristes durant les premières années de la décennie 1990.

L'idée née pendant les années 1970 au profit d'une orientation des consommateurs algériens vers les dérivés du blé dur meilleur et historiquement plus produit en Algérie pour des conditions pédologiques et climatiques que le blé tendre qui était de plus en plus importé de France (l'idée de réduire la consommation du blé tendre), ne durera pas longtemps.

Vite, les dures et mauvaises habitudes revinrent à la consommation du pain ‘'français.'' L'échec d'une idée qui fut menée sans trop de conviction pour des intérêts multiples où l'on n'écarterait pas le lobby étranger pour beaucoup d'observateurs proches du dossier. L'avortement du modèle de développement de l'Algérie appliqué entre 1967 et 1978/1980 et les dérives économiques qui l'ont marqué jusqu'à l'effondrement de l'économie algérienne en 1986, emportèrent tous les espoirs de voir diminuer le rythme de croissance de la consommation du blé tendre et de son importation jusqu'à l'heure actuelle. La dépendance de l'Algérie des importations du blé tendre ne semble pas autoriser un infléchissement du seuil inquiétant de ces importations sauf un programme volontariste de grande envergure.

Dans l'intervalle, la crise que connait le marché mondial du blé tendre, essentiellement depuis 2022; tout particulièrement sous l'effet de la crise russo-ukrainienne, inquiète sérieusement, la sérénité des approvisionnements du marché algérien s'y attachant, y compris pour les dérivés qui en sont extraits (la farine panifiable pour la fabrication du pain dit normal). La Russie et l'Ukraine détiennent respectivement 13% et 3% des surfaces mondiales de blé, tendre essentiellement, et la Russie y est le premier exportateur mondial avec un stock actuel de l'ordre de 92 millions de tonnes, alors que, il y a tout juste moins de vingt ans, elle y était déficitaire.

La lecture des chiffres précédents, au regard de la production de l'Algérie en blé tendre, de ses importations en la matière et du partage de son marché en ce produit entre ses différent fournisseurs étrangers (une douzaine), complète bien la grille de lecture de la dépendance de l'Algérie du blé tendre importé et du pesant de ces importations sur sa sécurité alimentaire. D'autant que les habitudes de consommation semblent s'endurcir au profit du blé tendre avec un niveau d'importations de l'ordre de six millions de tonnes annuellement où la France occupe toujours la première place des fournisseurs (24% de part de marché) en dépit d'un recul de l'ordre de 10 % en 2021/2022 par rapport à la campagne agricole précédente aux nouvelles conditions d'importation des céréales introduites en novembre 2021 par l'Office Algérien Interprofessionnel des Céréales ( OAIC). Le restant est réparti entre l'Allemagne (23%), l'Argentine (16%), l'Ukraine (8%), la Russie (7%), la Pologne (7%), la Roumanie (6%) et 9% pour les cinq fournisseurs restants (le Mexique, le Canada, la Bulgarie, la Lituanie et la Lestonie).(5)

2- Le Plan National du Développement Agricole (PNDA)

C'est une volonté plus globale mieux structurée traduite dans une projection dite ‘'Programme National du Développement Agricole (PNDA) qui fut lancé en 2000, précédé ou suivi par d'autres initiatives complémentaires ou correctives de mêmes approches dont celles touchant à la nature juridique de l'exploitation des terres agricoles publiques et à l'organisation de la régulation de la production et de la commercialisation des produits agricoles. Mais le bilan de ce Plan est mitigé, voire assez controversé, en dépit de performances enregistrées en termes de valeur ajoutée de la production agricole globale, de la diversité des produits et de la couverture à 75 % des besoins nationaux en tous produits agricoles dont, en effet, la disponibilité sur le marché national pendant la pandémie Covid-19 (fin 2019) fin 2021) a agréablement bien surpris à l'intérieur comme à l'extérieur du pays.(4)

Ce sont des performances qu'il faut impérativement, par honnêteté intellectuelle, pondérer à la baisse en cours du parcours, par la perte des semences nationales pour beaucoup de produits agricoles, des semences nationales ‘'du terroir'' à l'exception de celle de la pomme de terre qui a nécessité 15 à 20 années de recherches pour sa réappropriation ainsi que celles d'une partie des semences du blé dur. Soit la substitution d'une dépendance par une autre plus accablante. Les cas de la perte des semences des légumes secs et des produits maraichers en sont édifiants !

En effet, les programmes identifiés dans le PNDA, à caractère stratégique, ont enregistré d'excellents résultats; tels ceux se rapportant à la pomme de terre y compris sa semence, au blé dur, aux viandes (rouges et blanches, œufs compris), aux produits maraichers, entre autres. L'Algérie n'y fait plus appel à l'importation qu'à titre d'appoint circonstanciel et limité, à l'image du blé dur et des viandes rouges.

L'Algérie s'est même permise, en dehors du caractère stratégique et devant la suffisance de la production nationale, de suspendre, l'importation de presque la totalité des fruits et légumes auxquels est traditionnellement habitué le consommateur algérien, même si à des moments de ‘'sutures'' saisonnières, la spéculation sur la disponibilité et sur les prix impose beaucoup de désagréments aux bourses des citoyens. Les fruits qui demeurent autorisés à l'importation sont ceux qui ne sont pas produits en Algérie ou des primeurs ou ceux dont la production nationale est insuffisante.

Mais il est retenu à la charge conceptuelle du PNDA l'intention qui avait été imprudemment affichée par les autorités algériennes, à l'appui du Plan National de Développement Agricole (PNDA), pour poursuivre la limitation du soutien des prix à la production aux seules céréales, pour réduire progressivement la charge budgétaire, semble avoir négligé, au-delà de son urgente utilité, l'incidence négative sur d'autres produits agricoles tels, essentiellement, les légumes secs (pois chiches, lentilles, haricots) qui seront, par réaction compréhensible, tout simplement abandonnés dans les plans de culture des agricultures au profit des importations dès les tout premières années de la décennie 2000, alors qu'ils continuent à constituer un apport alimentaire consistant de la majorité de la population algérienne. Ce sont des effets pervers d'un emballement non lucide qui connait actuellement (2020/2022/2023) des plans de rattrapage salutaire dans leurs énoncés en attendant leurs impacts réels sue le terrain de leur application. Cependant, les moyens juridiques qui concernaient le nécessaire lien des agriculteurs à la terre publique pour les mieux sécuriser en vue de stimuler leurs efforts d'investissement agricoles et accéder au crédit bancaire, furent subordonnés, dans la logique imprudente du PNDA, à une étude dans le cadre d'un crédit tutélaire de la Banque Mondiale dans le prolongement de l'esprit des conditionnalités ravageuses du rééchelonnement des dettes extérieures de l'Algérie, objet du mémorandum du 30 mars 1995 y afférent.(6)

Des promesses farfelues et des formules imprudentes de privatisation, de vente, de location ou de location/vente, furent annoncées, à cet effet. Ces vœux ne seront, toutefois, exhaussés qu'en 2010 en vertu de la loi 10-03 du 15 août 2010 fixant les conditions et les modalités d'exploitation des terres agricoles du domaine privé de l'Etat dans le prolongement du droit de jouissance pris et appliqué à partir de 1987 en vertu de la loi 87-19 du 8 décembre 1987 déterminant le mode d'exploitation des terres agricoles publiques consentant un droit de jouissance cessible et perpétuel.

Dans le sens du même esprit critique des griefs exprimés à l'égard du PNDA, nombreux sont ses programmes qui ont lamentablement échoué, rééchelonnant par conséquent, la dépendance de l'Algérie des importations de beaucoup d'autres produits jugés fort déterminants de la sécurité alimentaire du pays.

En plus du cas du blé tendre dont nous avons, ci-haut, largement traité, c'est le cas des laits sous la forme de poudre en raison du profond déficit national en lait cru de vache à la suite de l'avortement du programme de développement de la vache laitière à la ferme ou bâtiment d'élevage, au profit de la vache laitière à l'abattage. Des explications controversées en sont avancées. Des intérêts étroits et immédiats de personnes ou groupes de personnes auraient prévalu au détriment d'une vision d'intérêts nobles à long terme entrant dans le cadre du développement agricole du pays, dans le but d'atteindre une auto suffisance alimentaire confortable, vivement recherchée. C'est, aussi, le cas des huiles de table à base de graines oléagineuses qui sont, à ce jour, encore totalement importées. C'est, enfin, le cas du sucre blanc obtenu par raffinage de sucre roux, également encore en totalité importé. C'est dire pourquoi cette dépendance, vis-à-vis de l'importation, semblait, jusqu'à une date très récente (2019), avoir bien pris un caractère presque structurel. Même une certaine résignation devant cette situation était presque devenue ‘'cas de force majeure endogénéisé'' comme un ‘'destin prédéterminé.''

Dès 2020/2021, naquit l'urgent impératif de reprendre en main ces dossiers, de manière rigoureuse, rapide et concrète; notamment ceux liés à la production en Algérie des graines oléagineuses (soja, colza, tournesol) et aux cultures sucrières (betteraves notamment). Ceci est de nature à contribuer à asseoir les bases solides d'une indépendance en ces matières. D'autant que les capacités industrielles de production des huiles de table et de sucre blanc seront très prochainement renforcées par la réception d'autres capacités bien supérieures à celles déjà existantes à l'heure actuelle dans ces mêmes produits, en dépit des réserves, surmontables toutefois, qui sont relatives à la forte consommation en eau par ces cultures:

- Pour la production d'huile de table, il s'agit du grand projet de Jijel (au port de Djen Djen) (7) d'une capacité de production annuelle de 2,16 millions de tonnes qui couvrira 40 % des besoins algériens en huile alimentaire et 60 % des besoins en aliments de bétail. La phase d'entrée en production est prévue pour la fin de l'année 2023. Il s'agit, aussi, du projet de production d'huile de table du ‘'Berrahal Group'' d'une capacité annuelle de 300.000 tonnes qui est actuellement en cours de réalisation à la zone industrielle de Tafraoui-Oran;(8)

- Pour la production du sucre, il s'agit du raffinage du sucre à base de betteraves du Groupe public MADAR, d'une capacité de 2000 tonnes par jour et qui est en cours de réalisation à Larbaâtache-Boumerdès. La mise en production est prévue durant le dernier trimestre de l'année en cours (2023). Mais, par contre, aucune précision sur les préparatifs concrets au sujet de la culture des betteraves ne lui est annoncée.(9)

- Pour la production des laits, il s'agit de projets ambitieux pour la réalisation de grands ensembles agro-laitiers ouverts aux investisseurs nationaux et étrangers ou mixtes pour l'élevage, à grande échelle, des vaches laitières de races ayant fait leur preuve dans beaucoup de pays. Les réussites de l'Arabie Saoudite dans le domaine et la disponibilité d'autres pays du golfe arabique, ont toujours exprimé leur intérêt à s'investir dans ce domaine en Algérie. L'important groupe saoudien ‘'El Maraiî'' (Prairies) fortement intégré (élevage bovin, production de lait cru et production industrielle de divers dérivés à base de lait), était sur le point de s'installer en Algérie au début de la décennie 2010, mais des facteurs défavorables qui restent encore à élucider, l'en auraient dissuadé.

A cet égard et, logiquement, pour rattraper cette ‘'ratée,'' le ministre algérien de l'agriculture et du développement rural a adopté à compter de 2022 un programme spécial dans l'objectif d'augmenter la production du lait cru, notamment à travers «le repeuplement des bâtiments d'élevage en vaches laitières et la lutte contre leur abattage».(10)

Dans le même ordre d'idée, la création d'un conseil interprofessionnel de l'élevage bovin fut annoncée en date du 17 décembre 2022 pour être opérationnel au premier trimestre 2023, venant remplacer le Conseil National Interprofessionnel de la Filière Viande Rouge (CNIFVR) dans le but d'augmenter la production de lait frais et impulser une nouvelle dynamique à la production locale des viandes rouges et à réduire l'importation de la poudre de lait et à accroitre la production nationale des viandes rouges. (11)

Le vif intérêt d'opérateurs américains exprimé en janvier 2022 à Oran pour une coopération avec leurs homologues algériens dans le domaine de la production de l'aliment de bétail, de l'engraissement des bovins et de la production laitière, verse dans la même approche si elle était menée avec rigueur et à échéancier impératif en formule combinatoire avec les autres voies et moyens déjà engagés ou en cours d'engagement.(12)

La mise à l'essai de production, à Béjaia, le 30 mai 2023, de l'usine de trituration des graines oléagineuses à produire en Algérie sous contrats prometteurs déjà conclus avec quelques 800 agriculteurs même si, transitoirement et en attendant la production nationale de ces graines, la trituration porte sur des graines importées, en constitue la preuve concrète de la volonté affichée par les pouvoirs publics pour assurer, dans une large mesure, sa sécurité alimentaire à l'horizon 2025. L'espoir est de voir le complexe d'huiles alimentaires (végétales) de Jijel s'engager dans la même direction en poursuivant le même objectif.

La même démarche, mais avec moins de concrétisations palpables au stade actuel de la démarche, serait empruntée pour les betteraves sucrières destinées à la production du sucre à l'usine de sucre du groupe Cévital de Béjaia, l'usine de sucre de Larbaâtache-Boumerdès et l'usine de sucre de ‘'Berrahal-Group'' de l'Ouest pour remplacer, par les betteraves produites en Algérie, le sucre roux importé actuellement pour la production du sucre blanc destine à la consommation des ménages et à l'industrie exagérément dévoratrice de sucre importé; l'algérien consommant 42 kg par an contre une moyenne annuelle mondiale de 23 kg et une norme de l'OMS de 10 kg.(13)

A rappeler qu'après son indépendance (durant les années 1960 et 1970), l'Algérie disposait de trois usines de fabrication de sucre blanc à base de betteraves cultivées localement à proximité des usines. Celles-ci se situaient à Sfisef (Sidi-Bel-Abbès), à Khémis Miliana (Ain Defla) et à Bouchegouf (Guelma) et répondaient aux besoins d'une population d'une dizaine de millions. Les usines ne furent pas renouvelées et la culture de betteraves sucrières fut malheureusement abandonnée.

L'autosuffisance alimentaire ou sécurité alimentaire n'est pas une notion où les échanges commerciaux internationaux sont totalement exclus. La notion n'est pas celle d'une autarcie hermétique où tout pays doit être coupé du monde sans relation aucune avec les autres pays dans tous les domaines. La notion est toute relative. Elle doit, tout simplement, au moyen d'un pouvoir de négociation équilibré, permettre de déjouer les chantages de tout genre sur la vie décente de tout peuple. Elle doit neutraliser tout chantage par autodéfense ou dissuasion pour assurer à tout peuple, le minimum garanti pour sa dignité et pour son aspiration à un meilleur bien-être.

La question d'ordre stratégique de changement d'habitudes de consommation des algériens par la substitution du blé tendre importé, par le blé dur algérien, meilleur et facilement produit en Algérie rentre dans ces notions basiques de sécurité alimentaire. Elle devrait être impérativement et rigoureusement remise en chantier. Elle devrait constituer un des objectifs stratégiques de la sécurité nationale dans son acception la plus large. D'autant que la science impute de plus en plus l'origine de beaucoup de problèmes de santé causés par la farine blanche (du blé tendre).

Devraient aller de pair, minutieusement préparée et savamment promue, la réorientation de la consommation vers les dérivés du blé dur, avec l'engagement d'un plan volontariste d'emblaver plus de terres à gagner dans les Hauts Plateaux et d'une exploitation accrue des terre sahariennes à l'image des réussites d'El Oued, de Biskra, d'Adrar et d'autres, avec davantage de rigueur et de rationalisation, notamment dans l'utilisation des eaux souterraines non renouvelables ; ce plan venant systématiser les grandes orientations déjà énoncées tout récemment dans ce domaines par le président de la République et qui connaissent déjà les premiers résultats agréablement encourageants. L'ambitieuse orientation de deux récoltes par an gagnerait à être traduite rapidement dans les faits.

En effet, les vastes terres laissées en jachères et en parcours d'élevage dans les Hauts Plateaux et les expériences réussies sur le plan du rendement à l'hectare, devraient constituer, en dehors des coûts, des voies salutaires en termes de couverture des besoins du pays en blé tendre notamment en attendant de réorienter, à terme, la consommation vers le blé dur.

La question sérieuse des coûts de production dans ces régions devrait trouver sa solution dans des péréquations à inventer, autrement moins coûteuses qu'une dépendance humiliante de l'étranger, dans un domaine aussi vital et névralgique que le pain quotidien des citoyens. La perturbation sérieuse du marché mondial du blé tendre ukrainien et russe durant l'année 2022 et, par honnête prévision en 2023, comme conséquence de la guerre d'Ukraine, continuent sérieusement d'interpeller l'Algérie.

Le pouvoir de négociation de l'Algérie qui est également corollaire de sa sécurité alimentaire dans le complexe et intraitable échiquier des nations, a bien son pesant dans des péréquations laborieusement formulées. Cet objectif devrait être élevé au rang des objectifs stratégiques de la notion de Sécurité Nationale devant bénéficier de tous les atouts pour des lendemains où la dépendance alimentaire de base vaudrait soumission et compromission menaçant la Sécurité Nationale. Même si une formulation combinatoire parfaite est presque impossible, au regard des données actuelles, entre une pluviométrie déficitaire, un captage très insuffisant des eaux de surface, une nécessaire préservation des réserves d'eaux souterraines, une inévitable irrigation d'appoint et l'épineux problème de l'eau potable, il n'y a pas d'autres choix que de se lancer dans une aventure inévitable, mesurée et sans meilleure alternative pour le problème de l'eau. La décision prise par le conseil des ministres du 25 juillet 2021, s'y inscrit pleinement.

La variable étant maintenant mieux connue, alors qu'elle aurait dû être exploitée à fond depuis au moins les premières années de la décennie 2000 pour aller au-delà des capacités de dessalement d'eau de mer installées jusqu'à maintenant y compris les cinq nouvelles grandes stations en lancement en réalisation ; et, les données pluviométriques étant également établies depuis déjà très longtemps en mettant à sa juste valeur le nombre impressionnant de barrages construits pendant les vingt deux derrières années comparé au nombre de barrages construits pendant 132 années de colonisation française (une quarantaine de barrages de faibles capacités comparées). La projection de l'avenir devrait s'appuyer sur l'hypothèse la plus pessimiste projetant, à jamais, la crise de la pluviométrie en Algérie en adéquation avec les projections pessimistes établies par des outils onusiens spécialisés.

Des villes de wilayas de l'Algérie situées dans les Hauts Plateaux et même aux portes du grand Sud, ne seraient pas à écarter de cette hypothèse pour être approvisionnées, au besoin, en eau potable dessalée d'appoint. L'anticipation d'une crise aigue éviterait les grandes surprises qui n'admettront pas les solutions de sauvetage de dernière minute.

Le tout récent colloque national sur l'eau organisé le 16 mai 2022 à l'institut des hautes études de sécurité nationale, a bien mis l'accent sur le rôle géostratégique de l'eau. Le Chef d'Etat-Major de l'Armée Nationale Populaire Algérienne (ANP) qui a présidé l'ouverture du colloque, a précisé que «l'eau constitue un outil de déstabilisation des Etats ».(14)

La recherche de solutions alternatives qui traduiront ces alertes en système préventif contre des crises d'eau de plus en plus répétitives et à dommages croissants sur tous les plans, devrait engager, dès à présent, la réflexion au niveau de l'école supérieure de l'hydraulique de Blida et d'autres milieux spécialisés à implications géostratégiques pour la proposition à brève échéance, des solutions alternatives salutaires diversifiées, pérennes et à échéances impératives, à mettre immédiatement en œuvre de manière progressive mais effective et anticipant les projections dramatiques des crises de l'eau dans le pays. Le dessalement d'eau de mer, naturellement, en plus d'un meilleur captage des eaux de surface (des pluies torrentielles) paraissent constituer les voies et moyens pratiques relativement les plus immédiats et les moins coutants.

La création d'une deuxième entreprise publique spécialisée dans la réalisation et dans la maintenance d'unités de dessalement d'eau de mer, éventuellement en partenariat avec des équipementiers étrangers, serait inévitable, vu l'ampleur des besoins actuels et à venir. Le développement d'une industrie spécifique des équipements de dessalement d'eau de mer serait, corollairement, largement justifiée avec la progressivité adéquate et les sous-traitances sécurisantes localement domiciliées. L'ambition de cibler les marchés extérieurs devrait être intégrer à cette vision partenariale avec les équipementiers étrangers.

Dans cette lignée, il est établi que la technologie y afférente est déjà en possession de l'Algérie à concurrence de 80-85%, comme l'a annoncé le président de la république à la même rencontre avec des organes de la presse nationale sus rappelée : A cet effet, la fabrication en Algérie des canalisations à base d'acier et/ou de matières pétrochimiques, est immédiatement possible ou, tout au plus, à brève échéance ; les compétences humaines nationales n'y manquant pas et l'eau de mer étant gratuite.

La réalisation, en conséquence, d'unités de dessalement d'eau de mer en capacités et en nombre adéquats, éloignerait, à jamais, le spectre d'une crise catastrophique permanente de l'eau désormais une pire réalité, sur l'homme, sur l'agriculture et sur la richesse animale. Dans cette approche, la parade devrait venir de la construction d'un réseau de petits barrages écumeurs à réaliser rapidement là où la géographie des reliefs le permet, à la lisière des hauts plateaux, pour y emmagasiner l'eau provenant, à flux tendu, des unités de dessalement d'eau de mer qui seront massivement réalisées pour les besoins de l'irrigation ordinaire, de ceux de l'irrigation d'appoint, de l'irrigation des cultures oléagineuses et sucrières projetées et de ceux d'un élevage bovin à grandes échelles à pâturages et/ou en bâtiments d'élevage, tel que nous l'avons ci-haut présenté. Des retenues collinaires, mieux étudiées et mieux réalisées que celles des années 1980, pourraient venir renforcer ce réseau de petits barrages pour l'écumage de crues et/ou le captage d'autres eaux de surface que l'Algérie n'arrive toujours pas, tout relativement, à atteindre, en dépit du nombre de barrages déjà réalisés.

Pour une meilleure conduite de ces idées de projets, ils devraient être intégrés dans une formulation combinatoire définissant, avec précision, les objectifs, l'organisation de leur prise en charge, les moyens humains, matériels et financiers de cette prise en charge et les échéanciers rigoureux, détaillés et à échéances de réalisation rapprochées et impératives. Les mécanismes de correction pendant leur réalisation. L'impact de l'hypothèse d'école d'un léger glissement temporel de la réalisation complète de certaines composantes de l'objectif global à l'horizon 2025, tels le blé tendre et le lait, serait largement relativisé et amoindri devant la dynamique rassurante de l'atteinte des composantes globales de la sécurité alimentaire.

Alors que la totalité des dépenses de ces projets ou propositions d'idées de projets seraient à financer presque totalement en monnaie nationale, les donneurs de leçons ‘'orthodoxistes'' ne manqueraient pas de se manifester en chahut rejetant toute mesure visant à assainir les eaux stagnantes, privilégiant l'immobilisme et criant au dérapage budgétaire comme ils l'ont fait contre les mesures de justice sociale qui ont été prises et celles qui sont annoncées pour la fin 2023 et le début de 2024 en augmentation de salaires au profit des couches de la population encore relativement marginalisées ou fragilisées par des logiques insoutenables. Ces donneurs de leçons, au delà de calculs malveillants, se manifestent par un mimétisme primaire des donneurs de leçons ‘'orthodoxistes'' en matière de règles farfelues en dépenses publiques. Les donneurs de leçons de l'économie libérale bafouent profondément leurs propres limites dont ils s'arrogent le droit de vouloir imposer comme normes d'évaluation et d'appréciation des autres économies dans le monde.

Les exemples d'insoutenabilité des règles qu'ils se sont ‘'offerts'' en 1944 au nom des accords de Bretton Woods qu'ils se sont taillés à leurs mesures pour s'en servir à leur guise alors que la totalité des pays du sud actuellement indépendants, étaient sous leur domination coloniale. A titre d'exemple, pour des limites maximum de 60% en dette publique par rapport au PIB, ils sont actuellement supérieurs à 100% à l'exception de la Belgique et du Royaume-Uni ; la France étant à 111,6% à fin 2022 ; l'Italie à 145,7% ; le Japon à 246% et les USA à 137% ; l'Algérie n'étant à la même date qu'autour de 60 %, pour une moyenne mondiale effective, à la même date, de l'ordre de 156% où l'Occident détient, comme nous venons de le voir, les plus hauts pourcentages.(15) On y recourait à souhait, jusqu'à une date très récente, à la création monétaire ou ‘' à la planche à billets,'' en contre partie des faramineux dépôts des pays pétroliers du Golfe arabique ou, principalement, de la Chine et, complémentairement, de la Russie. Ils n'hésitaient pas d'y faire recours en l'absence même de contreparties justificatives depuis la déconnexion du dollar, en 1971, de sa contre partie en or par une décision abusive en flagrant bafouement de leurs propres accords de Bretton Woods.

La dette américaine, par ailleurs, est passée de 3,48 billions de dollars en 1998 à 31.419.689.421.557 dollars et 90 cents. Elle serait en juin 2023 à plus de 32 billions de dollars. Les USA sont ainsi en tête du classement mondial. (16)

En cohérence avec cette conduite, les Etats Unies d'Amérique ont imprimé, durant les 20-25 dernières années, quelques 20 à 25 billions de dollars sans contreparties et les pays de l'Union Européenne en ont créé quelques 5 billions d'euros sans, non plus, de contreparties justificatives. Dans le lot des pays européens, la France se distingue par sa mainmise sur les recettes en devises que réalisent, en exportation, ses anciennes colonies en Afrique francophone à concurrence de 80 % qu'elle utilise pour couvrir sa dette extérieure au détriment des besoins de développement de ces anciennes colonies encore démunies.(17)

Pour les USA, le subterfuge n'en est pas différent : quelques 800 bases militaires américaines de dissuasion, d'intimidation et d'intervention, sont ainsi déployées dans quelques 177 pays partout dans le monde, offrant l'illusion de distribuer sur leurs propres fonds un plus de pouvoir d'achat et de moyens de paiement extérieurs dans les pays de déploiement.(18) Soit une contre partie très peu orthodoxe économiquement parlant, pour la justification de la création à souhait du dollar. Alors que l'Algérie qui compte moins de 60 % de dette publique par rapport à son PIB et qui n'a imprimé que 6000 milliards de dinars algériens (DA) ou l'équivalent d'environ 41 milliards de dollars, ne s'offre-t-elle pas le droit de couvrir, par la création monétaire, les besoins de financement des moyens de sa sécurité alimentaire comme nous venons, ci-haut dans la présente contribution, de les circonscrire par le recours à une adéquate utilisation du déficit budgétaire et à la création monétaire?! Les tenants de l'auto flagellation budgétaire seraient plus animés par un esprit d'obstruction d'un faire-valoir de prétendue ‘' rigueur d'orthodoxie financière.''

Par contre, tout doit être mobilisé pour un saut spectaculaire du Produit Intérieur Brut (PIB) du pays en direction d'une diversification au profit de l'industrie en général et de l'agro-industrie en particulier, par la valorisation d'une agriculture qui galope mais à un stade basique de sa valeur ajoutée. A cet effet, un Plan d'action impératif devra être adopté. Il définit les objectifs, fixe des échéances les plus rapprochées possibles, conçoit l'organisation de sa mise en œuvre, arrête tous les moyens d'action et les mécanismes de correction en cours d'exécution du Plan, indépendamment de l'objectif stratégique de la sécurité alimentaire fixé solennellement pour 2025.

Notes :

(1) Ministre algérien de l'Agriculture. APS. Publié le 18 janvier 2022 à 18 :05

(2) Ministre de l'Agriculture. TV Ennahar. Algerie-eco.com du 9 janvier 2023.

(31 SN.SEMPAC et OAIC

(4) Pour le blé tendre, on extrait 92 kg de farine panifiable d'un quintal de blé tendre alors qu'n n'extrait que 68 kg d'un quintal de blé dur.

(5) https//www.algerie-eco.com

(6) La lettre signée le 30 mars 1995 par le ministre algérien des Finances et le Gouverneur de la Banque d'Algérie portant acceptation du mémorandum fixant les conditionnalités du FMI et de la Banque Mondiale pour le rééchelonnement de la dette extérieure de l'Algérie.

(7) Algérie Presse Service. http//wwwAPS dz. 15 décembre 2022.

(8) Africa Globl Mark. https// www agm.net. 13 mars 2017. El Moudjahid du 13 mars 2017.

(9) Algérie Presse Service. http//wwwAPS dz. 27 janvier 2023. Communiqué du ministère de l'industrie publié sur sa page facebook algerie-eco.com. 15 décembre 2022

(10) APS dz https//www aps dz du 26 décembre 2021.

(11) APS dz. Publié le 18 décembre 2022.

(12) L'Organisation de Protection et d'Orientation du Consommateur (APOCE° Mghrebinfo DZ.mrs12, 2023.

(13) Agriculture g...Hel-intelligence.com

(14) APS https//www aps dz.16- mai 2022

(15) Trésor américain2 février 2022. France : https//www.vie-publique du.fr publié le 30 mars 2023.

Japon : https//www.lepoint.fr publié le 29 avril 2023. Italie : https//www.tresor.economie du 29/11/ 2022.

(16) Dette et défici...http//www.doneesmondiales.com

(17) Conditions de l'Italie en date du le 30 mars 2023.


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