Du financement obligatoire du secteur public hier à celui de la microentreprise aujourd'hui, les banques publiques peinent à appliquer les règles prudentielles en matière de gestion des risques de crédit.Le premier "Rapport sur la stabilité financière du secteur bancaire algérien", publié cet été par la Banque d'Algérie, est une véritable mine de renseignements. On y apprend notamment que "le niveau des créances non performantes des banques publiques continue à être une source de préoccupation pour les autorités financières algériennes". Le niveau atteint par ces créances irrécouvrables est une faiblesse traditionnelle du secteur bancaire algérien.Des taux de l'ordre de 20%, très supérieurs à ceux des économies voisines ou comparables, étaient encore la règle voici quelques années. Bien qu'encore particulièrement élevé, l'importance de ces crédits "pourris" dans les engagements des banques publiques tend cependant à se réduire (un peu plus de 14 % fin 2011 contre encore 21 % à fin 2009). Il s'agit, note la Banque d'Algérie "d'une faiblesse notable des banques publiques par rapport à leurs concurrentes du secteur privé pour lesquelles les taux, de l'ordre de 3%, sont beaucoup plus faibles".
Le financement obligatoire des entreprises publiques
On peut sans difficultés distinguer 3 périodes historiques dans la formation des créances non performantes des banques publiques. La première est bien connue. Elle remonte à plusieurs décennies et se poursuit jusqu'à la période présente. Elle est liée à l'engagement imposé aux banques par leur actionnaire unique de financer les entreprises d'Etat "destructurées financièrement" c'est-à-dire incapable de rembourser leurs dettes. C'est dans le but de compenser cette obligation que le Trésor public "rachète" régulièrement ces créances aux banques de la place .Ce processus s'est poursuivi au cours des dernières années et le rapport de la Banque d'Algérie nous apprend ainsi que dans le cadre de l'assainissement financier des banques publiques, l'Etat propriétaire a remboursé par anticipation aux banques entre 2008 et 2011, une grande partie des obligations correspondant aux créances non performantes que les banques détenaient sur des entreprises publiques destructurées ou dissoutes. La dette publique, au titre de ce type de créances, a ainsi été ramenée de près de 8 milliards de dollars à fin 2007 à environ 2,5 milliards à fin 2009.
L'ennui c'est que, simultanément, les banques publiques ont continué à accumuler des créances non performantes sur des entreprises publiques réputées "viables mais destructurées", pour des montants proches de 4,5 milliards de dollars que le Trésor public a de nouveau pris en charge via l'émission d'obligations d'Etat. Au bout du compte, l'encours des rachats de créances non performantes par le Trésor s'élevait donc encore à près de 7 milliards de dollars à fin 2011. Le rapport de la Banque d'Algérie confirme donc bien l'ampleur et l'actualité intacte du mouvement incessant de gonflement et de dégonflement des créances impayées sur le secteur public dont l'impact sur le bilan des banques est effacé périodiquement par l'intervention du Trésor.
Des crédits "très concentrés" sur des emprunteurs privés
La deuxième source de formation des créances non performantes au sein des banques publiques est moins bien connue. Elle résulte , précise encore le rapport de la Banque d'Algérie, d'"une faiblesse des banques publiques en termes de gestion du risque de crédit sur des emprunteurs privés, particulièrement pour la période 2004-2007". Il a, en effet, été constaté au cours de cette période que "des emprunteurs liés économiquement entre eux, et opérant sous différentes dénominations, formaient des groupes de fait, dont l'endettement total était insuffisamment apprécié par les banques publiques prêteuses. De tels crédits, très concentrés, accordés à ces groupes informels, se sont progressivement avérés non performants". On pense bien sûr à des faillites retentissantes comme celles du groupe Tonic emballage qui ont fortement fragilisé certaines grande banques publiques, notamment la BADR, dont les dirigeants n'avaient pas respecté les précautions d'usage en matière de division des risques . La Banque d'Algérie note qu' à la suite de ces "affaires" qui ont fortement défrayé la chronique "les banques publiques ont renforcé leurs structures de gestion du risque de crédits à l'égard du secteur privé" et que par ailleurs "en 2008-2009, les fonds propres de deux banques publiques ont été renforcés pour un montant total de 42 milliards de dinars intégrés au capital de celles-ci".
La bombe à retardement de la microentreprise
Le coût financier des dispositifs mis en place par les pouvoirs publics pour assurer le financement des dispositifs liés à la microentreprise n'a pour l'instant fait l'objet d'aucune évaluation globale. Certains experts indépendants le chiffrait récemment à près de 5 milliards de dollars en rythme annuel à la suite de leur montée en puissance des dernières années.
Des financements dans lesquels les banques publiques sont également en première ligne
On sait que, dans les 2 dispositifs Ansej et Cnac qui ont été uniformisés, 70% du crédit est à la charge des banques à côté du prêt non rémunéré représentant 28 ou 29% du crédit qui est consenti par les agences concernées tandis que l'apport personnel à été ramené au niveau symbolique de 1 à 2% du crédit. Ce sont donc essentiellement les banques publiques qui payent, fortement incitées à le faire par leur actionnaire unique. Le directeur de la Cnac soulignait récemment la progression du taux des accords bancaires : "Jusqu'en 2008, le taux d'accords bancaires ne dépassait pas 30%, mais depuis 2008, ce taux a nettement évolué, pour atteindre aujourd'hui près de 96%". La terminologie adoptée par les banques algériennes dans leurs rapports annuels à propos des "dispositifs mis en place par les pouvoirs publics" ou des "dispositifs du gouvernement" est certainement révélatrice du peu d'enthousiasme que ces dispositifs d'exception inspirent aux responsables des établissements bancaires algériens. Leur montée en puissance récente et l'importance qu'ils sont susceptibles de prendre au fil du temps dans le portefeuille des banques sont-elle de nature à soulever un problème spécifique d'impayés ' Les informations fournies par le régulateur du secteur et les banques elles-mêmes, sont pour l'instant muettes sur ce chapitre. Les chiffres mentionnés pour la première fois par M. Benméradi la semaine dernière (voir papier ci-dessous) renseignent cependant sur l'ampleur d'un problème à propos duquel les autorités financières ont préféré jusqu'ici observer une certaine discrétion.
H. H.
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Posté Le : 30/10/2013
Posté par : presse-algerie
Ecrit par : Hassan HADDOUCHE
Source : www.liberte-algerie.com