Algérie

Se dirige-t-on vers un «printemps sud-américain»'



Se dirige-t-on vers un «printemps sud-américain»'
Depuis une décennie, un vent de révolution a soufflé sur l'Amérique du Sud. Les pays de ce continent ont décidé de basculer à gauche après plus de trente années de lutte contre les dictatures militaires, dont on connaît les pratiques et les méthodes pour perdurer au service des multinationales et des intérêts de ceux qui les soutiennent à l'étranger. Que ce soit au Venezuela, en Bolivie, en Argentine, au Brésil ou au Chili, pour ne citer que ces pays, la vague de nationalisation des sociétés pétrolières et minières a cassé la dynamique de la politique hégémonique états-unienne et de l'Union européenne sur cette partie du monde. Les politiques sociales qui ont été menées par les partis de gauche, sous la direction du défunt Hugo Chavez à Caracas, d'un Lula à Sao Paulo, d'un Kirchner en Argentine ou d'un Morales à Sucre, bien qu'elles aient des manques, n'ont jamais été du goût d'une droite, accusée d'être au service du capitalisme sauvage et des intérêts américains dans la région. «Entre la première élection d'Hugo Chavez à la présidence du Venezuela dès 1998 et celle d'Ollanta Humala au Pérou en 2011, en passant par les victoires du PT au Brésil (en 2002, 2006 et 2010), des socialistes au Chili (2002 et 2006), des Kirchner en Argentine(2003, 2007 et 2011), du Frente Amplio en Uruguay (2005 et 2009), d'Evo Morales en Bolivie (2005 et 2009), de Rafael Correa en Equateur (2006 et 2009), du Fsln au Nicaragua (2006 et 2011), de Fernando Lugo au Paraguay (2008), du Fmln au Salvador (2009)..., toutes vont signifier, d'une façon ou d'une autre, un certain ?' retour de l'Etat ?', la promotion de nouvelles politiques sociales, un mouvement volontariste de réappropriation des ressources naturelles et un intérêt pour des formes d'intégration latino-américaine alternatives à celles subordonnées aux Etats-Unis», estime Bernard Duterme, chercheur au Centre tricontinental (Cetri), organisation non gouvernementale fondée en 1976 et basée à Louvain-la-Neuve, en Belgique. Mais ce nouvel équilibre demeure fragile etl'apprentissage de la démocratie difficile dans ces pays où l'inégalité sociale demeure importante malgré les efforts investis pour permettre aux couches défavorisées d'accéder à l'éducation et à la santé, qui étaient réservées à une minorité de sud-américains il y a quelques décennies. Les contestations sociales contre les nouveaux gouvernants et contre certaines de leurs décisions sont la preuve de ce fragile équilibre. Aidée par les médias occidentaux, qui constituent un solide relais pour leurs Etats, l'opposition politique sud-américaine, qui a été évincée à la fin du siècle dernier du pouvoir, ne rate aucune occasion pour tenter de revenir au devant de la scène pour reprendre ce qu'elle a acquis avec la politique de la matraque, des assassinats et des disparitions forcées. Cette même opposition est même accusée de mener des tentatives de putsch avortées, régulièrement dénoncées par les dirigeants de ces pays, sans compter les tentatives de déstabilisation militaires qui sont menées dans pays comme la Colombie et le Mexique, via les réseaux de trafics de drogue et de rébellions. Les mouvements de contestation estudiantins sont détournés assez souvent par l'opposition de droite qui bénéficie du soutien de l'église catholique, selon de nombreuses voix et des spécialistes du continent sud-américain. D'ailleurs, on apprend rarement sur les manifestations des paysans et des agriculteurs qui se voient expropriés dans des pays comme l'Equateur, l'Uruguay et le Pérou, par leurs propres gouvernement, au profit d'une agriculture de masse, de canne à sucre et d'huile de palme entre autres. Cetteagriculture ne sert pas à combattre la pauvreté et la faim sur le continent mais pour alimenter une industrie dont bénéficient les multinationales et les puissances industrielles à la recherche de la moindre source d'énergie, même si elles doivent mettre des milliers de vie en péril. Spécialiste mexicaine en relations internationales, Ana Esther Ceceña résume parfaitement cette situation dans une récente analyse parue en décembre dernier dans la revue Patria du ministère de la Défense de la République équatorienne. Selon elle, «la stratégie hégémonique ambitionne d'investir des capitaux, de les multiplier, de disposer des ressources ayant la plus grande valeur, et de réduire les coûts avec des régime de sous-traitance, d'implanter des cultures d'exploitation industrielle, dans la majorité des cas avec des méthodes agricoles hautement prédatrices, et, en général, d'utiliser le territoire selon ses critères, en accord avec ses besoins et intérêts, comme espace propre de renforcement interne et de défense face au reste du monde. Les mécanismes combinent diplomatie, politique, asymétrie et force, et elles varient en fonction des défis internes et de la vision et conditions globales de lutte pour l'hégémonie. La tenaille est mise depuis l'économico-territorial jusqu'au militaire, avec une offensive transversale qui circule sur le plan des imaginaires, des sens communs virtualisés et des politiques culturelles colonisatrices». La présumée volonté américaine d'installer sept bases militaires sur le sol colombien, sous prétexte de couper l'herbe sous les pieds des trafiquants de drogue, une activité qui finance le trafic d'arme et les mouvements rebelles dans la région, sert aussi cette stratégie d'hégémonie même si Washington s'en défend. Les récentes manifestations contre l'inflation et l'insécurité au Venezuela, les violences qui ont marqué la contestation contre les prix des transports au Brésil, la marche des étudiants qui a tourné à l'affrontement, il y a quelques semaines au Chili, sont perçus comme le signe d'un essoufflement de la politique sociale de ces Etats qui vivent de la rente pétrolière. Mais pour d'autres analystes, ce bouillonnement est attribué à une stratégie bien étudiée de Washington et de Bruxelles pour mettre le feu dans la maison de l'Amérique du Sud pour reprendre le contrôle de ce bout du monde riche en matières premières.L. M.




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