Algérie

Scènes de «cahiers déchirés» à la fin de l'année scolaire: Simple jeu ou signe d'un grand malaise '



Déchirer les cahiers et les livres scolaires et les jeter dans les rues, devant les établissements scolaires, notamment devant CEM et lycées, est devenu un rituel scandaleux qui revient chaque année. Faut-il donner de l'importance à ces scènes d'hystérie «joyeuses» émanant d'enfants et d'adolescents ou les ignorer ? Est-ce qu'on peut situer les responsabilités pour pouvoir traiter ce phénomène ? Est-ce qu'il s'agit d'une expression d'un sentiment de joie ou d'une révolte contre un grand malaise dû à la pression scolaire et les examens ou s'agit-il, tout simplement, d'un manque de discipline et de civilité ? Des syndicalistes, des représentants de parents d'élèves et des pédagogues ont, tous, estimé qu'il est temps aujourd'hui d'amorcer une grande réflexion sur ce phénomène ou plutôt sur le bien-être de l'élève à l'école et surtout revoir le système éducatif, de fond en comble. Notamment, quand on sait que parallèlement à ces comportements désolants, il y a aussi la violence à l'école qui se manifeste parfois par des agressions physiques et verbales, ainsi que par la destruction des biens des établissements scolaires. Ce phénomène n'est pas général, ce sont des cas isolés, mais qui reviennent, malheureusement, chaque fin d'année scolaire, depuis quelques années.

Boualem Amoura, secrétaire général du Syndicat autonome des travailleurs de l'Education et de la Formation (SATEF), a mis l'accent sur la nécessité de faire une étude approfondie sur ce phénomène qui revient chaque année, à la fin de l'année scolaire. Dans une déclaration faite au «Le Quotidien d'Oran», M. Amoura a assuré qu'«on a l'impression, aujourd'hui, que les élèves, contrairement au temps passé, ne donnent aucune valeur aux livres et aux cahiers scolaires». Mais, dit-il, il ne faut pas s'arrêter au constat, parce que parfois le problème est plus profond. Certes, affirme-t-il, «c'est un acte scandaleux, mais c'est tout de même une forme d'expression émanant des élèves eux-mêmes à laquelle il est nécessaire de donner de l'importance non pas pour dénigrer ou diaboliser les élèves, mais pour faire une analyse des faits tout en essayant de comprendre le comportement des élèves et leur relation avec l'école et le savoir en général». Et d'affirmer : «si les élèves sont arrivés à ce point, cela veut dire que la responsabilité est partagée entre les parents d'élèves, les enseignants, le personnel éducatif en général et les concepteurs des systèmes scolaires». Messaoud Boudiba, porte-parole du Conseil national autonome du personnel enseignant du secteur ternaire de l'Education (Cnapeste), abonde dans le même sens en estimant que ces actes sont beaucoup plus «une révolte ou une expression de malaise de la part des élèves contre un système éducatif qui a atteint ses limites et qui a besoin d'être revu». Il préconise des réunions regroupant des experts, des pédagogues, des sociologues et autres personnalités en relation avec les élèves et les adolescents pour mener des débats et des discussions autour du sujet. Et ce, dans le but d'élaborer une étude sur ce genre de comportement ou cette forme d'expression et connaître surtout les raisons pour y remédier. Pour Fatiha Bacha, ancienne vice-présidente de l'Association nationale des parents d'élèves : «ce phénomène n'est pas répandu à travers l'ensemble de nos établissements, mais ces comportements, bien qu'ils soient isolés, doivent nous interpeller pour analyser en profondeur cet état de fait». Selon sa conception de choses, «cette expression n'est pas une simple joie de fin d'année, mais une façon de se débarrasser d'une pression et d'une charge, vécues tout au long de l'année scolaire». «L'enfant et l'adolescent ont besoin de s'épanouir tout en apprenant à l'école, à travers des activités parascolaires (sportives, culturelles). Ce n'est malheureusement pas le cas. La surcharge des programmes ne laisse le temps ni à l'élève, ni même à l'enseignant d'improviser et d'inventer des méthodes ou des activités qui pourraient permettre à l'enfant de s'épanouir et d'aimer son école», assure-t-elle. Et d'affirmer qu'un adolescent dont le niveau scolaire est en régression, quand il se rend compte qu'il ne peut pas aller loin, commence à se révolter, à sa manière. Pour Mme Bacha, il faut agir en amont en remédiant au problème d'apprentissage chez les élèves, de manière d'augmenter le niveau de confiance en soi chez les adolescents. «Loin de toute forme de stigmatisation des élèves ou de l'école algérienne qui demeure un modèle dans l'apprentissage éducatif, il faut aborder cette question avec l'ensemble des parties prenantes (responsables éducatifs, conseillers d'orientation, pédagogues, parents d'élèves, psychologues scolaires et sociologues), afin de trouver des mécanismes pour faire aimer l'école à l'élève». Il faut trouver, dit-elle, des mécanismes pour aider les élèves à s'intéresser, en les impliquant dans des activités interactives relatives à l'apprentissage ou dans des activités parascolaires. Et pour arriver à ce stade, il faut d'abord régler le problème de la surcharge et la condensation des programmes, ainsi que la surcharge des classes. «Pour moi, il s'agit beaucoup plus d'un SOS lancé par les élèves qu'un acte de manque de discipline, qui doit nous interpeller pour comprendre la psychologie de nos élèves, voire de nos enfants et leur relation avec l'école», conclut la même source.




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