Algérie

Scène mémorable du festival de théâtre Off d'Avignon :1962, l'Algérie submerge l'exil



Le titre évoque la délivrance de l'année 1962, lorsque l'Algérie recouvra enfin la maîtrise de son destin entravé en 1830. La réalité de la pièce de Mohamed Kacimi nous transporte plusieurs années après, au moment des constats amers des années 1990. Avignon. De notre envoyé spécial Ils sont deux sur scène. Nadia et Gharib. La première, interprétée par Valérie Grail (également metteur en scène) attend à Marseille le bateau qui la ramènera chez elle, en Algérie. Le deuxième (joué par Zakariya Gouram) est un cousin qu'elle n'a pas revu depuis plus de 20 ans. L'indépendance les a séparés, eux qui étaient amoureux et voulaient se marier. Ils évoquent leurs souvenirs d'enfance, à El Hamel, dans les Hauts-Plateaux algériens. Lui garde des ressentiments vis-à-vis de son pays, elle, elle n'a jamais pu le quitter, malgré les soubresauts, et même dans la tourmente des années 1990, époque où la pièce a été écrite. Tous les deux se retrouvent sur certains constats qui leur reviennent du grand élan de juillet 1962.Pour Valérie Grail de la compagnie Italique, « le théâtre qui est le lieu de l'intime, de la petite histoire à côté de la grande, le pont entre l'intimité et l'universalité, l'émotion des êtres et la singularité. L'endroit dont part l'auteur permet de parler de choses plus douloureuses, plus partagées, et en même temps d'évoquer cette fête merveilleuse du 5 Juillet et la désillusion qui s'en est suivie ». Pour elle, le fait que les enfants en parlent, « on peut dire des tas de choses », nous explique-t-elle. Le côté juvénile des personnages qui évoquent leurs souvenirs éloigne de la dureté de l'histoire parfois cruelle, parfois stupide. Valérie aime ce « théâtre qui raconte l'humanité. Cela ne veut pas dire qu'il y a pas d'option politique, mais les mots de l'artiste, du poète, priment et doivent s'exprimer. Sur un sujet pareil de l'indépendance, mis en relation avec 1996, je pense que la vision politique appelle des réponses, alors que le théâtre pose des questions. C'est la plus grande force de 1962 d'être un spectacle d'interrogations ».Ce n'est pas pour rien que le texte de Kacimi passe du lyrisme à la gravité, du grave à l'humour. « L'Algérie me met au pied du mur, explique l'auteur. Elle est ce point d'interrogation, sourd et aveugle, qui récuse d'avance toute forme de réponse. Elle submerge mes lieux d'exil. L'Algérie me fait penser à un être cher que l'on retrouve le visage brûlé. On peut crier d'effroi, ou prendre le temps de le caresser et chercher, sous la blessure, les traits de beauté que le feu a voulu ravager. » En face de Gharib (est-ce l'auteur lui-même '), Nadia est justement cette femme éternelle que chante le poète, celle qui ne se résout pas à fuir « la crue de rêves ». Elle prouve que si « partir est une douleur », rester est possible. Elle dit simplement qu'elle ne pourrait pas vivre ailleurs car « son corps n'aurait pas de sens ». Toute la dualité du choc entre ces deux êtres que l'Algérie rassemble et divise, est dans cette position claire de vivre au-delà du sensible, par définition précaire et dénué d'avenir' C'est bien là ce qui interroge le spectateur à la sortie de la salle !


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