Onze douaniers, dont cinq cadres et cinq exportateurs de déchets ferreux et non ferreux seront déférés prochainement devant le tribunal criminel près la cour d'Alger. C'est ce qu'a décidé la chambre d'accusation près de cette juridiction après plusieurs semaines de délibéré.
Une décision que les 17 mis en cause (devenus 16 après le décès d'un douanier) redoutaient et contre laquelle ils avaient introduit des pourvois en cassation devant la Cour suprême, puis la chambre d'accusation, avant d'être déboutés. Parmi les personnes poursuivies se trouvent 5 cadres douaniers et 6 officiers et agents douaniers, ainsi que 5 exportateurs, accusées entre autres pour faux en écriture publique, faut et usage de faux, minoration des valeurs et dilapidation de deniers publics.L'affaire avait éclaté vers la fin 2000, lorsqu'un cadre de la direction générale des Douanes et un exportateur avaient mis à nu un immense réseau de trafic dans les exportations de déchets ferreux et non ferreux à travers la fausse déclaration sur la valeur, le poids et l'espèce, pour transférer illicitement des devises vers l'étranger. En juin 2001, un rapport accablant sur cette fraude institutionnalisée par certains responsables des Douanes, est adressé aux autorités et en août de la même année, après une enquête interne, le directeur général des Douanes transmet un compte rendu détaillé sur trois gros dossiers liés à de graves courants de fraude. D'abord, le transfert illicite de devises dans le but de blanchiment à travers la falsification de documents bancaires et douaniers, et qui a causé de 1998 à 2001 un préjudice évalué à 20 milliards de centimes.Le deuxième scandale est celui des déchets ferreux et non ferreux, qui a engendré une perte sèche au Trésor public de l'ordre de 12 à 15 milliards de centimes durant la période allant de 1994 à 2001. Enfin, le troisième dossier est lié à l'importation des équipements électroménagers dans le cadre du système SKD et CKD, qui permet aux importateurs de bénéficier d'importantes minorations de la TVA, dans le cas où il s'agit de kits destinés à l'industrie de montage. Or, en réalité, de nombreux opérateurs importaient des produits finis et les déclaraient comme semi finis pour bénéficier des avantages fiscaux.Le rapport a estimé les pertes financières occasionnées par ce courant de fraude, entre 1998 et 2001, à 10 000 milliards de centimes. « Les trois dossiers ont, à eux seuls, causé un préjudice évalué entre 6 et 7 milliards de dollars », a conclu le directeur général dans son document d'une trentaine de pages. C'est alors que le premier magistrat instruit le ministre des Finances pour l'ouverture d'une enquête sur les trois scandales, en plus d'un quatrième relatif à l'importation du café de la Côte d'Ivoire.Une commission d'enquête, composée des représentants des ministères des Finances, du Commerce et de la direction des Douanes, est la première a être installée pour se charger d'examiner les conditions dans lesquelles ont été effectuées les opérations d'export des déchets ferreux et non ferreux. Ses conclusions confirment les malversations, dont l'essor a pour origine, d'une part, les insuffisances de l'arsenal juridique, et de l'autre, le laxisme effarant des institutions chargées de veiller sur les intérêts de l'économie nationale. Le rapport d'enquête relève également le « manque flagrant de probité de certains cadres, tant au niveau des Douanes qu'au niveau des banques ».Parmi les infractions « prouvées et avérées », les fausses déclarations sur le poids de la marchandise, son espèce et sa valeur, sans compter les fausses déclarations sur son origine (souvent provenant des dégradations et des vols des câbles électriques et téléphoniques, disjoncteurs, baguettes en aluminium ornant les autoroutes, etc.).« Ce qui paraissait à l'origine comme une simple infraction inhérente à toute une activité mettant en jeu des intérêts commerciaux et financiers, allait se révéler être un simple maillon d'une chaîne frauduleuse de grande envergure (...) », conclut le document qui va servir de base pour le dépôt d'une plainte officielle par la direction générale des Douanes auprès du parquet d'Alger contre les douaniers et opérateurs qui, par leur attitude, ont gravement porté atteinte aux intérêts de l'économie nationale.Parallèlement, les Douanes françaises sont saisies afin de vérifier l'ensemble des opérations d'exportation de ces déchets, qui elles aussi ne font que confirmer les pratiques frauduleuses auxquelles procèdent de nombreux exportateurs.Dès la mise en branle de la justice, le juge d'instruction place sous mandat de dépôt quatre responsables des Douanes, Bouguelid Abdelaziz, directeur de la valeur et de la lutte contre la fraude, Belkheir Mohamed Faouzi, directeur régional du service contre la fraude à Alger-Port, Boukerrouche Aziz, chef de service de lutte contre la fraude de l'aéroport Houari Boumediène et Boudlioua Abderrazak, receveur principal d'Alger-Port. Huit autres douaniers dont des inspecteurs sont placés sous contrôle judiciaire, tout comme d'ailleurs de nombreux exportateurs. Suspendus de leurs fonctions, les mis en cause quittent la prison quatre mois plus tard après avoir bénéficié de la liberté provisoire et réintègrent leurs fonctions. Pendant que l'instruction se poursuit, de nombreux dossiers contentieux sont détruits et d'autres remis aux calendes grecques, dans le but évident d'être touchés par la prescription. En octobre 2006, après 5 longues années de procédures, la chambre d'accusation près la cour d'Alger renvoie le dossier devant le tribunal criminel et en juin 2008, ce tribunal a décidé de renvoyer l'affaire pour valider les pourvois en cassation de certains accusés.L'affaire revient à la Cour suprême qui rend son arrêt en 2009 et ce n'est qu'au mois de novembre de l'année en cours que la chambre d'accusation près la cour d'Alger a statué, en renvoyant une seconde fois le dossier devant le tribunal criminel, dont la programmation à la session en cours pourrait se faire, du fait qu'elle reste ouverte jusqu'au 10 janvier prochain. Les onze douaniers, dont les 5 cadres actuellement en poste, seront concernés par la procédure de prise de corps à la veille du procès.
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Posté Le : 01/12/2009
Posté par : sofiane
Ecrit par : Salima Tlemçani
Source : www.elwatan.com