Algérie

Scandale au bâtonnat d'Alger Des avocats violent la loi et font «carrière dans les agrégats»



Un scandale éclabousse le monde des robes noires. Il réside dans le fait que les avocats dont nous faisons état dans cette enquête évoluent dans l'environnement direct de l'actuel bâtonnier, Me Sellini. Des avocats de renom auxquels le statut au sein du bâtonnat d'Alger confère l'obligation morale de veiller au respect de la déontologie et de l'éthique.
De surcroît, ces avocats siègent au sein des commissions de discipline pour statuer sur les cas de leurs collègues soupçonnés de quelque faute que ce soit. Question : Me Abdelmadjid Sellini ne savait-il pas que son proche collaborateur, Me Baghdadi Mohamed, ainsi que Me Mecheri Bachir s'étaient fallacieusement associés dans la création d'une SARL spécialisée dans l'exploitation et l'extraction d'agrégats et ce, en totale contradiction avec la loi régissant la profession d'avocat '
Notre enquête a commencé à partir du jour où fortuitement, nous avons pris connaissance du contenu du statut modificatif d'une SARL (AGREX au capital de 1, 5 milliard de centimes) domiciliée à Tiaret et dont le siège est situé à la cité Bouhani, plus exactement sur les hauteurs de la capitale des Zianides.
Cette entreprise d'extraction de gravats, d'une superficie de 6 hectares, est située dans la périphérie de Tiaret, précisément dans la commune de Kbouba sur la route d'Oued Lili. Ce document nous apprend que cette société a été créée en 2008 par 4 associés dont les deux avocats relevant du bâtonnat d'Alger, en l'occurrence Me Baghdadi Mohamed
et Me Mecheri Bachir qui détiennent, à eux seuls, la majorité des actions. Il y est indiqué que Baghdadi Mohamed, Hacene pour les intimes, détient 37 500 parts tandis que Mecheri Bachir détient 10 000 parts sur les 150 000 actions de cette société. Toutefois, une anomalie a attiré notre attention.
Ces deux «érudits du droit», mettant à profit leur connaissance du droit et leur maîtrise des aspects juridiques, pensant se mettre à l'abri, ont sciemment évité de révéler leur véritable profession. En effet, ces derniers sont portés sur ce statut en qualité «d'hommes de droit». Une ruse qui confirme l'esprit fallacieux de cette association. Sinon pourquoi les deux avocats ne se sont-ils pas déclarés comme avocats en exercice '
«Les signes ostentatoires de richesse et le comportement d'impunité adopté par ces deux avocats est révoltant», se sont indignés des avocats dans l'anonymat. «Devant ces signes révélateurs, de deux choses l'une, ou le bâtonnier (Me Sellini qui a occupé le poste de magistrat dans le passé)
était au courant, donc complice, ou il était trop naïf», devaient conclure d'autres avocats également dans l'anonymat par «peur de représailles de la part du clan Sellini». Bref, au sujet de cette affaire, nous croyons savoir que le bâtonnier national a été informé de ces activités illégitimes entreprises par ces deux avocats.
Le bâtonnier national condamne
Contacté par téléphone, Me Lenouar Mustapha, bâtonnier national, a fermement «condamné cette entreprise» dont les faits sont avérés par des documents officiels.
D'emblée, ce dernier affirma que «ces deux avocats transgressent outrageusement la loi et les règlements en vigueur ; ils doivent impérativement être traduits devant une commission de discipline et le bâtonnier d'Alger doit prononcer leur omission». Me Lenouar, faisant référence aux textes, a confirmé «l'interdiction aux avocats de verser dans une quelconque activité commerciale», précisant «qu'il leur est permis de prodiguer, par contre,
des enseignements au sein des universités de droit». En effet, l'article 87 de la loi 90/01 régissant la profession d'avocat stipule que «la profession d'avocat est incompatible avec toutes les fonctions administratives ou judiciaires, avec tout emploi d'administration,
de direction ou de gérant d'entreprise du secteur public ou privé et avec toute activité commerciale et industrielle et tout emploi impliquant un lien de subordination», de même que l'article 98 du règlement intérieur stipule «qu'il est interdit à l'avocat d'exercer une activité à caractère commercial ou industriel pour son compte ou celui de parents ou de tiers, directement ou en utilisant des prête-noms et de s'associer d'une façon avouée ou occulte avec un commerçant ou un industriel».
Dans ce sens, la loi soumet le bâtonnier, «dès qu'il est informé d'une infraction commise par un avocat, d'ouvrir une enquête et suite à un délai communiqué à l'avocat délictueux, prononcera son omission si ce dernier n'a pas déféré à l'injonction».
Ainsi et à l'heure où le gouvernement algérien s'efforce de concrétiser le chantier des réformes de la justice aux fins d'offrir une justice de qualité aux justiciables, ces avocats «caillassent» la loi et font carrière dans l'exploitation et l'extraction d'agrégats, dans des conditions opaques et en dépit des vives contestations des populations éparses vivant dans la région où est implantée cette carrière.
Une entreprise et des questions
C'est en 2008 que les 4 associés ont établi leur statut et ce, suite à l'acquisition de cette carrière auprès des anciens propriétaires qui, selon des sources sûres, «usés par les multiples formes de protestation de la population et par les diverses formes de pressions exercées par des forces occultes ont cédé leurs parts aux nouveaux acquéreurs (4 associés d'AGREX) lors d'une transaction qui s'est déroulée dans un restaurant huppé de Tiaret».
Cette acquisition n'était pas fortuite puisqu'elle coïncidait avec la mise en application des dispositions prises par l'Etat et relatives aux concessions minières. L'indélicate et fallacieuse entreprise des deux avocats a attisé notre désir de récolter des informations concernant cette SARL. La loi de l'omerta étant de mise dans cette
charismatique ville sujette à de multiples scandales, nous étions forcés de recourir à des sources très informées et sûres. Ainsi dans le sillage de notre quête, une source requérant l'anonymat nous a informés que «la SARL AGREX dont le siège (villa à Bouhanni) est abandonné, est inscrite au registre du commerce sous le N° 03 b 04 22598 et sur lequel seul le nom du gérant (M. C., ex- directeur d'une banque) est porté», ajoutant «que sur la question fiscale, cette société a formulé sa déclaration fiscale au sein du centre d'Ibn Rostom de Tiaret nord».
Le plus grave est que notre source affirme que «cette société aurait été déclarée au forfait et verserait une imposition fiscale de 7000 DA/mois, alors qu'elle réalise des chiffres d'affaires s'élevant à des centaines de milliards et ce, à l'issue des prestations de service découlant des diverses conventions paraphées avec de grandes entreprises publiques et privées». Comment le receveur des impôts a-t-il pu
accepter la déclaration au forfait (infrac-tion avérée), sachant que cette entreprise d'envergure devrait être logiquement déclarée au réel et ce, au vu des codes inscrits sur le registre du commerce ' Car, si cette dernière est au forfait, force est de croire qu'il y a anguille sous roche.
Autrement dit et partant du fait que cette société est conventionnée avec des entreprises, elle est tenue d'entretenir une comptabilité et de recourir à l'usage de la facturation. Et par conséquent soumise au versement de la TVA. Abondant en informations concernant les activités de cette société, notre source indique «qu'AGREX a signé une convention avec une société algéro-allemande (Cosider-Link)
située sur la route de Bouchekif chargée de la réalisation d'une station d'épuration», ajoutant «qu'AGREX, dans le cadre de cette convention, a livré quotidiennement une moyenne de 15 semi-remorques d'agrégats par jour et ce, durant 23 mois entre 2009 et 2010, réalisant pour cette opération un chiffre d'affaires avoisinant les 12 milliards de centimes». Selon la même source, «cette société a contracté d'autres conventions
à l'instar d'une entreprise chinoise implantée à Tiaret et chargée de la réalisation de logements AADL (500 logements)» finissant par indiquer que «cette société qui bénéficie de la protection de personnes influentes à Tiaret, évoluant dans l'environnement de l'actuel wali, a réalisé un chiffre d'affaires de 180 milliards de centimes en 2008». Devant de tels chiffres d'affaires et au vu de la déclaration fiscale indiquée par notre source,
il paraît évident de conclure que nous sommes en présence d'une flagrante évasion fiscale et de malversations prohibées par les lois de la république. Néanmoins, les chiffres d'affaires révélés par notre informateur justifient «les signes ostentatoires de richesse de Me Baghdadi et de Me Mecheri, dénoncés par les avocats d'Alger».
La carrière d'agrégats et le mécontentement des autochtones
En empruntant les pistes sinueuses et accidentées conduisant à la carrière empruntées quotidiennement par des camions de fort tonnage, nous sommes suivis du regard par des autochtones dont les hameaux sont implantés d'une manière éparse sur les collines. D'immenses nuages de poussière qui se dégagent en plusieurs endroits nous renseignent sur l'existence de plusieurs carrières.
Sur un ton de colère, des jeunes nous font part des «désagréments que leur causent ces carrières», tout en soulignant, à juste titre «la multiplication de ces dernières depuis 2008». «Nos parents se sont opposés au lancement de ces carrières dont le taux de nuisance dépasse l'entendement», vocifère un homme venu rejoindre les jeunes. «Nos enfants respirent les poussières produites par ces carrières qui travaillent sans relâche, causant par ailleurs une
nuisance sonore insupportable», lance ce père de famille qui ajoute «qu'en dépit de toutes les tentatives entreprises par les habitants en vue de mettre fin à ces activités nuisibles, les autorités font la sourde oreille». Même des enfants s'en sont plaints. Nous quittons les populations pour nous rendre sur les lieux de production d'AGREX. Plantée au beau milieu du site de production, une simple baraque en bois recouverte de poussière constitue «le siège de la société». Aucune inscription n'y est portée.
Nous tentons une approche. A l'intérieur, nous sommes reçus par le responsable technique. Ce dernier qui «refuse de commenter la question du siège» confirme le taux de production de cette carrière. «Grace aux deux stations jumelées, nous produisons 300 tonnes de gravats par heure, soit 1500 tonnes/jour d'agrégats toutes granométries confondues». Au su des quantités d'agrégats produits par cette société, on devine les chiffres d'affaires faramineux réalisés par cette entreprise. Nous faisons fi des questions relatives aux techniques et moyens utilisés par cette entreprise' car ils pourraient être
«explosifs».


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