Personne ne connaît la part de vérité et les vraisemblances du mensonge dans cette histoire mais à Alger, il y a beaucoup de monde à la raconter sans sourciller. Il y en a même qui peuvent la narrer avec ce brin d'arrogance - si ce n'est de mépris - envers l'interlocuteur, forcément ignorant en la matière. L'histoire se raconte au bistrot parce que sur le zinc, les mensonges les plus grossiers et les impostures les plus crasses peuvent passer comme une lettre à la poste. Mais il y a toujours une géniale pirouette pour rééquilibrer les choses de façon à adoucir le scandale. Il paraît que s'il y a autant de bobards gobés et autant de crédulité au sein d'une population que rien ne prédestine à être différente du reste de ses coreligionnaires, c'est parce que dans les troquets et bouges, il y a beaucoup de vérités, que des vérités, paraît-il. Elles (les vérités) sortent de bouches ailleurs bâillonnées parce qu'ici il y a tellement de censures dépassées et de peurs vaincues que des faits rapportés prennent des allures de couleuvres impossibles à avaler et d'histoires à dormir debout quand elles sont racontées loin de leur espace de prédilection... naturel, selon les mauvaises langues mal inspirées, comme d'habitude. Cependant, il y a des exceptions, en l'occurrence. Certaines histoires du genre parviennent, en dépit de tous les obstacles et de toutes les résistances à dépasser leur ghetto et aller se faire intégrer ailleurs. C'est rare mais ça existe, surtout quand le troquet a l'avantage d'une large périphérie ou, pour changer de jargon, une lointaine profondeur naturelle. C'est le cas de la mer, des pêcheurs et des «riverains» qui n'hésitent pas à relayer ce qui se raconte dans leur proximité physique même quand ils n'en assument pas ou n'en assument plus les choix de vie. Pourquoi cette dissertation ' Hier au marché de Aïn Benian, un bonhomme demandait avec la surprise du connaisseur comment se fait-il que la crevette connaît actuellement une sensible baisse du prix alors que la sardine ne fait que monter. L'explication du marchand était tellement tirée par les cheveux qu'elle a rapidement tourné sur un cours magistral sur la... préparation de la crevette en sauce ! Dans la foulée, il a encore sorti cette histoire où on prétend que ce plat n'existait nulle part et serait une invention d'un célèbre restaurateur de la Madrague du nom de «Sauveur». Un soir où il était particulièrement éméché, il avait préparé à ses copains un «grand n'importe quoi» qui deviendra par la suite la très prisée «crevette en sauce». On ne sait pas si l'histoire est vraie mais sur le zinc, elle passe comme une lettre à la poste. Maintenant qu'elle se raconte au marché...S. L.
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Posté Le : 01/02/2022
Posté par : presse-algerie
Ecrit par : Slimane Laouari
Source : www.lesoirdalgerie.com