"Sauvegardons notre organisation sociale ancestrale"

Le Dr Sadi a souligné, en la déplorant, l'existence d'une "volonté de parasiter et de polluer le débat public", dont l'arrière-pensée est d'empêcher que soient abordées "des questions de fond qui pourraient déstabiliser le pouvoir en place".Poursuivant son périple à travers la vallée de la Soummam, Saïd Sadi a animé, hier, deux conférences-débats à Seddouk et à Timezrit, dans la wilaya de Béjaïa, sur invitation des associations socioculturelles locales. Les débats que suscitent les communications de l'ancien président du Rassemblement pour la culture et la démocratie (RCD) passionnent si fortement l'assistance que, souvent, il est amené à sortir du thème de sa conférence, à savoir "Culture et résistance : enjeux et défis d'aujourd'hui".
Avant d'entrer dans le vif du sujet, lors de son intervention devant un auditoire nombreux, composé d'hommes et de femmes, de jeunes et moins jeunes, hier matin, à la Maison de jeunes de Seddouk, le Dr Saïd Sadi a d'abord tenu à rendre un hommage appuyé au leader de l'insurrection populaire de 1871, considéré comme étant le précurseur de la résistance contre le colonisateur français.
"C'est à partir d'ici, à Seddouk, que partit la première étincelle de la résistance anticoloniale, un certain 8 avril 1871, sous l'impulsion de Cheikh Aheddad, chef spirituel de la confrérie Rahmania", a-t-il lancé, d'emblée, sous les acclamations d'un public nombreux, venu prêter une oreille attentive au discours de vérité et d'espoir que prône l'ex-leader du RCD. Dans la foulée, le conférencier a mis en exergue le rôle prépondérant qu'ont joué les notables des villages, notamment en Kabylie, en affirmant que "les architectes de la Révolution algérienne se sont appuyés sur ces notabilités villageoises pour réussir l'organisation logistique du Congrès de la Soummam, tenu en août 1956, à Ifri-Ouzellaguen".
Insistant sur la nécessité de sauvegarder la fameuse tajmaât kabyle, l'orateur plaidera pour "la modernisation de ce cadre organisationnel de la société légué par nos ancêtres". Il appelle, à ce titre, à renforcer et encourager l'ouverture de débat citoyen en intégrant l'élément féminin dans le mouvement associatif, notamment dans les comités de village, où la femme kabyle demeure toujours exclue. Le Dr Sadi se dit "émerveillé" d'avoir constaté que le comité de village Iguersafène, dans la commune d'Idjeur, daïra de Bouzeguène, est présidé par une femme !
Cela étant, l'hôte de Seddouk déplorera l'existence d'une "volonté de parasiter et de polluer le débat public", dont l'arrière-pensée est d'"évacuer le débat autour des questions de fond qui pourraient déstabiliser le pouvoir en place". C'est pour cela, d'ailleurs, qu'il exhorte les citoyens de la région à multiplier les rencontres-débats, afin d'enraciner davantage le sentiment démocratique dans l'esprit populaire. "Il faut encourager la démocratie de proximité. Car elle constitue à la fois un moyen et un objectif", a-t-il souligné, avant d'ironiser : "En tout cas, un café littéraire est plus crédible qu'une kasma du FLN !" Interrogé sur la portée des acquis du combat identitaire en Algérie, le Dr Sadi affirmera que "sur le plan psychologique, la bataille est déjà gagnée. Sur le plan politique, il y a eu, certes, des avancées historiques, tandis que sur le plan scientifique et technique, je pense que beaucoup reste à faire !"
En réponse à une question d'un jeune citoyen qui s'interroge sur "la politique d'ostracisme" qui frappe la région de Kabylie, le conférencier a dû évoquer le cas du groupe Cevital qui subit des blocages aussi "injustes qu'injustifiés" de la part du pouvoir en place, en rappelant à l'assistance qu'"il est vraiment aberrant de constater aujourd'hui que le même projet autorisé dans le port de Jijel se trouve être bloqué à Béjaïa !"
Kamal Ouhnia