Algérie

SAUTES D HUMEUR La colère du cordonnier



Le tempérament nerveux de l'Algérien est connu pour être assez excessif mais également pour oublier rapidement et pardonner. Seulement, durant le mois de Ramadan, la colère disproportionnée, et tous pointent d'un doigt accusateur le jeûne pour justifier leur réaction qui vire souvent au ridicule. Depuis le début de ce mois sacré, Ali, dit «el cordonnier», qui tient une petite boutique dans un quartier populaire à Oran, ouvre son commerce à partir de 11h, et a un rituel que les habitants connaissent par cœur, celui de faire briller sa vitrine. Une fois sa tâche accomplie, il entame son travail. Ali n'est pas le seul à avoir son rituel durant le mois de Ramadan, son voisin, Saïd, propriétaire d'un magasin mitoyen aime rafraîchir son entrée jusqu'au trottoir en procédant à un arrosage devant son magasin. Souvent, Ali lui reproche cette habitude la jugeant salissante pour sa façade éclaboussée, ce qui l'oblige souvent à nettoyer plus d'une fois dans la journée. Samedi, quatrième jour de Ramadan, vers 14h, la même scénario a eu lieu entre les deux hommes, une dispute publique, sauf que cette fois-ci, le ton est monté d'un cran, et Ali, le cordonnier, fou furieux, en est arrivé aux mains. L'empoignade dura quelques minutes, et l'on eu du mal à séparer les belligérants. Mais Ali ne s'est pas pour autant calmé. Il s'est mis en face du magasin, pris des pierres et, avec une hargne indescriptible, il jettera les projectiles sur la devanture en verre qui vola en éclats. Il était entré dans une colère noire et personne n'a pu le calmer ou l'arrêter, jusqu'à ce qu'il entende une voix émanant de la foule sidérée, qui s'était amassée autour de lui, répétant : «Espèce de fou, tu es en train de caillasser ta façade pas la sienne !» La marée humaine, agglutinée, assistait impuissante à ce spectacle tragi-comique, prise d'un fou rire. L'hilarité n'était pas du goût d'Ali qui, en se rendant compte de sa bêtise, hurlait et proférait des insultes. Son voisin, lui, après avoir évité les jets de pierre et constatant que sa vitre n'avait été qu'effleurée et fissurée quelque peu s'est mis à son tour à rire. Une fois les esprits calmés, les deux hommes se sont retrouvés après le f'tour et ont convenu de partager les frais des réparations. Quant à la raison ayant déclenché cette dispute, Saïd a promis de s'y prendre autrement pour rafraîchir l'entrée de son magasin. Ali, quant à lui, a confié à son voisin avec une note d'humour : «Je te promets que si tu recommences je viserai mieux !»Amel Bentolba
La chorba brûle
Salima est une inconditionnelle des feuilletons arabes. Elle n'en rate pas un surtout celui de 17h. Pour ne pas être en retard, elle prend ses devants et veille à ce que tout soit prêt avant le rendez-vous. Ses boureks sont confectionnés, ses salades fignolées, son deuxième plat cuit à point, sa table dressée, il ne reste plus que le frik à ajouter à sa soupe. Elle jette un dernier coup d'œil sur ses marmites et laisse mijoter sa chorba sur feu doux. Elle s'allonge confortablement sur le divan du salon en face de la télévision et, les yeux rivés sur l'écran, suit, dans un silence sidéral, les rebondissements de sa série préférée. Comme hypnotisée, rien ne la fera bouger de son siège avant la fin du film. Mais ce jour-là , Salima n'ayant pu rattraper ses heures de sommeil après son insomnie s'est assoupie. L'odeur du cramé lui chatouillera ses narines et la sortira brusquement de son somme. Elle se lève en sursaut, se dirige vers la cuisine, la pièce est en fumée et l'air irrespirable. Elle éteint le feu, sort sa cocotte au balcon et ouvre toutes les fenêtres. Elle regarde la pendule, il est 19h, son mari va rentrer d'une minute à l'autre, elle panique et ne sait plus quoi faire. «Mon Dieu, je n'aurai jamais le temps de refaire une autre.» Elle entend la clé tourner dans la serrure, c'est lui, Si-Ali. Il a les mains chargées et, content, lui annonce la bonne nouvelle : «Je suis allé à Boufarik, je t'ai apportée ta zlabia.» Elle a le visage livide. Il rentre dans la cuisine et, avant même de se débarrasser des provisions, il renifle l'air. «Ça sent le brûlé. Ne me dis pas que c'est chez nous '» Salima n'a plus de voix. Il a tout compris. «Ne me dis pas que c'est la chorba.» Elle acquiesce. Il entre dans une colère noire, jette tout parterre, la sermonne et sort en claquant la porte. Salima est effondrée. Elle découvre son mari. Elle ne l'a jamais vu dans cet état. C'est le premier Ramadan qu'elle passe seule avec son époux après deux ans de mariage, et voilà que sa chorba part en fumée. Elle éclate en sanglots et se sent nulle. Sid-Ali revient. Il est muet comme une carpe. Il s'installe à table. Le muezzin annonce la rupture du jeûne. Il prend son verre de lait et une datte. Puis quitte la salle à manger pour griller sa première cigarette. Il retourne à sa place et regarde Salima avec compassion : «Je suis regrette, je n'aurai jamais dû me comporter de la sorte. C'est stupide. Je crois que c'est le manque de nicotine qui me rend nerveux.» Soulagée, elle lui lancera avec un large sourire : «Ça doit te donner à réfléchir : il est peut-être temps d'arrêter de fumer.»


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