Algérie

Sarkozy, « le civilisateur »


Depuis son arrivée au pouvoir, Nicolas Sarkozy tente de donner un coup de jeune à la diplomatie française. Mais à vouloir trop faire de bruit, avec des gestes et des actes qui vont dans tous les sens, le président français, bien ancré dans sa droite natale, renvoie plutôt une mauvaise image : une diplomatie-spectacle. Il veut faire accroire au monde entier qu?il a réglé l?affaire des infirmières bulgares en Libye, alors que la médiation qatarie et européenne était à l?origine du dénouement de la crise. Il tente de chercher des solutions à la crise du Darfour soudanais en ignorant le gouvernement de Khartoum. Il se lance dans la quête d?une issue au problème libanais en s?attaquant au Hezbollah. Il propose une idée de créer une union méditerranéenne sans en préciser les contours. Ce n?est pas forcément mauvais de faire des propositions à un niveau géostratégique, à condition que celles-ci soient définies. Et voilà que Nicolas Sarkozy vient en Afrique pour essayer de rompre avec les complaisances liées à « la Françafrique » et au « pré carré ». Sans y parvenir. Des discours tenus au Sénégal et au Gabon, pays amis de la France, ont choqué les Africains. Le franc-parler du locataire du palais de l?Elysée plaît peut-être à une partie des Français, y compris ceux de l?extrême droite, mais ne passe pas ailleurs. « L?Afrique a sa part de responsabilité dans son propre malheur : la colonisation n?est pas responsable des guerres sanglantes que se font les Africains entre eux », a dit Sarkozy à Dakar. Autrement dit, que les Africains s?entretuent, c?est de leur faute. Qui a divisé des tribus en créant des frontières artificielles ? Qui a pillé les richesses des terres du continent ? Qui a introduit l?idée diabolique de la main coupée à la machette ? Qui a alimenté les haines entre ethnies en tentant d?effacer les identités et les langues ? Le fautif porte un nom : le colonialisme. Ce colonialisme, selon la thèse de Sarkozy, n?est pas responsable de la venue de « dictateurs et de corruption ». Ces mêmes « dictateurs » sont couverts d?or et de lumière lorsqu?ils débarquent dans les capitales européennes, à commencer par Paris, et leurs comptes sont protégés par les banques du Vieux continent. Des chefs d?Etat de ce continent revendiquent publiquement une amitié avec ces « dictateurs » et n?hésitent pas à conclure avec eux de juteux marchés. A Libreville, Sarkozy a serré la main au Gabonais Omar Bongo, qui n?a aucun palmarès à défendre en matière de démocratie ou de respect des droits humains. Tout comme le Tunisien Zine El Abidine Ben Ali que Sarkozy a embrassé avec entrain lors de sa récente visite à Tunis. Pire. Le président français suggère que les Africains n?ont aucun héritage civilisationnel. « Le drame de l?Afrique, c?est que l?homme africain n?est pas assez entré dans l?histoire (?). Jamais il ne s?élance vers l?avenir. Dans cet univers où la nature commande tout, l?homme reste immobile au milieu d?un ordre immuable où tout est écrit d?avance », a-t-il dit à Dakar. En termes peu diplomatiques, cela s?appelle une insulte. Ces propos d?une gravité intense soulignent que le président français a une conviction : la suprématie supposée de la « civilisation » occidentale. C?est simple : il demande aux Africains « d?assimiler » une part de cette civilisation pour sortir de la misère. Et là, il n?est pas loin des thèses des néoconservateurs américains et des milieux racistes de l?extrême droite européenne. Après cette incroyable gymnastique, qui rappelle l?état d?esprit des premiers colons venus « civiliser » les autochtones en Algérie et en Afrique de l?Ouest, Sarkozy est arrivé à proposer à l?Afrique un autre projet : l?Eurafrique. Est-il autorisé à parler au nom de l?Union européenne sur ce projet aux traits flous comme celui de l?union méditerranéenne ? Et pourquoi cette volonté de chercher à diviser entre Afrique du Nord et l?Afrique au-delà du Sahara en proposant deux projets différents ? « J?aime l?Afrique », a dit Sarkozy. On a tendance à ne pas le croire.
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