Sara Souissi, sociologue consultante à Tunis Deux spécialistes s'expriment

L'intervention militaire américaine en Irak en 2003 et le printemps arabe qui a commencé il y a deux ans à peine, seraient-ils en train de faire le lit à un conflit entre sunnites et chiites au Moyen-Orient et à une guerre de religions en Egypte '
Sara Souissi : Primo, le printemps arabe et l'intervention américaine en Irak sont deux choses différentes, opposées même. Deusio, il n'y a pas de guerre de religions en Egypte. Les heurts qu'ont voit actuellement sont propres à la transition actuelle. Tout le monde aura vu qu'à chaque heurt, la société civile réagit et manifeste sa solidarité où les coptes et les non coptes se retrouvent côte à côte. Et puis, il y a une chose qu'on ne doit pas oublier je pense, les coptes sont égyptiens avant tout. Quant à la question du « conflit » sunnites-chiites, je crois que ce conflit n'est pas si religieux que ça. C'est plutôt une question de droit à être et à agir dans l'espace politique. Voire un refus manifeste de l'exclusion et une revendication des mêmes droits pour tous. Et là, il y a un gros problème : ceux qui ont le pouvoir refusent de le partager. Dans cette perspective, c'est-à-dire mêmes droits pour tous les citoyens, on peut dire que le printemps arabe a permis à nos peuples de se libérer des dictatures et des régimes répressifs. Si Saddam était resté au pouvoir, il aurait été dégagé par les Irakiens.
Oui, mais les attentats anti-chiites sont réels en Irak, au Liban, au Pakistan. Ce n'est pas une vue de l'esprit. Quant à l'Egypte, Tawadros II, le patriarche des coptes orthodoxes, a bien qualifié le président Morsi d'incompétent et d'inapte à assurer la sécurité des coptes, et comme il se revendique de l'Egypte, le droit à une demande au Conseil de sécurité pour user de son devoir de protéger la minorité est presque « dit ».
La guerre des religions est un truc que ressassent les journalistes, en mal de sensation. Surtout ceux qui ne connaissent pas nos sociétés. Le premier responsable des coptes a raison de critiquer Morsi. Il le fait comme tous les Egyptiens. C'est un Egyptien qui défend des Egyptiens coptes : comme tous les citoyens du pays ils ont le droit à la sécurité. Le vrai problème est ceci : est-ce que les coptes ont tous leurs droits constitutionnels ' Est-ce qu'il y a une discrimination dans la Fonction publique '... Quant à cette éventuelle autonomie susurrée par certains, elle ne peut constituer une solution. Loin de là.