Les conditions de mise en application de la contractualisation, entre les
établissements de Santé et les organismes de sécurité sociale, sont loin d'être
réunies, selon le Pr Mohamed Brahim Farouk, chef de
service du pavillon 10, du CHU d'Oran.
En tant que praticien et gestionnaire d'un service, notre interlocuteur
rappelle que cette option a été inscrite, dans le cadre de la réforme
hospitalière, en 2003, dans un programme gouvernemental, en vue d'améliorer la
gestion des établissements de Santé. «Cependant, presque 10 ans après, le
constat est identique, voire pire, et la contractualisation ne peut pas se
faire sur un rien. En premier lieu, il est nécessaire de définir un cahier des
charges et faire une évaluation qui doit être qualitative et non quantitative»,
a estimé le même responsable, en considérant que les structures doivent
également être remises à niveau. «Il est impensable qu'un malade qui se
présente dans une structure publique doit ramener ses repas, sa literie, ainsi
que ses médicaments, même si en termes de compétences, la prise en charge est
de qualité», a noté au passage, notre interlocuteur, en faisant remarquer que
chez le privé, il suffit de payer pour être pris en charge totalement. Même si
le secteur public reste la colonne vertébrale du système national de Santé, le
fait de qualifier les hôpitaux de mouroirs est faux, devait souligner Pr Mohamed Brahim. A titre d'exemple, il est erroné de
songer à la fermeture de l'hôpital d'Oran, construit en 1889, juste parce qu'il
est ancien, car le CHU
Mustapha est plus ancien et date de 1860. Cela n'enlève en
rien des résultats obtenus et, à titre illustratif en chirurgie, toutes
spécialités confondues, plus de 16.000 interventions ont été enregistrées en 2010,
et ce, en dehors des urgences. Ce chiffre est énorme, mais qui passe sous
silence, a estimé notre interlocuteur en refusant le qualificatif de mouroir vu
qu'au plan des techniques utilisées, il n'a rien à envier à ce qui se pratique
en Europe. Au service d'urologie, la greffe rénale est réussie avec des équipes
algériennes, au même titre que ce qui se fait pour le traitement des
hémopathies malignes, ainsi que des leucémies. Cependant, le CHUO connaît des
problèmes, comme les pénuries, qui sont nationales, ainsi que les pannes
d'équipements. « Je ne défends personne, je défends mon hôpital», devait
souligner le responsable, en faisant remarquer, toutefois, que les
gestionnaires travaillent sur la base de textes de lois totalement obsolètes et
qui ne s'adaptent pas à l'économie de marché. L'hôpital n'a pas ses propres
finances et à chaque achat, il faut passer par la commission des marchés et le Crédoc, et en cas de panne il faut passer par un avis
d'appel d'offres.
Ceci étant, pour arriver à la contractualisation, l'établissement doit
avoir ses propres finances et ses rentrées d'argent. Or, si l'on se réfère au
service du pavillon 10, les soins ont coûté 21 millions de DA, alors que les
rentrées n'ont été que de 2 à 3 millions de DA, étant donné que même si en
quantité le nombre d'interventions est estimé à plus de 150.000, un chiffre
considéré comme étant l'un des plus importants du pays, cet écart s'explique
par le fait que le prix du cas opératoire est de 11,50 DA, alors qu'en France, il
est de 2,50 euros, de même que la consultation spécialisée qui est de 100 DA, alors
qu'en Europe, elle est fixée à 50 euros, sachant que la même consultation dans
le privé est fixée à 1.000 DA. Ceci étant, la nomenclature des tarifs de
remboursements des frais médicaux devrait être actualisée, même si on sait que la Caisse de sécurité sociale
connaît des difficultés, en termes de cotisations, alors qu'elle est appelée à
payer les hôpitaux et alimenter la
Caisse des retraites.
Par conséquent, il est indispensable de remettre à niveau les structures
publiques et contractualiser les services performants qui peuvent combler le
déficit des autres en difficulté. En clair, il est, selon le professeur, impératif
de budgétiser les services et donner beaucoup plus d'indépendance à l'hôpital
qui pourra se dégager d'activités annexes telles que la cuisine, la sécurité et
la lingerie, à titre d'exemple, et les confier à des sous-traitants, comme cela
se fait ailleurs. Il citera à cet effet, l'hôpital militaire de Constantine où
toutes ses activités sont sous-traitées. Au CHU d'Oran, on dénombre plus de 6.000
agents, ce qui est énorme notamment en termes de masse salariale. Par ailleurs
et concernant les pénuries des médicaments, le chef de service estime que cette
question ne peut nullement être résolue à travers des textes de lois, mais
qu'il est nécessaire de songer à organiser des assises médicales nationales. Et
de s'interroger sur le fait que les fournisseurs sont diversifiés et
proviennent de plusieurs pays, contrairement à nos voisins, pourtant moins
nantis.
A cet effet, l'exemple de l'Afrique du Sud est édifiant en ce sens qu'il
a développé le générique. Il a estimé, en reprenant les propos du ministre de la Santé, que la facture des
médicaments qui dépasse les 1,2 milliard de dollars
est double aux besoins. Faut-il dépenser beaucoup d'argent pour des cancéreux
en phase finale? Faut-il prendre en compte des considérations autres que
l'efficacité ? Telles sont, entre autres, des questions qu'il faut se poser, même
s'il est vrai que la santé n'a pas de prix, mais a un coût, devait conclure
notre interlocuteur.
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Posté Le : 24/12/2011
Posté par : sofiane
Ecrit par : Salah C
Source : www.lequotidien-oran.com